LES GLADIATEURS DE L'AN 3000
Titre original : Deathsport
Titres alternatifs : Death Sport, Deporte Mortal, Death Race 2050
Réalisateurs : Allan Arkush, Nicholas Niciphor, Roger Corman (non-crédité)
Année : 1978
Pays : Etats-Unis
Genre : Le prix low cost du danger (
Catégorie : Post-apocalyptique)
Durée : 1h23
Acteurs principaux : David Carradine, Richard Lynch, Claudia Jennings, William Smithers, Will Walker, David McLean

Roger Corman est un visionnaire. Parfois, sans même le faire exprès.
Prenez
Les Gladiateurs de l'An 3000. Sorti en 1978, ce titre anticipait toute la vague, que dis-je, le tsunami de post-nuke transalpins, du genre
Les Exterminateurs de l'An 3000, 2020 Texas Gladiators, Le Gladiateur du Futur et autres
2072 Les Mercenaires du Futur, qui allait déferler sur les vidéo-clubs durant la décennie suivante dans le sillage de
Mad Max 2. Dans sa géniale margoulinerie, le pape de la série B est même parvenu à anticiper la place totémique qu'occuperont les
125 tunées dans tout ce pan de la SF nanarde 80's.
Une affiche thaïlandaise de toute beauté (comme toutes les affiches thaï).Pourtant, on ne peut pas faire moins original que
Les Gladiateurs de l'An 3000. Déjà, son titre américain,
Deathsport, et son acteur principal, David Carradine, l'inscrivent clairement comme une fausse suite de
La Course à la Mort de l'An 2000 alias
Les Seigneurs de la Route alias
Death Race 2000, l'un des plus gros succès de la carrière de Corman sorti en 1975. Lequel avait déjà eu droit à une suite en 1976,
Cannonball, laquelle essayait elle-même de surfer sur le
Rollerball de Norman Jewison, sorti entretemps. Aucun rapport cependant entre les deux films sinon l'argument d'un jeu du cirque futuriste ultraviolent et motorisé,
Deathsport se révélant en réalité une resucée cheapo-discount de
La Guerre des Etoiles mâtinée d'une grosse louche de
L'Âge de Cristal.
Le jeu des sept erreurs :

Véritable Big Bang dans la galaxie cinématographique mondiale, le space opera de George Lucas fut une révolution et un cataclysme pour le cinéma de genre à l'ancienne, des films à petit budget qui offraient jusque-là le type de divertissement que les majors méprisaient jusqu'alors. Nombreux furent les petits producteurs a essayer de grapiller quelques miettes du succès arrogant de ce blockbuster intergalactique, que Roger Corman repompera de nouveau en 1980 avec le sympathique
Les Mercenaires de l'Espace. Force est de constater que ce premier rip-off de 1978 s'avère beaucoup plus bancal et constitue un amas particulièrement informe d'idées prises ailleurs.
"If you were thrilled by STAR WARS, you'll be dazzled by DEATHSPORT!" Ben voyons...Suivant la méthode Corman, notre film essaye de raconter beaucoup avec pas grand-chose. En l'occurrence, on n'a qu'une petite poignée d'acteurs faisant les marioles à pied, à cheval et à moto dans des terrains vagues de Californie (on imagine la tête des promeneurs du dimanche qui ont peut-être croisé David Carradine et Richard Lynch en train de se tourter à coups d'épées en plexiglas sur une colline avec la même grâce que Matt Hannon et
Robert Z'Dar dans
Samurai Cop). Mais grâce à quelques matte-paintings très artisanaux et à une voix-off au ton grave, nous voici transportés dans un futur post-apocalyptique, quelques mille ans après les
"Guerres de Neutron". La Terre ravagée se résume à de vastes déserts radioactifs (mais verdoyants) où errent quelques nomades et des mutants anthropophages. Pour survivre, les Humains se sont réfugiés dans d'immenses cités à l'architecture tantôt en carton-pâte (pour les scènes d'intérieur), tantôt en aquarelle (pour les plans larges). L'une de ces mégapoles, Helix City, est dirigée par le dictateur Lord Zirpola (David McLean), sorte de Big Brother atteint de maladie mentale, vivant entouré de jeunes potiches qui ont du mal à garder leur sérieux à l'arrière-plan. Zirpola charge son bras droit et âme damnée Ankar Moor (Richard Lynch) d'aller capturer les Guides nomades Kaz Oshay (David Carradine) et Deneer (Claudia Jennings) afin de les obliger à participer au "Death Sport", un genre de tournoi de gladiateurs avec des motos.

Dans le futur, alors que l'Humanité vit agglutinée dans des matte paintings low-cost...


... la BRAV-M fait régner la terreur à coups d'armes piou-piouesques...

... et les dissidents sont incarcérés dans des prisons en carton.

Mais heureusement, Spawn a décidé de se battre contre le système.


Ah, pardon... David Carradine a décidé de se battre contre le système.Avec le manque d'aplomb légendaire de ses prestations les plus alimentaires et je-m'en-foutistes, David Carradine traverse le film de façon très nonchalante, l'œil éteint et la mine pâteuse d'un énième lendemain de cuite. Livrant le minimum syndical, le talentueux acteur affiche de la première à la dernière minute sa mine détachée des jours de vaches maigres. Il est évident qu'il ne croit pas une seconde à son rôle d'ersatz d'Obi Wan Kenobi et de Luke Skywalker, sortant des aphorismes pseudo-mystiques du genre
"Comme le sable dans le vent, avançons." en pensant à la prochaine binouze qu'il pourra s'envoyer après la prise pour se donner du courage. Le grand David est cependant beaucoup plus impliqué que dans nombre de ses nanars ultérieurs, n'hésitant pas à mouiller la chemise dans les scènes d'action et portant ce projet brinquebalant sur ses épaules malgré sa démotivation palpable. Qu'il se trimballe en pagne, avec une cape et une capuche en fourrure, ou qu'il porte le pyjama blanc de Mark Hamill, armé d'une épée en plexiglas et d'un désintégrateur aux airs de grosse lampe torche, il a toujours la classe.

"Laisse-moi sortir de ce nanar ! Tu m'entends, Roger ?! Je veux à nouveau tourner de bons films !"Avec
Les Gladiateurs de l'An 3000, on tient sans doute le tout premier nanar de la filmographie de l'ainé de la fratrie Carradine, qui à l'époque tournait encore des films indépendants de prestige et des séries B efficaces, bien loin des bouses tiers-mondistes qu'il enchaînera quelques années plus tard, quand les drogues, l'alcool et les échecs financiers en auront fait un has-been aux abois. Une traversée du désert dont
Deathsport était en quelque sorte la première étape et dont David semble deviner à l'écran les perspectives artistiques décourageantes.
Pas au meilleur de sa forme, Petit Scarabée...

"Alors, voyons ce que nous réserve l'horizon..."

"Mmh... "Kaine le Mercenaire", "Dragon Cop", "Kill Zone", "Dinocroc Vs. Supergator"... Mouais. Je crois que j'ai besoin d'un petit remontant..."

_ "Dis David, tu trouves pas qu'on a l'air ridicules avec ces casques ?"
_ "Bof, tu sais, du moment que j'arrive à réunir le reste du budget pour terminer "Americana", Roger Corman peut me faire porter un tutu rose si c'est correctement payé."

Les méchants ont l'air aussi navrés que les gentils de jouer dans un film pareil.Plus concerné, Richard Lynch cabotine gentiment dans son rôle de Dark Vador du pauvre, ancien chevalier Jedi... euh, pardon, Guide passé du côté obscur, qui s'est mis au service d'un Empereur Palpatine minable après avoir tué la mère de Kaz Oshay, grande guerrière dont notre héros a hérité des pouvoirs mystiques (rappelons qu'en 1978, le monde entier croyait encore que Dark Vador avait tué le père de Luke Skywalker). C'est avec une conviction louable que le bon Richard récite des monologues dont le lyrisme laisse songeur :
"La vérité n'a pas besoin d'être présentée. Quand le soleil se lève, il n'est pas nécessaire de l'annoncer. L'homme est comme une bougie. Il doit rayonner la vie en se brûlant. J'ai un destin à rencontrer."
Lord Zirpola et Ankar Moor, l'empereur Palpatine et le Dark Vador de Prisunic.





Festival Richard Lynch. Sans déconner, c'est celui qui s'en tire le mieux de tout le casting.

Même pas perturbé par le manque de professionnalisme des figurantes. C'est aussi ça avoir la classe !Si le film accumule les "emprunts" à
Star Wars (histoire, background des personnages, épées presque laser, bruitages volés au film de Lucas, tics de montage, looks des protagonistes, ersatz de la Force...), il ne s'agit nullement de son seul argument nanar. Annoncées comme les armes absolues du tyran Zirpola, les Death Machines qu'affrontent les héros dans l'arène du Death Sport ne sont que des mobylettes customisées argentées qui explosent au moindre impact, voire parfois sans aucune raison apparente, le pingre Roger Corman étant ici fort généreux en explosions avec mannequins et torches humaines. Par contre, si Gégé consent à en mettre plein la vue niveau explosions, il ne se gêne pas pour arnaquer un peu ses spectateurs puisque le Death Sport ne représente qu'une dizaine de minutes du métrage.
Arrêtés par la police des mœurs pour exhibitionnisme sur la voie publique...


... David Carradine et Claudia Jennings sont obligés de combattre dans une arène peinte à la main...


... contre des motards déchaînés...

... avec, pour se défendre, de vulgaires lampes-torches...

... qui tirent de zoulis rayons laser coloriés sur la pellicule...

... tout ça pour que les abonnés à Canal Sport se fassent des après-midi barbecue-bières entre potes !

Le film est un véritable snuff-movie motocide. Fortement déconseillé aux amoureux de la bécane et autres âmes sensibles révoltées par le massacre des mannequins en mousse à des fins commerciales.Le reste est à l'avenant. Les mutants anthropophages, lointains cousins de ceux de
La Machine à explorer le Temps, ne sont que des figurants en haillons titubant à l'aveugle parce qu'ils portent des balles de ping-pong à la place des yeux, comme les extraterrestres ringards du nanar des 50's
Killers from Space.






Les mutants cannibales. Avouez qu'ils valent le coup d'œil.Et comme nous sommes dans une prod de tonton Corman, on pourra rire de la gratuité totale avec laquelle les playmates Claudia Jennings et Valerie Rae Clark sont dénudées, aux moments scénaristiques les moins opportuns, tantôt dans la traditionnelle scène de sexe entre Claudia et David Carradine (jusqu'ici, normal), tantôt dans les séances de tortures voyeuristes que Zirpola leur fait subir. Le tyran de pacotille se délecte en effet de contempler ses malheureuses prisonnières à poil, ballotant leurs nibards dans une espèce de discothèque, tandis qu'elles se font électrocutées par des tentures électriques sous un éclairage stroboscopique, et que Gégé Corman surveille son chronomètre pour s'assurer qu'il a bien le quota de
plans nichon réglementaire, suivant sa méticulosité et son perfectionnisme habituels.

Comme à Nanarland on ne mange pas de ce pain là, plutôt que de vous mettre des images des risibles séances de torture dénudées, je préfère vous montrer ce sbire rigolo (un certain H.B. Haggerty).

Allez, pour les érotomanes les plus en manque, voici une photo de Claudia Jennings dans son accoutrement d'Amazone post-apocalyptique. Une actrice au destin tragique, souffrant alors de toxicomanie, qui disparut l'année suivante dans un accident de voiture, âgée de 29 ans. Son ultime rôle au cinéma fut le personnage principal féminin de "Fast Company" de David Cronenberg aux côtés de William Smith.Pur film d'
exploitation bordélique, nébuleux et sans épaisseur,
Deathsport fit un flop qui enterra la suite prévue à l'avance par Corman et qui devait s'intituler
Deathworld. Le film n'est cependant jamais ennuyeux, enchaîne les péripéties à un rythme soutenu et est plein de charme. On serait proche de la catégorie
"Kitschs & bis sympas" s'il n'y avait pas ce scénario mal fagoté, cette musique au synthétiseur Bontempi inepte, ces mutants craignos dignes d'un
Z amateur, ces dialogues un peu rigolos de prétention, ces effets spéciaux marqués du sceau de l'artisanat, ces
plans nichon hors de propos, ces repompes décomplexées de l'univers
Star Wars et cet aspect terriblement fauché de l'ensemble du film. Pas un énorme nanar donc, mais quand même de quoi distraire les cinéphiles déviants pendant un peu moins de 90 minutes. Avec un ou plusieurs amis, ça peut être fun.
Note : 2/5
Cote de rareté : 4 / ExotiqueBien que sorti dans les salles de cinéma françaises sous le titre
Les Gladiateurs de l'An 3000,
Deathsport n'a semble-t-il pas connu de distribution commerciale francophone sur support vidéo, pas même pendant l'âge d'or des VHS de post-nuke dans les années 80. Il faudra donc se rabattre sur les nombreux Blu-Ray et DVD étrangers qui firent honneur à ce petit classique du kitsch. Le BD-R espagnol (vraisemblablement semi-pirate) paru en 2023 chez "Mon Inter" propose le film sans suppléments mais avec une qualité d'image et de son irréprochable, et des sous-titres français sont disponibles.

Le Blu-Ray britannique de "101 Films" ne propose quant à lui que des sous-titres anglais mais offre des bonus intéressants : commentaires audios du co-réalisateur Allan Arkush et du monteur Larry Bock, bande-annonce, émissions TV et radiophoniques d'époque consacrées au film, galerie photo... Et si le film n'est pas en HD, il offre une qualité très correcte avec le son en mono Dolby Digital 2.0.

Au rayon DVD, il y a l'embarras du choix. Le disque zone 1 double-programme, sorti en 2010 chez "Shout Factory!", nous propose deux
"Roger Corman's cult classics" en adjoignant à notre film le routinier mais sympathique
Le Camion de la Mort alias
Battletruck (réalisé par un certain Harley Davidson Cokliss !). Une édition minimaliste dépourvue de bonus avec la version anglaise uniquement.

Le même éditeur s'est davantage foulé sur le DVD solo de
Deathsport, lequel contient en bonus un commentaire audio, une émission promo télévisuelle d'époque, une galerie photo et des bandes-annonces.

Auparavant en 2000 puis en 2001, Roger Corman avait déjà ressorti son chef-d'œuvre sous son label "New Concorde", dans deux DVD zone 1 basiques là encore (version anglaise sans sous-titre et macache de bonus).


Mentionnons aussi le DVD britannique édité en 2003 par "Prism Leisure Corp.", qui ne contient hélas que la VO sans sous-titres mais au moins c'est en zone 2.

On trouve également en import un autre DVD britannique paru en 2010 chez "In2Film", sans guère de bonus mais lui aussi au format européen.

Sans oublier un DVD allemand édité par "Nnm (Major Babies)" qui n'hésite pas à rebaptiser le film
Death Race 2050, du nom d'une production Roger Corman de 2017, reboot médiocre des
Seigneurs de la Route avec Malcolm McDowell. Et en plus ce n'est même pas fait exprès puisque le DVD date de 2009 ! Le disque ne propose que les versions allemande et anglaise sans bonus.
Avec un visuel carrément piqué à "Death Race 2000", histoire d'entretenir la confusion.Images en plus :




Quelques lobby-cards d'époque.
Une jaquette finlandaise.
L'affiche ouest-allemande.
Une affiche italienne.
Une jaquette australienne.