EMPIRE OF THE DARK
Titre original : Empire of the Dark
Titres alternatifs : Aucun
Réalisateur : Steve Barkett
Producteurs : Fred Olen Ray, Steve Barkett
Année : 1990
Nationalité : États-Unis
Genre : Pêché d'orgueil (
Catégorie : Action fantastique)
Durée : 1h33
Acteurs principaux : Richard Harrison, Dawn Wildsmith, Jay Richardson, Steve Barkett, Christopher Barkett, Tera Hendrickson

L'égosploitation est un véritable genre nanar à part entière. C'est déjà très rigolo d'observer une star mondiale comme
Steven Seagal se livrer à un culte de sa propre personnalité avec le magnifique
Terrain Miné, ce afin qu'on ne se souvienne pas de lui
"que comme un simple sex-symbol mais aussi comme un grand auteur et acteur". C'est encore plus savoureux quand ce
vanity project à la ramasse est le fait d'un illustre inconnu, lassé d'attendre qu'un producteur se décide enfin à ouvrir les yeux sur le potentiel incommensurable de son talent qui ne demande qu'à être révélé aux yeux du monde.

L'inconnu en mal de reconnaissance dont il est question aujourd'hui, c'est Steve Barkett. Acteur principal, producteur, réalisateur, monteur, cascadeur, chorégraphe des combats, scénariste, Steve est l'homme à tout faire de cet écrin à sa gloire qu'est
Empire of the Dark. Comme même un homme de son envergure ne pouvait pas faire le film à lui tout seul, Steve s'entoure d'une équipe constituée de membres de sa famille (on trouve sur plusieurs postes au générique un Christopher Barkett et une Patricia Barkett) et de fidèles amis, par ailleurs professionnels reconnus du cinéma (
Fred Olen Ray mais aussi de grands noms des effets spéciaux comme Jim Danforth, Jim Davidson et Robert Stromberg). Tous sont au service d'un beau nanar que l'action hero Steve Barkett illumine de son jeu tout en subtilité.
Steve Barkett, qu'on a pu voir en coup de vent dans "L'Attaque de la Pin-Up Géante" et dans "Dinosaur Island" de son copain Fred Olen Ray.






Il va un peu trop chez MacDo, ces temps-ci, Hooker.Steve est Richard Flynn, le flic le plus badass de la planète, doublé d'un escrimeur accompli et du seul homme à pouvoir sauver l'humanité contre les forces du mal. En témoigne cette fusillade minable dans un supermarché, repompée sur
Cobra, au cours de laquelle un sbire, venant d'abattre froidement deux clientes au fusil à pompe, prend en otage un enfant. Steve/Richard montre à tout le monde, à commencer par le sbire, que ses burnes sont forgées dans l'acier le plus pur, avant de loger une bastos dans la face du vilain, bien aidé cela dit par la diversion d'un faire-valoir sans qui on se demande bien comment les évènements auraient tourné à l'avantage de notre héros, aussi sûr de lui soit-il. Remplacez les trente kilos de muscles de Stallone par les trente kilos de surcharge pondérale de Steve Barkett et vous aurez une idée du ridicule du rendu. Mais qu'importe, aux yeux de Steve Barkett, son ventre tout mou ne l'empêche pas d'être sexy. Toutes les femmes du film lui tombent dans les bras et rêvent d'embrasser la moustache d'un amant aussi viril. Les jeunes rêvent de l'avoir pour père, quand bien même il les repousse comme un tas de crottes. Face à un héros de sa trempe, Satan en personne et tous ses sbires ne peuvent faire le poids.
Pour vous, mesdames, Steve Barkett met à nu sa virilité et son sex-appeal.


Steve Barkett les tombe toutes !

La maître d'arme, c'est Jan Bryant, une escrimeuse professionnelle qu'on a pu croiser en peaux de bêtes dans "Time Barbarians".

Le crime est un poison. Voici l'antidote.

Le mal...


... contre le mâle.Devant un tel nanar mégalomane, Steve Barkett ne peut même pas invoquer l'excuse de la crise de la quarantaine, car huit ans plus tôt, à 32 ans, il avait déjà pondu un
vanity project du même acabit. Le post-nuke
Zombie Aftermath AKA
The Aftermath (1982), la première de ses deux réalisations, était une honnête série B à l'ancienne, cheap mais pleine de charme, aux décors et aux matte painting loin d'être honteux. Malgré quelques éléments nanars (une jolie explosion de tête en mousse, des mutants craignos, un rayon laser qui fait "piou piou"), le cabotinage forcené de Sid Haig en méchant chef de bande et l'égo de Steve _ qui s'attribuait déjà un rôle de héros paternaliste, invincible, sans peur ni reproches _ ce premier essai évitait de se vautrer dans les abimes de ringardise de
Empire of the Dark. Toutefois, les ingrédients de sa deuxième et dernière réalisation s'y trouvaient déjà tous en germes. Le Steve Barkett de 1982 était encore svelte, même s'il avait encore le bon sens de s'abstenir d'apparaître topless afin d'éviter de montrer qu'il n'était pas aussi bodybuildé que sur sa superbe affiche viriliste. Le Steve Barkett de 1990 avait suffisamment enflé du bide et des chevilles pour abandonner le peu de crédibilité de son premier rôle.
Franchement, ça ne vend pas du rêve, ça ?Revenons au film qui nous occupe. Pour faire face à un tel monument de charisme, de virilité et de moustache que Steve Barkett, il fallait un antagoniste à la hauteur. Steve l'a trouvé en la personne de
Richard Harrison, dieu de Nanarland qu'on ne présente évidemment plus, alors théoriquement à la retraite mais qui continuait de faire des apparitions amicales dans les films de ses potes. Cabotinant juste comme il faut, le grand Richard interprète distraitement le rôle du diabolique Arkham, un gourou de secte sataniste, qui nous est introduit à l'écran au cours d'une messe noire d'un ridicule achevé. Le héros est appelé au secours par son ancienne fiancée qui l'a quitté pour le méchant gourou (rassurez-vous, la fille est évidemment envoutée par la magie noire et elle est toujours follement amoureuse de Richard Flynn, car aucune femme normalement constituée ne romprait avec un tel idéal masculin, quand bien même son rival serait Richard Harrison en personne !).






Grand show Richard Harrison.Notre héros accourt au domicile de son ex et y trouve un vortex ouvert sur une autre dimension. Dans cette antichambre de l'enfer au filtre rougeoyant, le gourou Richard Harrison et un sataniste barbu s'apprêtent à sacrifier l'ex du héros ainsi que son bébé. La manière dont est filmée la scène est assez risible : pendant au moins trois-quatre minutes, le héros erre dans cette antre infernale, guidé par les hurlements de terreur de la femme, qui le supplie de sauver son bébé. Et pendant tout ce temps, Richard Harrison abaisse trèèèèèèèèèèèès leeeeeeeeeeeeennnnnnnnnntement son poignard à la vitesse d'un centimètre par heure, en grimaçant et exorbitant les yeux de la plus comique façon. In extremis, Richard Flynn choisit de sauver le bébé tandis que son ex se fait poignarder par Richard Harrison avant que ce dernier ne reçoive une balle de la part du héros. Richard Flynn a tout juste le temps de s'échapper avec le bébé de son ex avant que le vortex ne se referme.



Des prises de vue, des SFX et des décors très soignés.




Heureusement, l'acting nanar et les craignos monsters sont de la partie.Vingt ans plus tard, Steve Barkett/Richard Flynn est toujours le meilleur, encore plus séduisant et burné que dans l'intro car il s'est laissé pousser la moustache pour symboliser le temps qui a passé. Mais il a démissionné de la police pour devenir détective privé et vit retiré dans un chalet dans la foret avec l'une de ses maîtresses. Ses anciens supérieurs se lamentent au téléphone parce que
"Richard Flynn is no longer on the force" et que par conséquent les forces de l'ordre sont fatalement débordées, d'autant qu'un tueur en série surnommé
"The Demon Slasher" défraie la chronique. Pour sa part, notre héros est tourmenté par des rêves télépathiques de sa défunte ex-fiancée en nuisette, ce qui permet à Steve Barkett de s'offrir une scène de cul kitsch avec Tera Hendrickson, de vingt ans sa cadette. De son côté, le bébé que Richard Flynn avait sauvé du sacrifice est devenu un jeune homme moustachu lui ressemblant beaucoup, avec moins d'embonpoint. Joué par Christopher Barkett, fils naturel de Steve Barkett, qui jouait déjà le fils adoptif du héros interprété par Steve Barkett dans
Zombie Aftermath (ça va, vous suivez ?), le jeune homme tente de retrouver Richard Flynn, qui s'est débarrassé de lui en l'abandonnant bébé à des bonnes sœurs (mais d'après le jeune orphelin,
"he had certainly a good reason"). Lui aussi est tourmenté par des rêves télépathiques de sa mère, qui le met en garde car Richard Harrison n'est pas mort et cherche à mettre la main sur le bébé qu'il n'avait pas pu sacrifier vingt ans plus tôt, à savoir lui-même. Ceci afin d'achever la cérémonie rituelle qui permettrait de libérer des enfers des légions de démons prêts à déferler sur notre civilisation. Richard Flynn/Steve Barkett va-t-il être capable de sauver le monde de l'Apocalypse ? (Question purement rhétorique; vous vous doutez bien que la réponse est oui !)

Vingt ans plus tard, Steve Barkett tire toujours des tronches pas possibles.


Un air (ahuri) de famille.




Sacré Steve, il a bien pigé la technique John De Hart pour peloter son actrice principale.Semblant dater des années 70, ce direct-to-video de l'aube des années 90 se signale comme une bisserie particulièrement généreuse et distrayante malgré son manque criant de budget et la mise en scène plate de Steve Barkett, qui s'efforce pourtant de réaliser un film de genre total à base de grand spectacle en carton. Avec ses sonorités rappelant un peu les B.O. de Bernard Hermann, la jolie musique orchestrale de John W. Morgan renforce l'aspect
old school du spectacle et son emphase mélodramatique semble complètement décalée vis-à-vis de la pauvreté qui s'étale à l'écran. Cependant, malgré de très beaux matte paintings, une ambiance visuelle plutôt soignée et la présence de techniciens des effets spéciaux talentueux (qu'on retrouvera sur bien des blockbusters), les SFX sentent parfois bon le bricolage nanar, sans doute par carence de moyens. En témoigne cette séquence nocturne où deux jeunes s'embrassent dans leur voiture garée au milieu des bois. La fille montre des signes d'inquiétude car elle a entendu un bruit. Le mec lui dit que ça doit être un lapin ou un écureuil. On a vu cette scène des centaines de fois dans les films d'horreur nazes. Là où le film nous surprend c'est que la voiture se transforme alternativement en voiture miniature ultra-voyante, et le monstre géant est tantôt une figurine en pâte à modeler animée en stop-motion rudimentaire, tantôt une marionnette à main filmée en très gros plan. Voilà comment un gros cliché débile se voit sublimer pour se vautrer dans la nanardise pure.


En plein moment intime dans leur voiture Playmobil, notre couple de djeuns est dérangé par deux cameramen pervers.



Le démon dans toute sa splendeur.

Comment jouer la peur quand on est un comédien débutant victime d'un démon géant ? Réponse en image.Autre exemple de stéréotype du cinéma d'horreur nanardisé par des effets spéciaux low cost : la scène où le jeune Christopher Barkett, censé monter la garde face aux démons, se fait séduire par une succube à gros nichons venue faire irruption en sous-vêtements dans sa cuisine. Outre la bêtise du jeune (mais on pourra toujours mettre ça sur le compte de ses hormones), la séquence, vue des milliers de fois ailleurs, est ringardisée lorsque la belle succube révèle son vrai visage : un masque d'Halloween trouvable pour 3 euros dans n'importe quelle boutique de farces et attrapes. Là, c'est vraiment la dèche !



La touche Fred Olen Ray.

La première décapitation nanarde d'une longue série.

Jay Richardson...

... et Dawn Wildsmith, deux fidèles du co-producteur Fred Olen Ray.Le meilleur réside dans l'apothéose finale, au cours de laquelle Steve Barkett, après un
training montage en règle, débarque à nouveau dans l'antichambre de l'enfer pour empêcher un nouveau sacrifice rituel. Notre sauveur de l'humanité replet se met à dégommer à la sulfateuse des démons ringards à soutanes, faisant exploser les têtes factices dans des gerbes de ketchup et de latex. Dans une débauche délirante de pyrotechnie nanarde, notre moustachu grassouillet provoque des dizaines de chutes de mannequins en mousse dans une rivière de lave à la sauce bolognaise, puis se prend pour Tarzan et se balance au bout d'une corde au dessus d'un ravin en se faisant doubler par une figurine miniature. Ce grand moment de bourrinage et d'effets spéciaux enfantins se déroule dans la plus grande confusion géographique, le lieu où se trouve l'autel du sacrifice ne semblant jamais se situer au même endroit. Quand il ne nous fait pas "Rambo avec une moustache", Steve nous joue "Highlander avec une moustache", sortant de nulle part son épée sacrée pour décapiter les têtes en mousse des démons, avant de se remettre à canarder avec sa sulfateuse, dont on se demande bien où il l'avait planqué, puis le revoilà se battant à l'épée... Bref, c'est le bordel narratif complet, entre Richard Harrison qui se met à tirer des éclairs nanars en dessin animé, le démon géant de tout à l'heure qui alterne toujours stop-motion rigolote et marionnette du Muppet Show filmée en gros plan, et la happy end en plans très serrés sur
fond vert ultra-cheap digne d'une production
Cine Excel.

Les Barkett sont prêts à en découdre avec les forces du mal.



Il ne peut en rester qu'un !



Steve Barkett nettoie l'enfer comme Charles Bronson nettoie les rues de New York.

Le premier mannequin d'une longue série.

Un deus-ex-machina sorti de nulle part.



De charmants SFX à l'ancienne.Entre ces moments de bravoure hilarants, il y a hélas quelques passages à vide, mais ces petits coups de mou sont tout de même égayées par la dégaine impayable de Steve Barkett, dont l'absence de charisme défie l'entendement. Il faut voir les combats mollassons de cette grosse barrique aux oreilles décollées et à la coupe de cheveux digne de Javier Bardem dans
No Country for Old Men, se battant à coups d'épée médiévale contre des ninjas en soutanes dans la foret. Autant imaginer Philippe Martinez reconverti en action star tataneur de démons. La relève semble ici assurée quand on voit à quel point l'anti-charisme héréditaire de son fiston Christopher crève tout autant l'écran. Si l'on y ajoute le nouvel outrage capillaire de Dawn Wildsmith (qui joue ici une voyante), l'intrigue souvent décousue et confuse, les dialogues absurdes et le dernier tiers réjouissant, on peut dire que cette œuvre au charme désuet et artisanal n'a pas volé le titre de film
"so bad it's good" que lui ont décerné nombre d'internautes anglophones. Toutefois,
Empire of the Dark n'est pas dénué de réelles qualités et d'ambition : le soin apporté aux décors dans les séquences se déroulant en Enfer, l'imagination, l'ambiance qui se dégage du film, le charme rétro de ses effets spéciaux concourent à rendre cette série B plaisante et pas totalement ratée. On passe sans cesse d'un effet spécial charmant à des séquences d'une débilité vertigineuse qui font entrer malgré tout l'œuvre dans la catégorie des nanars épiques.



Nous avons été peiné d'apprendre que ce cher Steve Barkett nous a quitté le 3 mars 2023. Qu'il repose en paix. Mais si jamais Saint Pierre l'a envoyé au purgatoire, nous sommes certain que Satan et ses démons ont dû passer un sale quart d'heure.Note : 3/5
Cote de rareté : 4 / ExotiqueUn DVD-R américain toutes zones est disponible pour un prix très raisonnable sur le site de l'éditeur "
VCI Entertainment". Pas de bonus, rien que le film en anglais sans sous-titres.
