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AFRICAN FEVER - Alphonse Beni - 1985
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Auteur:  Nikita [ 30 Oct 2007 15:47 ]
Sujet du message:  AFRICAN FEVER - Alphonse Beni - 1985

AFRICAN FEVER

http://www.nanarland.com/Chroniques/Mai ... ricanfever

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Pour autant que l’on apprécie les efforts du Tiers-Monde pour produire localement du divertissement de qualité et résister à la mondialisation, il faut quand même admettre que, souvent, c’est pas tout à fait ça. Témoin cet « African Fever » datant de 1985, et visiblement conçu comme un écrin à la gloire de la musique africaine authentique, un peu à la manière de ce que sont chez nous les compilations discographiques « J’adore la chanson française » ou « 36 légendes d’or de la chanson de cabaret ». «African Fever » prend donc l’aspect d’un long catalogue de numéros musicaux, reliés par un prétexte quelconque : une jeune femme, Linda, décide d’organiser au Cameroun un festival de chanson africaine, dont le nom donne son titre au film. Elle rend donc visite, au Cameroun, au Congo et en France, à divers artistes du continent pour les persuader de participer à son spectacle. Tous sont d’accord et, d’enthousiasme, lui interprètent systématiquement leurs derniers succès. Et pis c’est tout, du moins pendant une bonne partie du film.

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Vous connaissez le syndrome des comédies musicales, dont la principale faiblesse consiste à ne pas trouver de fil conducteur vraiment solide, propre à créer un film vraiment cohérent ? Combien de films musicaux à l’histoire malheureusement niaiseuse ou inconsistante, incapables de soutenir l’intérêt entre deux numéros de chant et/ou de danse ? Hé bien Alphonse Beni a trouvé la solution : plutôt que de s’embêter à faire un scénario, il a préféré, dans « African Fever », enchaîner tout simplement les chansons l’une à l’autre, sous les prétextes les plus fumeux.

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L’héroïne (Suzanne Beni)
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Les trois premiers quarts d’heure du film sont relativement simples : Linda rend visite à un chanteur africain ; le chanteur accepte de participer au festival African Fever ; de joie, il se met à entonner son dernier succès. Le lecteur aura compris que le film est formellement déconseillé aux allergiques à la musique africaine, d’autant que les morceaux qui défilent à l’écran, s’ils sont d’assez bonne qualité, ne renouvèlent en rien l’image que l’on peut avoir de la production musicale du continent noir. C’est au contraire une enfilade très consensuelle de chansonnettes qui constitue l’essentiel du film. L’effet obtenu est un peu équivalent à celui que l’on obtiendrait si l’on servait aux africains un festival de chanson française à base de Tino Rossi et de Charles Trenet ; de la qualité, mais rien de surprenant. Parfois, deux chansons se succèdent l’une à l’autre, sans même chercher à trouver une justification crédible : «Ah, elle est bien, sa chanson» ; «Tiens, je vais t’interpréter une chanson à moi» ;«Chouette, alors» ; «Tagada tsoin tsoin» ; «Ouéééé !».

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A noter aussi la présence, pour faire riche, de quelques artistes et figurants blancs particulièrement mous (ce sont d’ailleurs toujours les mêmes figurants qui réapparaissent, dans différents décors).

Un film musical réduit au rang d’épure peut avoir quelque chose d’intéressant, mais tout à son expérimentation filmique, Alphonse Beni semble avoir décidé qu’à se passer de scénario, il pouvait également se passer de mise en scène, de dialogues et de direction d’acteurs. On ne reprochera évidemment pas au cinéma africain un manque de budget que l’on sait lié à des contingences socio-économiques n’ayant rien de nanardesque ; néanmoins, on ne saurait occulter le fait qu’«African Fever » s’écroule littéralement sous une mise en scène dont le manque d’imagination aboutit à faire passer des numéros musicaux pour aussi ébouriffants qu’un documentaire sur la vie sexuelle des limaces. Molle comme une montre de Dali, la caméra d’Alphonse Beni filme les malheureux artistes avec une telle platitude que de bons pros de la musique africaine se voient réduits au rang de chanteurs de patronage, quelques changements de costumes impromptus essayant vaguement de donner une allure de vidéo-clip à ce qui ressemble fort à un reportage de la plus plate facture, tel que France Ô hésiterait à en diffuser. Pour apporter un peu de piment à ses clips, Beni nous gratifie régulièrement d’un effet de kaléidoscope : ouéééé, c’est super, on voit la tête du chanteur dix fois à l’écran !

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Ravi de sa trouvaille, l’ami Alphonse se met à nous la resservir systématiquement à chaque chanson, en y adjoignant des flous artistiques particulièrement mal venus, dont les choristes font régulièrement les frais. Par moments, on voit pu rien, c’est merveilleux ! Pour ne rien gâter, Beni nous gratifie également d’effets de mise en scène « disco », aux couleurs aussi laides que criardes, déjà horriblement démodées en 1985.

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Une mise en scène qui illustre fort bien l’expression « combat de nègres dans un tunnel » (Mou ha ha harf ! Hem, désolé…)

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La succession de numéros musicaux aussi mous que mal filmés finit par créer une douce sensation de torpeur ravie, l’ennui laissant la place à une sorte de béatitude vaguement masochiste. Ajoutons que les scènes dialoguées assurant d’aléatoires transitions entre les chansons se signalent par leur interprétation absolument redoutable, les comédiens (avec à leur tête Suzanne Beni, épouse d’Alphonse, qui interprète Linda) récitant leur texte avec une absence de naturel des plus méritoires.

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Des méchants qui complotent des méchancetés.

L’enfilade de vidéo-clips poussifs ne suffit cependant pas à assurer l’intérêt du film : c’est ce qu’a du se dire Alphonse Beni, qui nous gratifie à mi-chemin d’une enquête policière qui va faire monter en flèche le quota de ridicule. Quelqu’un se met en effet à assassiner des musiciens devant participer au festival African Fever : un inspecteur camerounais, interprété par Alphonse lui-même, mène l’enquête. Beni reprend ici son « personnage » habituel de « Baïko » (une bonne partie des héros qu’il interprète portent ce patronyme), ici en version flic. Le générique du début pousse même la coquetterie jusqu’à le créditer comme comédien sous le nom de « Al Baïko », alors que le générique de fin le crédite bien sous son vrai nom. L’inspecteur Baïko, en costume blanc immaculé, se livre donc à une investigation particulièrement pataude, pas aidé par un dialogue écrit si maladroitement qu’il semble viser à faire passer les personnages en général et le protagoniste en particulier pour de parfaits imbéciles. Témoin cet échange entre Baïko et son supérieur hiérarchique (lookalike perturbant de Robert Mugabe, mais là n’est pas la question)

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- « Depuis quelques temps, on meurt de plus en plus dans ce pays. »
-« Il fait très chaud. »
-« Assassinats de femmes, femmes qui tuent leur mari ou leur amant, et des viols ! »
-« Des viols ? »
-« Oui, et même des femmes mariées violées ! »
-« Que voulez-vous que j’y fasse, moi ? »

Envoyé par le Commissaire sur la trace du tueur de musiciens, Baïko en reste les bras ballants, demandant : « Mais patron, par où vais-je commencer ? » Malgré cette réplique qui tendrait à faire passer son personnage pour un fieffé incapable, Alphonse Beni se met ensuite en scène, avec un remarquable narcissisme, dans la peau d’un super-flic imbattable, mettant KO tous les sbires qu’un scénario aussi nébuleux qu’approximatif met soudain sur son chemin, sans plus de justification que si Yaoundé était peuplée d’une tribu de racailles particulièrement dénuées de civisme. Ce qui nous vaut une ou deux bastons où des figurants s’empoignent selon les règles de l’antique art martial africain du «nimpowtekoi », sur des bruits de dessin animé. Beni n’est pas en reste et prend des poses à la Bruce Lee tout en se livrant à des pitreries indescriptibles.

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Hé, c'est pas pour rien qu'il est "Black Ninja" !

Film musical à bout de souffle, « African Fever » réussit l’exploit d’échouer de manière tout aussi magistrale sur le terrain du polar : reste une véritable bizarrerie, en lieu et place de ce qui devait être, pour Alphonse Beni, un projet de vrai film populaire. Malgré l’authentique sympathie que l’on peut percevoir pour la musique africaine, l’amateurisme constant à tous les niveaux fait couler à pic une œuvre que l’on s’étonne de voir signée par un cinéaste expérimenté.

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Encore un coup de kaléidoscope..
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De la chanson évangélique africaine.

Au passif du film, on lui reprochera une longueur excessive : le nombre de numéros musicaux aurait pu sans souci laisser place à un peu plus de polar. On y aurait gagné en rigolade ce qu’on y aurait perdu en musique, mais sans doute fallait-il rendre justice à la popularité des chanteuses et chanteurs présents dans le film. Pas toujours hilarant, mais réellement étrange à observer, comme une création exotique quelque peu biscornue, « African Fever » est un témoin aimablement nanardesque de la panade d’un cinéma du Tiers-Monde s’épuisant à produire du divertissement. Y trouveront sans doute leur compte les amateurs hardcore de musique africaine, les ethnologues du cinéma et les chercheurs de vraies curiosités filmiques.

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African Fever
Réalisation : Alphonse Beni
Nationalité : Cameroun
Année : 1985
Durée : 1h45
Genre : Le 'ythme dans la peau
Catégorie : Musical
Avec : Suzanne Beni, Alphonse Beni, Pierre Didy Tchakounte, Jimmy Byon, Emmanuel Tengna, Mpongo Love

Cote de rareté : 6/Introuvable

Plus difficile à trouver que le cimetière des éléphants ! Production essentiellement destinée au marché africain, le film ne semble avoir connu qu’une timide exploitation en VHS en France. Bonne chance pour en trouver quelques-unes des copies fatiguées qui traînent encore ici et là. L'odieux marché néo-colonialiste du DVD n'a pas encore daigné s'y intéresser.

Note : 1,5

Auteur:  nanar-addict [ 30 Oct 2007 17:10 ]
Sujet du message: 

Cette chro est absolument parfaite ! le "nimpowtekoi" hyper facile m'aura bien fait marrer :wink: .

Bémol : quand j'ai vu que t'avais posté une chronique, j'ai un moment espéré que t'avais entrepris un autre film dont je sais que tu l'as aimé, mais je m'égare...

Auteur:  nanar-addict [ 30 Oct 2007 21:02 ]
Sujet du message: 

Lachez vos coms ! Une chronique c'est du boulot !!!!!!!

Auteur:  tony danza [ 30 Oct 2007 23:26 ]
Sujet du message: 

Chouette chronique comme d'habitude.

Le kaleïdoscope c'est trop la classe quand même !

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Auteur:  Silver Von Lyndon [ 31 Oct 2007 0:51 ]
Sujet du message: 

Citer:
- « Depuis quelques temps, on meurt de plus en plus dans ce pays. »
-« Il fait très chaud. »
-« Assassinats de femmes, femmes qui tuent leur mari ou leur amant, et des viols ! »
-« Des viols ? »
-« Oui, et même des femmes mariées violées ! »
-« Que voulez-vous que j’y fasse, moi ? »


:giffarandole:

Auteur:  nanja monja [ 31 Oct 2007 9:05 ]
Sujet du message: 

jawohl, ça y'en a être chronique qui donne envie !

Auteur:  Kobal [ 31 Oct 2007 9:21 ]
Sujet du message: 

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Bon, le film a l'air d'être un peu dur à se farcir dans sa première heure, mais Alphonse vaut sûrement le coup d'œil.
Personne ne sait si Baïko veut dire quelque chose dans un dialecte congolais ?

Sinon, j'ai repéré 2 magasins à Caen qui vendent des DVD et VCD africains (sans en connaitre le pays), et si les affiches tapent, j'hésite toutefois par peur d'un truc trop pauvre pour être sympa. Certains ont déjà tenté le coup ?


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Aaaah, cette classe !! :D

Auteur:  Giant Bigorneau [ 31 Oct 2007 9:46 ]
Sujet du message: 

Excellent !!!!!

Vive les grosses couleurs baveuses déguelasses !!!!!!!!!!!!!!!!!

Auteur:  Wolfwood [ 31 Oct 2007 10:20 ]
Sujet du message: 

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Très bonne chronique qui témoigne du vrai potentiel du film, sans en faire trop, et ça c'est bien.
En plus le cinéma africain est très peu représenté. Sûr qu'il doit y avoir quelques perles qui n'attendent que nous pour être découvertes. Et ce Kobal qui tombe sur des films et qui hésitent encore à les prendre, j'vous jure... . :roll: :wink:

Auteur:  peter wonkley [ 31 Oct 2007 11:45 ]
Sujet du message: 

Kobal a écrit:

Sinon, j'ai repéré 2 magasins à Caen qui vendent des DVD et VCD africains (sans en connaitre le pays), et si les affiches tapent, j'hésite toutefois par peur d'un truc trop pauvre pour être sympa. Certains ont déjà tenté le coup ?



non mais tu peux en pendre pour moi ! :wink:

Auteur:  Kobal [ 31 Oct 2007 13:43 ]
Sujet du message: 

Bah je suis passé les voir aujourd'hui.
Le premier vend des films nigérians qui ont probablement déjà fait le tour de l'Afrique vu la gueule des boîtiers, langue anglaise sans st. Mais là où le bât blesse, c'est que point d'actioners ou d'horror-flick dans les stocks, mais plutôt des films romantico-familiaux dramatiques. Bon, d'un autre côté, le vendeur avait l'air un peu désemparé devant mes questions (je dois être le premier blanc a venir lui causer ciné nigérian) et il ne semblait pas trop connaitre sa marchandise. Donc pour le moment, stand-by, même si je finirais bien pas tenter un VCD au pif.
Le second fait lui dans le spectacle comique et dans le concert, congolais et camerounais. Il ne vend pas de films, même s'il est en instance de concrétisation de projet de réalisation (il m'a mal compris et a cru que je bossais moi-même dans le milieu). Je lui ai causé d'Alphonse Béni, mais il n'a pas particulièrement réagi.
Mes achats d'aujourd'hui se sont donc résumés au coffret Critters. :P

Auteur:  djponey [ 01 Nov 2007 0:57 ]
Sujet du message: 

Kobal a écrit:
Sinon, j'ai repéré 2 magasins à Caen qui vendent des DVD et VCD africains (sans en connaitre le pays), et si les affiches tapent, j'hésite toutefois par peur d'un truc trop pauvre pour être sympa. Certains ont déjà tenté le coup ?


Oui!

http://nicktout.free.fr/nanarland/jaquettes/hegoat.jpg
http://nicktout.free.fr/nanarland/jaquettes/odeeshi.jpg
http://nicktout.free.fr/nanarland/jaque ... eeshi2.jpg
http://nicktout.free.fr/nanarland/jaquettes/okoshi2.jpg
http://nicktout.free.fr/nanarland/jaque ... amuma2.jpg
etc...

Et bon, c'est comme tu disais "plutôt des films romantico-familiaux dramatiques", assez soporifiques(mais quand même étonnants). J'ai matté des extraits de 4 films seulement (dont certains en dialecte nigérian) il faudrait que je trouve le courage d'en visionner d'autre (et peut-etre meme, soyons fou, un en entier). J'avais commencer par ceux avec le sorcier halluciné, mais maintenant je porte mes espoirs vers les films avec des mecs armés, il y aura peut-etre plus d'action.

Sinon je n'ai pas lu la chro de Nikita (qui est sûrement excellente), pas parce que je suis un rebelle de la veine de Johnny, mais parce qufajkglzZZZZZZZZZZZZzzzzzzzzzzzzzzz

Auteur:  Kobal [ 01 Nov 2007 9:34 ]
Sujet du message: 

Mais y a des passages nanars qui valent le coup d'œil, ou c'est juste du ciné différent du notre ?

Auteur:  Ringo Lam [ 01 Nov 2007 10:34 ]
Sujet du message: 

Excellente chronique, Nikita même si ça semble assez violent à regarder ! :applause: :applause: :applause: :applause: :applause:

Cependant, ce passage m'a paru bizarre :

Nikita a écrit:
mais sans doute fallait-il rendre justice à la popularité des chanteurs et chanteurs présents dans le film


des chanteurs et danseurs présents dans le film ?

Auteur:  peter wonkley [ 01 Nov 2007 20:36 ]
Sujet du message: 

Kobal a écrit:
Le second fait lui dans le spectacle comique


IL ME LES FOOOOOOOOOOOOOOOOOOOO !!!!!!!!

Auteur:  Kobal [ 02 Nov 2007 10:10 ]
Sujet du message: 

peter wonkley a écrit:
Kobal a écrit:
Le second fait lui dans le spectacle comique


IL ME LES FOOOOOOOOOOOOOOOOOOOO !!!!!!!!

Sérieux ? C'a juste l'air d'être du stand up camerounais qui doit probablement resté hermétique aux non-connaisseurs de la culture locale.
Mais si tu en veux vraiment, je peux aller t'en acheter un ou deux. :wink:

Auteur:  peter wonkley [ 02 Nov 2007 11:32 ]
Sujet du message: 

:worship: :worship: :worship: :worship: :worship:

Auteur:  Akton [ 08 Nov 2007 11:48 ]
Sujet du message: 

Juste pour préciser: le film a eu droit aux honneurs d'une sortie en salle à Paris (tout arrive) et d'ailleurs il y a 3 semaines, j'ai pu acheter l'affiche du film dans une brocante parisienne à un vendeur qui a semblé tout ému que je m'interesse à ce genre de film! L'affiche est à l'image du film: elle fait mal aux yeux!

Auteur:  Nikita [ 08 Nov 2007 12:19 ]
Sujet du message: 

Ouaaaaaah, quelle pêche ! Il y a moyen d'avoir une photo exploitable de l'affiche ? :D

Auteur:  Akton [ 08 Nov 2007 13:06 ]
Sujet du message: 

Faut que j'en prene une, mais elle au format 120x160... Pas simple, mais si j'ai le temps ce week end, je m'en occupe! :wink:

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