En véritable touche à tout insatiable, Jeff Leroy accroit tranquillement mais sûrement son improbable filmographie. Après avoir apporté sa patte unique à l'univers des animaux géants ("Creepies", "Creepies 2 : Las Vegas Attack", et bientôt "Rat Scratch Fever"), révolutionné le Predator-like flick ("Alien 3000"), flirté avec le bestiaire fantastique classique ("Eyes of the Werewolf"), magnifié le psycho-killer rural ("Hell's Highway"), célébré le vigilante-movie ("Charlie's Death Wish"), voire amalgamé des genres peu habitués à se fréquenter ("Werewolf in a Womens Prison"), le voici désormais qui s'attaque à la science-fiction. Qu'on se le dise, nul courant cinématographique ne pourra fuir son talent, quitte à terminer mutilé au dernier degré.
"Psychon Invaders" est donc le résultat de cette soudaine passion pour la SF des années 50, avec ses soucoupes en aluminium, ses aliens à tête de choux et ses pauvres humaines abductées à des fins que la morale rigoriste réprouve. Soyez tranquille, tous ces bons vieux codes, garants de l'ambiance kitsch d'époque, seront respectés par le réalisateur fou qui transcende une nouvelle fois son génie en nous livrant le meilleur du pire d'un genre sexagénaire avec le pire du meilleur des technologies actuelles !
L'excuse scénaristique trouvée pour déchainer ses effets spéciaux achetés chez Mutant Express est la suivante : Sarah Mc Kinnis, scientifique gouvernementale, se prend malencontreusement une décharge en pleine tête de son prototype de pulsar pistol à inverseur de polarité. Dès lors, elle s'aperçoit que certains humains sont en fait des extra-terrestres infiltrés sur Terre, et que le ciel grouille de vaisseaux spatiaux interplanétaires. Mais tels Cassandre ou David Vincent, nul ne la croit et elle devient bien vite la cible des belliqueux envahisseurs. Elle réussit à trouver refuge dans une station de radio nommé Wufo et animée par le Major Bart Well, un conspirationniste opportuniste. La lutte s'engage.
Attention Sarah, derrière toi !
ILS sont parmi nous... et même qu'ils commandent un coup à boire sur une terrasse !
La planète Psychon...
...qui souffre d'un réel problème de surpopulation.
Oui, vous aussi, vous vous dites que Leroy a dû trop regarder "Invasion LA" de Carpenter ? Pas d'inquiétude, il a aussi repompé d'autres œuvres afin d'assurer à son métrage un équilibre dans l'hommage sauvage.
Bien, qu'est-ce qui frappe en premier lieu le spectateur égaré devant Psychon Invaders (enfin, vu sa cote de rareté, pour s'égarer devant, il faut vraiment en faire exprès) ? Est-ce l'aspect DTV qualité papier toilette micro-épaisseur ? Sont-ce les musiques, bâtards d'une union entre les scores de "Rambo", "Ghostbusters" et "Dark City" ? Ou bien est-ce l'association effets 3D Studio Max et soucoupes figées qui straffent sur fond bleu ? Peut-être un peu tout ça à la fois, difficile de faire la part des choses une fois pris dans un tel maelström de folie polysensorielle. Pour s'y retrouver, essayons de mettre un peu d'ordre dans ce foutoir du nanar.
Des vaisseaux psychon...
...face à l'aviation terrienne !
L'élite de l'aéronautique : Frisky Foxx.
Intéressons-nous déjà à l'actrice principale, Victoria DeMare. Égérie intérim de Jeff, en remplacement d'une Phoebe dollar qui vole désormais de ses propres ailes, cette demoiselle de la série Z américaine étale sur l'écran son incompétence professionnelle comme d'autre le beurre sur leurs tartines. Mise en avant comme si elle était la nouvelle diva de Hollywood, Victoria quitte rapidement sa blouse et ses lunettes trop sérieuses pour un soutien-gorge deux tailles trop grand, ce qui n'est pas particulièrement émoustillant. Elle s'acquitte toutefois avec conscience de sa tâche bi-classée équarquilleuse oculaire et hurleuse chronique, en proie à ses visions d'un autre monde qui ont effectivement de quoi faire aboyer de peur, ou de rire, selon que l'on exerce le métier de responsable FX ou que l'on soit nanarophile.
Victoria DeMare (Sarah Mc kinnis) qui doute des buts humanistes de la fabrication de flingues du futur en plastique à inverseur de polarité.
Et soudain, c'est le drame.
Fini de se poser des questions existentielles, s'agit de défourailler maintenant.
Elle est secondé par quelques vétérans de la cour Leroyale : on retrouve ainsi Randal Malone dans le rôle du Major Bart Wells, acteur à la physionomie infantino-gélatineuse que les gourmets avaient déjà pu admirer en aspirateur à coke dans "Charlie's Death Wish". Sa prestation se résume ici à parler d'une voix grave de tabagique dans son micro et d'avoir l'air absent le reste du temps. Son apport principal semble avoir été de prêter sa maison pour le tournage du film, ce qui est toujours sympathique en ces temps de récession.
Randal Malone (Bart Wells) et son faux-air de Edward Scissorhand.
Autre rescapée qui rempile, idolâtrée en ces lieux par un fan club d'irréductibles libertins débordant de fantasmes, la très glamour Phoebe Dollar s'offre un second rôle d'amazone des temps modernes dans une escouade de chicks with guns xénophobes - dans le sens galactique du terme -, ce qui lui offre une nouvelle occasion de laisser libre cours à ses penchants pro-NRA. Mais elle ne fait pas que flinguer de la bidoche alien, elle utilise aussi sa tête, persuadée qu'elle est de pouvoir lire dans les esprits. En tout cas, ça fait toujours plaisir de la voir, et c'est avec impatience qu'on attend son prochain rôle principal.
Hail to the queen of squirel fucking !
Deux gifs pour les amateurs de la Phoebe qui flingue.
Le reste du casting se compose sommairement de figurants en pleine compétition du kikélplunanar, avec quelques scream queens de passage, lolos en plastique à l'air. Notons tout de même les efforts de Michelle Liberman qui donne tout ce qu'elle a en méchante chef extra-terrestre perverse et cabotine.
Michelle (Veronica Groves) fait dans l'import-export d'humains.
Vinnie Bilancio (Ed Devon), une éminence grise de l'empire Leroy où il intervient comme co-scénariste, co-producteur voire co-réalisateur.
Trognes en libre-service.
On se moque, on se moque, mais d'un autre côté, il faut admettre qu'on s'attend rarement à trouver le prochain oscarisable dans un film de cette trempe. Ne jetons donc pas la pierre à ces braves acteurs qui se débattent tant qu'ils peuvent dans les affres du bis underground, dont les moyens techniques ne leur offrent souvent pas grande chose pour pouvoir paraitre crédibles.
Un gouverneur au visage poupin qui n'avait pas forcément besoin de manquer d'argent pour être peu crédible.
Parlons-en d'ailleurs de ces moyens techniques. Si Jeff Leroy a fièrement acquis sa réputation par chez nous, ce n'est justement pas en mégotant sur ses ambitions qui flottent bien au-delà des dures réalités budgétaires. Le monsieur sait avoir les yeux plus gros que le ventre en matière d'effets spéciaux, ce qui l'a toujours poussé à traficoter dans tous les domaines possibles pour s'en tenir à sa vision artistique.
Et comme toujours, le résultat est plus qu'à la hauteur des attentes, surprenant en permanence même les plus blasés des cinéphages qui carburent à la nullité vidéofilmique. Le mélange à la bétonneuse des différentes technologies de FX est une spécialité du bonhomme, qui parvient à donner dans une surenchère sans fin du mal branlé.
Les Psychons, dont le nom de race tend la perche pour se faire battre.
Les mêmes en mode camouflage vénèr'.
Comme je le disais plus tôt, les vaisseaux spatiaux et autres avions de chasse sont soit des infographies fixes, soit des jouets en plastique, déplacés manuellement sur de probables fonds bleus incrustés au lance-clou à des scènes live ou à des maquettes dignes de kaiju-eiga, avec des effets lumineux 3D. On a l'impression d'assister à la version moderne des fils de nylon et des dessins sur pellicules.
Les aliens quant à eux sont des masques de caoutchouc figés avec des loupiotes oculaires rouges mal ajoutées en post-production, et qui se dandinent dès qu'ils doivent avancer. Ajoutez à cela des explosions de pétards d'artifice et des effets gore en latex, et c'est un véritable hall of shame des FX dont on ne s'étonne pas que les personnages du film préfèrent feindre ne pas les voir. La démence qui se dégage du résultat dépasse largement toute description littéraire et nécessite d'être vu en mouvement pour en prendre pleinement conscience.

Batailles et crash en mousse sur fond de Los Angeles by night.

Peluches de lapin et chevaux sont victimes des exactions alien.
Un Psychon trop mûr.
C'est donc très mauvais, mais à la fois si attendrissant qu'on ne peut s'empêcher d'êre indulgent envers ce bric-à-brac inventif et téméraire, au cachet unique qui fait vraiment le charme des réalisations de Jeff Leroy. Celui-ci apparait presque comme un sale gosse ignorant les bonnes manières, qui passe son temps à faire exploser ce qu'il construit et qui dresse son doigt au monde, le sourire naïf qui va avec.
Et puis certains passages ne sont pas si mal foutus, comme cette séquence finale où une attaque de tripode vaut bien toutes les "Guerre des Mondes" spielbergiens... dans un jardin, certes.
Jeff brûle ses propres jouets.
Le blockbuster pour les Nuls.
Une explosion jamais-vue.
La décoration n'est pas en reste : armé de sacs poubelles noirs, de tuyaux et de litres de peinture rouge, le responsable est ainsi tenu de mettre au point un intérieur de soucoupe volante bio-mécanique tout-à-fait crédible, à même de renvoyer "Aliens" baver chez sa mère. Et pour les labos high-tech du gouvernement, quelques ossatures PC et vieilles cartes-mères feront l'affaire. Mais pour bâtir une véritable continuité dans l'univers de Jeff, impossible de faire l'impasse sur les sempiternelles panneaux Danger Restricted Area et High Voltage qui sont régulièrement placés en des endroits stratégiques. Encore une preuve de la cohérence volontaire de cette œuvre trans-filmique.
Faut avouer que sur une image fixe, on s'y croirait, dans "Urotsukidodji".
On ne le dira jamais assez, mais le plastique organique, c'est fantastique !
Des carcasses récupérées dans le cimetière des assembleurs et mises sous haute tension.
A la réalisation aussi, Jeff ose tout. Héroïne qui explose des vaisseaux en pleine ville au volant de sa voiture, puis qui esquive un crash aérien atomique cachée dans son coffre (prends ça dans les dents, Indy). Course-poursuite en marchant dans un couloir de 3 mètres de long. Tentative de double twist ridicule. Flashback d'évènements qui viennent de se dérouler il y a peine 5 minutes (seul Bernard Launois avait osé dans "Devil Story"). La totale du n'importe quoi.
On penserait assister à un actioner HK.
Tout bon film se doit de contenir une explosion d'hélicoptère.
On ne peut que regretter l'absence d'importation sur notre territoire de ce genre de délices qui pourraient bénéficier d'un doublage français de bas-étage à même de l'honorer à sa juste mesure, en renforçant encore un peu plus sa titration nanar.
En attendant, n'hésitez pas à profiter dans sa version originale de cette zéderie professionnelle dont le rythme conserve une sympathique constance de débilité, avec son festival d'effets spéciaux à redonner la vue à un aveugle. Dans ce domaine, "Rat Scratch Fever", le prochain métrage de Leroy a de quoi rendre fou d'attente le spectateur, qui peut se demander si finalement, ce réalisateur n'est pas plus roublard qu'il en a l'air.
En tout cas, big up à toi, mec.
Note : 3.25/5
Vidéos :
Une course-poursuite à pieds
Un abattage en règle d'un vaisseau
Titre : Psychon Invaders
Titre alternatif : Alien Attacks !
Durée : 1H22
Année : 2006
Pays : USA
Réalisateur : Jeff Leroy
Acteurs : Ford Austin, Philo Barnhart, Vinnie Bilancio, Victoria De Mare, Phoebe Dollar, Aly Hartman, Janet Tracy Keijser, Michelle Liberman, Randal Malone...
Catégorie : Rencontres du 3ème type
Genre : 50's not dead !
Une interview intéressante de DeMare où l'on apprend que le film a probablement coûté moins de 100.000 $ :
http://www.urbanchillers.com/news/view_176.htm
Cote de rareté : 4/Exotique
Acheter "Psychon Invaders" en DVD tient du sacerdoce. En effet, à l'instar de "Creepies 2", il n'existe qu'une seule édition DVD japonaise, trouvable pour très cher sur des sites de vente en ligne.
Images bonus
A l'assaut de notre belle planète.
Michelle Liberman se croit dans une pub pour l'i-phone.
Il faut savoir que cette déco à vomir est en fait une cave.
Boudins power ! (Oui, je sais, c'est de mauvais goût)
Cet alien est souffrant, il a le regard éteint.
On ne se lasse par de Phoebe Dollar, surtout quand on peut rêver être le chanceux allongé à côté d'elle.
Le DJ du Space Macumba.
Un programme informatique de pointe.