Bon, chose promise, chose due. J'ai pu me mater Cinéman ce week end.
Le film commence très mal:
-si ce n'est une très courte intro qui montre ledit Cinéman en méga star dans la vie réelle, on arrive très rapidement dans un film muet Noir et Blanc de Harold Lloyd où Dubosc est Harold Lloyd. Alors, là, gros problème, dans mon post au-dessus, j'avais évoqué les "options" qu'avait Moix pour mettre en place son concept (un personnage qui peut voyager de film en film), et une des idées, c'était de respecter les ratios d'origine pour chaque film visité. En fait je me trompais, c'était pas une option, c'était une obligation. Le pastiche de Lloyd, tel que filmé par Moix est cadré 1.85, si je ne m'abuse, et ça nique complétement le concept du film. C'était pas juste un plus de filmer ce passage en 4/3, c'était la première des exigences à avoir pour que le premise fonctionne. Du coup, on est absolument pas dans un film muet des débuts du cinéma.
-c'est censé être un film muet, et Moix assaisonne toutes les actions avec des bruitages "rigolos"! Des bruitages dans un film muet!? (on y reviendra plus tard sur les bruitages et Yann Moix)
-on voit Pef et Lucy Gordon dès cet extrait de film muet, du coup le concept, qui viendra plus tard dans le film, que Pef kidnappe Lucy Gordon dans le monde de Sissi est complètement aux fraises, puisque, apparemment et Pef, et Lucy, possèdent, au même titre que Cinéman, le pouvoir de voyager de film en film. Cinéman a à peine commencé que le scénario prend déjà l'eau de toutes parts.
-"la vie réelle", que dire si ce n'est que les passages dans la vie réelle sont encore plus éloignés de la réalité que ne le sont les incursions dans les films. L'appartement de Dubosc est une espèce de gigantesque serre tropicale où tombent et ou voltigent des chats (toujours accompagnés de bruitages rigolos, ici des bruitages de chats, donc. Je vous avais dit qu'on allait y revenir aux bruitages, et c'est pas fini...). La lumière: déjà l'appart de Dubosc est très bizarrement éclairé mais c'est encore 100 000 fois plus réaliste que l'éclairage des scènes du lycée (quelqu'un peut me dire si c'est censé être un lycée, d'ailleurs? les étudiants on l'air d'avoir tous au moins la mi-vingtaine, et Dubosc insiste à chaque fois sur le fait qu'il enseigne les mathématiques supérieures). Le lycée, donc, la salle de classe on la dirait sortie d'un film d'anticipation des années 70s (en même temps tous les décors de la vie réelle semblent provenir des années 70s...), c'est éclairé très bizarrement là aussi, ça fait complètement artificiel (à quoi s'ajoute des rires enregistrés et des bruitages rigolos. Oui, encore.) La salle de réunion des profs ou le bureau du proviseur ont droit à pire: là c'est carrément éclairé avec des projos colorés très marqués, genre d'énormes plages de vert ou de bleu (généralement la scène est totalement monochrome, ce qui tend à la rendre encore plus irréelle). Pour une raison qui m'échappe encore, la cafétéria est éclairée normalement, par contre c'est là où on a droit à un festival du bruitage rigolo (eh oui: encore!...promis, j'arrête là). Enfin bon, avec une lumière totalement autre et des bruitages absurdes, la "vie réelle" est bien plus fantasmée que les univers des différents film.
Mais sinon, la lumière des pastiches de westerns spaghetti est pas mal du tout, celle de Barry Lindon aussi (ils ont même fait des zooms, comme dans le film de Kubrick, dommage qu'ils aient pas tenté une scène juste éclairée par des bougies)...
Bon, déjà dit plus haut, mais le film passe du temps à expliquer que Dubosc est devenu Cinéman et peut voyager de film en film juste parce qu'il s'est piqué la main sur une broche que Lucy Gordon/Sissi a jeté du carosse avec lequel Pef l'a enlevé dans l'univers de Sissy. Alors va falloir m'expliquer qu''est-ce que Pef et Lucy Gordon foutent dans l'univers de Pour une poignée de dollars, si c'est la piqure de ladite broche qui vous transmet ce pouvoir...(à la limite pour Pef, y a ce concept que tous les méchants de tous les films sont incarnés par Pef/Craps)
La post synchro: bon, tout le monde le sait ici, Moix s'est rendu compte en matant ses rushs qu'il avait complétement merdé, du coup il a tenté de se rattraper en récrivant ses dialogues et en faisant une nouvelle prise de son avec ses comédiens. Bon, je vais être honnête, je l'ai pas vu sur un super grand écran, donc je l'ai pas remarqué à chaque fois (et de la longue liste de défauts connus du film, c'est pas celui là le pire).
En fait, un des plus gros problèmes du film, en partie évoqué plus haut, c'est l'absence de rigueur dans la mise en scène. Je vais prendre comme exemple les deux premiers OSS de Dujardin/Hazanivicus/Hallin (je prendrais pas le troisième Alerte rouge en Afrique noire qui souffre exactement des mêmes défauts que Cinéman), dans ces deux films, toute l'équipe a filmé comme on filmait dans les années 50/60s, aussi bien au niveau de la lumière que du montage que des effets spéciaux (ce que Nicolas Bedos a pas du tout fait, ni compris, pour OSS3 qui est filmé comme un film du 21è siècle). A aucun moment on ne retrouve cette approche dans le film de Moix (même si c'était probablement l'ambition de départ), ce qui fait qu'on est rarement projeté, en tant que spectateur, dans le film visité par Cinéman. Y a qu'à voir le combat entre Cinéman et Craps dans Robin des Bois, avec de la caméra épaule et un montage très cut. De la caméra épaule et des plans cuts pour un film en Technicolor de 1938?! Et c'est vraiment dommage de pas avoir utiliser cette idée du mec qui rentre dans un nouveau cadre par là où il était sorti dans le plan précédent, ça aurait beaucoup contribué à la mise en place des capacités de Cinéman.
Après j'aimerais dire un mot sur Dubosc, il fait du Dubosc la plupart du temps, c'est vrai, mais pour moi c'est la faute de Moix, pas de Dubosc. Dubosc est capable de jouer autre chose, et sur quelques plans voire quelques scènes, il le prouve. Mais Moix, là encore, savait pas réellement ce qu'il voulait faire de son personnage, au début ça a l'air d'être un abominable connard vue la façon dont il traite ses élèves (et ça ressemble beaucoup à un personnage à la Poelvoorde), puis un looser sympathique, puis juste différents niveaux de Frank Dubosc...
Bon, pour le budget qu'il avait (19 millions d'euros) Moix a chié dans la colle, c'est sûr, mais je m'attendais à une purge bien bien plus infâme que ça (franchement la bande-annonce est pire que le film). Mais bon, c'est juste un film loupé, et je trouve que le tombereau d'injures déversé sur le film est immérité. Voilà, de là à penser être couvert de merde à cause de ce film, y a une grosse (grosse) marge. Mais, comme toujours avec Moix, même dans ses auto-critiques il faut qu'il exagére, qu'il soit au-dessus de tout.
Bon, je l'avais dit dans mon message d'introduction que j'étais plus un fan des années 80s question films, qu'un expert nanard, mais après avoir vu beaucoup de gens en désaccord ici sur qu'est-ce qu'un nanar, pour moi un nanard c'est un film loupé où on s'emmerde pas. Et vraiment je me suis pas fait chier devant Cinéman.
Voilà pour mon pavé, version courte: pas la supra merde que j'attendais...
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