Histoire de rester dans la thématique de la dernière chronique du site. Bonne lecture.
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DRACULA CE VIEUX COCHON
Titre original : Dracula (The Dirty Old Man)
Réalisateur : William Edwards
Année : 1969
Nationalité : Etats-Unis
Genre : Le vampire n'est jamais décevant (
Catégorie : Epouvante)
Durée : 1h09
Acteurs principaux : Vince Kelley, Ann Hollis, Billy Whitton, Adarainne, Ron Scott
Ce qu'il y a de bien avec le roman de Bram Stoker, c'est qu'il est trop vieux pour que des ayants droit casse-pieds n'infligent des procès à tous les réalisateurs de films d'exploitation qui reprennent le nom Dracula pour rendre un peu plus bankables leurs bandes d'épouvante à trois sous. Par conséquent, on peut lui faire faire toutes les conneries qu'on veut à Vlad l'empaleur !

Déjà très érotique à la base, le mythe du vampire se prêtait naturellement à toutes les déclinaisons cochonnes. Ce qui nous valut des titres farfelus comme le canadien
Sexcula (1974),
Draculax aka
Dracula Sucks (1978) et
Dracula Exotica (1980), tous deux avec le hardeur new-yorkais Jamie Gillis en vedette, ou encore le croquignolet
Gayracula (1983), improbable version porno queer du roman de Bram Stoker. Mais avant que l'abolition de la censure n'autorise la terreur des Carpathes à se jeter à canines rabattues dans le hard pur et dur, le comte Dracula s'était quand même permis de sucer quelques tétons dans ce sexploitation soft sorti aux USA sous le titre
Dracula (The Dirty Old Man) et distribué en France sous une traduction fidèle et non moins explicite quant au degré de qualité artistique de la chose :
Dracula, Ce Vieux Cochon.
Le matériel publicitaire a un petit peu tendance à survendre l'aspect érotique pourtant très gentillet du film pour en faire un boulard hardcore.Si tant est qu'une telle œuvre ait pu émoustiller qui que ce soit en 1969, c'est désormais le genre de mauvais film sympathiquement idiot et cacochyme qu'on regarde uniquement pour se marrer entre cinéphiles déviants. Cet objet filmique barré, bizarroïde et d'une ringardise époustouflante a été enfanté suite à une genèse digne de celle de la créature de Frankenstein, comme nous allons le voir.
La VHS américaine éditée par "Something Weird Video" dans les années 80.Le scénario a le mérite d'exister mais se réduit à sa plus simple expression : lassé de sa Transylvanie natale, le comte Dracula (qui se fait aussi appeler Alucard, huhuhu !) s'est installé dans une mine désaffectée de la Vallée de la Mort en Californie. Le représentant de commerce Mike Waters s'aventure imprudemment dans le repaire du vampire. Dracula hypnotise le malheureux avec son pendentif magique à tête de lion dorée (probablement trouvé dans une boite de Corn Flakes). Le prince des ténèbres transforme alors notre héros en loup-garou et en fait son fidèle serviteur. Il lui confie la tâche de lui ramener une nouvelle fille toutes les nuits pour étancher sa soif de sang et de plan nibards. On ne voit pas trop pourquoi le vampire ne s'en charge pas lui-même, vu qu'il déambulait en ville dans la scène d'intro pour reluquer les filles en train de se déshabiller à travers leur fenêtre. Mais au moins, cela nous vaut la présence d'un loup-garou méga-craignos, alors on ne va pas se plaindre que Dracula soit un peu fainéant.

De l'horreur, de l'érotisme, de l'humour... Il y a tout dans mon film !

Dracula (Vince Kelley).

Notre héros (Billy Whitton).



Personne ne résiste au pouvoir du pendentif à tête de lion !Tourné en Californie, puis gonflé avec des inserts filmés à Dallas et à Las Vegas, pour un budget dont l'anorexie crève l'écran,
Dracula, Ce Vieux Cochon possède tout le charme de ces vieilles séries Z à la pellicule granuleuse et délavée des 60's/70's : vampire cabotin avec moumoute, fond de teint et dentier de farces-et-attrapes, chauve-souris en carton, loup-garou miteux, musique d'ascenseur aux accents jazzy, effets gores à base de sirop de grenadine, papouilles softs et molles du genou entre des jeunes filles à choucroutes volumineuses et des moustachus d'âge mûr au torse presque aussi velu que le lycanthrope du film, montage par moments très elliptique, rythme de vieillard en déambulateur, décors misérables...

Une marionnette de chauve-souris cheapo-discount.


Des effets gores à la confiture de fraises.On a donc à la base un produit terriblement fauché mais au mauvais goût attachant. Ce qui va sublimer la nullité déjà exceptionnelle du film de William Edwards, pour en faire une authentique hallucination sur pellicule, c'est le détournement parodique que va lui faire subir son producteur/distributeur Whit Boyd. A l'origine, on a un film d'horreur olé-olé filmé dans un total premier degré, mais dont la bande sonore était si mauvaise qu'elle fut remplacée par un doublage manifestement improvisé par deux comédiens, un homme et une femme, qui se chargèrent de faire les voix de tous les personnages en déconnant à plein tube. C'est surtout l'homme, un certain Ron Scott, qui va monopoliser la bande son en parlant tout le temps. Jouant les narrateurs omniscients pour meubler devant d'interminables prises de vue des collines de la Vallée de la Mort, donnant dans la poésie de comptoir en roue libre, faisant parler les protagonistes alors qu'ils ont la bouche fermée, se chargeant même de doubler la plupart des actrices, ce joyeux déconneur ne nous épargne aucun calembour douteux, aucun bruitage rigolo fait à la bouche, aucune blague vaseuse, aucun ton de voix outré. Cela va du comte Dracula poussant un gros bâillement en se levant de son cercueil, au héros demandant
"Where is the bathroom?" à Dracula dans sa mine abandonnée.
Ron Scott n'a pas fait que redoubler le film mais apparait aussi dans cet insert tourné après les scènes réalisées par William Edwards et ajouté au montage pour allonger la sauce.




Dracula dans ses œuvres.Dracula, Ce Vieux Cochon s'inscrit donc dans la catégorie de ces films déjà nanars à la base qui se sont retrouvés magnifiés par un détournement nanar. A l'instar de
La Dialectique peut-elle casser des briques ?,
Bactron 317 et
Who Killed Captain Alex?, voilà un ovni idéal pour vous lessiver le cerveau. Ron Scott étant d'origine juive allemande, il se permet de faire ressortir son accent natal à couper au couteau à chaque fois qu'il double Dracula. On a donc affaire au premier comte Dracula parlant avec un accent yiddish prononcé ! Ron Scott se lâche aussi complètement quand il doit doubler le loup-garou, pour un résultat très amusant. En plus, Dracula, ou Alucard pour les intimes, ne cesse de faire des remarques de beauf sur les filles qu'il séquestre, crucifie, déshabille et vide de leur sang, déclarant que l'une a des kilos à perdre ou que l'autre a de petits seins, tel un Jean-Marie Bigard des Carpathes. Finesse et élégance...


Une victime apeurée.


Un peu d'imagerie classique.Dans la version française, le pseudo que prend Dracula pour cacher sa véritable identité n'est plus Alucard mais comte Canular, le narrateur omniscient devient Dracula lui-même et Mike Waters est renommé Max Parker puis rebaptisé Max Loup-Garou par Dracula. A part ça, le doublage adapte fidèlement le délire expérimentalo-pouêt-pouêt de la version originale et permet de passer un bon moment de douce rigolade. Dracula y perd hélas son accent yiddish mais le doubleur nous sort quelques belles tirades de son cru, comme lorsque le vampire, après avoir mordu une victime, s'exclame
"Mmmh, groupe 0, le meilleur ! Mouhahahaha !!!" ou encore lorsque le prince des ténèbres s'en va se coucher dans son cercueil en lançant :
"Après toutes ces émotions, rien de telle qu'une bonne bière ! Mouhahaha ! Comme je suis spirituel par moments !"


Festival Vince Kelley.Le doublage français du loup-garou est également à la hauteur de son doublage américain. Pendant la scène où le lycanthrope viole une jeune femme, le doubleur détend l'atmosphère par des remarques graveleuses comme
"Mmh, quel morceau ! Miam miam miam !" entre deux ricanements bien gras. Pendant tout le film, les dialogues des personnages sont entrecoupés par leurs monologues intérieurs, pour un rendu joyeusement cacophonique et sympathiquement débile.






Le terrifiant loup-garou, mis en valeur par les zooms compulsifs du réalisateur.Pour une fois, voilà donc un nanar qui s'apprécie au moins autant en VO qu'en VF. Votre serviteur se doit tout de même de mettre en garde ses lecteurs :
Dracula, Ce Vieux Cochon est le genre de nanar Z au rythme cotonneux qui ne plaira pas à tout le monde. Le scénario complètement invertébré s'essouffle et finit par tourner à vide. L'ensemble peut donc finir par lasser le spectateur qui ne serait pas psychiquement opérationnel pour affronter un peu plus d'une heure de néant cinématographique. Reste qu'avec ses effets spéciaux à la Méliès attendrissants, ses comédiens soit inexpressifs soit grimaçants, sa vulgarité joyeuse, sa fin aussi débile qu'abrupte et sa dèche aveuglante, ce film à base de vampire SDF et de loup-garou queutard demeure extrêmement plaisant si l'on est réceptif à son charme de vieille croûte décrépie pour salles de quartier provinciales. Certains le désignent comme étant "le pire film du monde" mais à notre avis, il existe encore bien pire. C'est en tout cas un véritable nanar à ranger aux côtés de
Dracula, Vampire Sexuel et de
Dracula contre Frankenstein parmi les outrages les plus absurdes qui aient été infligés au roi des vampires.
Allez, maintenant, au pieu !Note : 3/5
Cote de rareté : 3 / Rare
Jaquette de la VHS française.Jadis édité en France par "Alpha France" dans une VHS devenu totalement introuvable,
Dracula, Ce Vieux Cochon n'est depuis jamais ressorti sur un quelconque support dans les territoires francophones. Ce Dracula érotomane fut en revanche exhumé de la crypte du cinéma Z et ressuscité en DVD par l'éditeur américain "Something Weird Video", en double-programme avec
Guess What Happened To Count Dracula aka
Dracula, Vampire Sexuel. Le même éditeur a aussi sorti les deux films dans un coffret DVD
The Sexy Storybook Collection 2, regroupés avec d'autres films du même acabit.


Puis, "Something Weird Video" s'est associé à "AGFA" ("American Genre Film Archive"), "OCN Distribution" et "Vinegar Syndrome" pour nous offrir un blu-ray toutes zones de
Dracula (The Dirty Old Man). Y sont inclus : le film dans sa copie 35mm originale restaurée aussi bien que possible au vu du matériau, une version alternative du film (avec juste un peu plus de nudité par-ci par-là), un commentaire audio du spécialiste du cinéma d'exploitation texan Dennis Campa, des bandes-annonces et un film bonus :
Tales of a Salesman, un sexploitation de 1965 réalisé par Don Russell. Pas de VF mais la VO est tout aussi rigolote.
