Les films de Ninja issus de la production hong-kongaise semblent décidément constituer un filon inépuisable. Difficile d'être sûr d'avoir listé tous les métrages frelatés qui ont pu envahir notre territoire tant le chaos des éditions vidéo avec flying jaquette et retitrages sauvages a littéralement constitué un équivalent de bombinette à fumée dissimulatrice. Les méfaits des 2/1 de Filmark et IFD sont désormais bien connus, et nul besoin de s'appesantir une nouvelle fois sur les méthodes crapuleuses de bidouillage de bandes de Tang & Laï : avec Bionic Ninja, pas de surprise, on a là un un produit aux codes bien établis.
Il faut bien reconnaitre que la frénésie provoqué par la découverte de tous ces bonz'hommes moustachus en pyjamas multicolores a atteint son acmé il y a maintenant un certain temps. Le trop-plein de déjà-vu remontés au mixeur nawak gweilo - navet extrême-oriental a pu finir par lasser le fan, abruti par une accumulation de poncifs devenus trop classiques pour provoquer un quelconque intérêt. Il est donc bon de s'imposer régulièrement des périodes d'abstinence pour se nettoyer un peu la cervelle, afin de mieux apprécier à l'occasion la petite rechute de l'usager expérimenté. C'est avec cet état d'esprit que j'ai pu regarder Bionic Ninja, le petit sourire en coin de celui à qui on ne l'a fait plus. Conséquence, cette chronique que j'ai décidée courte et directe, sans baratin ni esbroufe.
Sans transition donc, un semblant de pitch : Gordon Man transporte pour le compte de son patron, Warren l'Elégant, un colis contenant des micro-films. Il se fait agresser par des inconnus qui lui volent le précieux colis. Tout le monde se lance alors à sa recherche.
Tommy Foster, l'agent de la CIA
Le plan nichon prend son bain (désolé, c'est l'habitude des chroniques de Sidaris)
Il est habituel d'être confronté à un déroulement confus dans les oeuvres de Filmark. Mais dans le cas présent, l'incompréhension scénaristique est d'une puissance peu commune. On ne capte strictement rien à rien, tant les factions sont multiples à se foutre dessus pour retrouver les micro-films dont le contenu demeure aussi flou que la mise au point de la caméra. Parmi tout ce beau monde, on retrouve des sbires et autres loubards chinois, la CIA (pour changer d'Interpôle) et des Ninjas du KGB ! Au final, impossible de clairement savoir qui a volé le colis, vu que celui-ci semble changer de mains en cours de film. C'est là l'excuse idéale pour nous refiler plein de vieilles pellicules miteuses qui, il faut le reconnaitre, finissent par entrainer un ennui poli, même si l'on demeure amusé par les doublages de nos bons vieux routards du nanar que l'on sait apprécier comme d'anciennes pantoufles vocales.
Morceaux choisis de dialogues insanes :
- Qui est dans la course ?
- Pas mal de vermine.
- Pourrais-je connaitre la raison de ta venue ? Je savais que tu viendrais aujourd'hui pourtant.
- Maitre Shindo, c'est époustouflant, ca parait magique, mais comment pouviez-vous savoir ?
- Oh, je possède un 6ème sens.
- Et bien j'apprécierais davantage si je pouvais savoir.
- Hahahahaha.
- Nos ennemis utilisent le Ninjitsu pour semer la discorde et troubler la paix mondiale. Ces terroristes utilisent le Ninjitsu pour rompre l'équilibre de la paix mondiale.
- C'est stupide, c'est une vue de l'esprit.
- Où sont passées les trois gonzesses ?
- Y'a pas plus de gonzesse que d'beurre en branche !
Les histoires d'amour de Gordon, persécuté par tous les pratiquants d'art martiaux locaux, ne sont pas particulièrement emballantes, malgré la survenue inopinée et superfétatoire d'une scène de cul, l'utilisation de l'éprouvée technique de la voix-off embrouillaminisante le temps d'une malheureuse scène, et la présence régulière de Ninjas observateurs cachés dans des fourrés ou derrière une voiture. Bien entendu, le gweilo de la CIA n'en fout pas une ramée afin d'économiser au maximum les 3 jours de tournages dans les jardins publics de Hong-Kong et ainsi de pouvoir fabriquer 8 autres nouveaux films. Les liens entre les parties occidentale et asiatique sont à peine esquissées, chacun restant dans son petit bout de métrage sans chercher à en déborder plus que de raison.
"J'ai horreur des sermons dans la bouche de la femme que j'aime, pardonne-moi !"
Transmission discrète d'informations en pleine rue
Les Dalton à la mode asiate
Heureusement, la patience du nanardeur tenace est tout de même récompensée par ces inserts qui une fois encore arrivent à redéfinir le sens du mot "ridicule". Tommy Foster, notre gus de la CIA, est un indéniable pro de l'inexpressivité traversée de rictus qu'on imagine encouragés par les consignes "
Je ne te vois pas jouer ! Joue davantage !" (voir l'interview de Stuart Smith). Ce brave homme fait tranquillement son jogging en tee-shirt jaune In Stage dans ce haut lieu touristique qu'est le parc de jeux pour enfants de Kwoloon quand soudain, il se retrouve nez à nez avec une dizaines de Ninjas hargneux dont il ne sait rien (par ailleurs il reconnait lui-même ne rien savoir sur la mission qui lui a été confiée).
Filmark, le juste choix du casting
Je crois que Tommy a craqué son futal
Faut dire aussi qu'il semble avoir abusé du bouillon de pruneaux
Obligé d'aller déranger un vieux maître en pleine méditation aux bords d'un lac qui sent bon le déjà-vu, afin d'obtenir de lui le livre secret du Ninjutsu. Pas besoin de plus de justification pour transformer ce néophyte en véritable assassin de Ninjas qui s'entraine à ramper sur le dos, à lancer quelques shurikens dans un arbre innocent et à manier avec saccade un katana, une routine qui ne perd pas sa capacité amusante. Et joie en vue lors du grand finish où surgit du néant une équipe de moustachus soviétiques aux poses de badass des sous-sols de la confrérie du pyjama pour mieux préparer le traditionnel duel de Ninjas, affrontement assez sage se déroulant cette fois-ci dans une zone de stockage de containers. Le tout est saupoudré des musiques habituelles, dont les consacrées atteintes au copyright artistique.
Le vieux maître qui s'avoue faible pédagogue
Le fameux livre secret qui traine à la portée du premier touriste venu
Le KGB aux couleurs de la France
Le Ninja rouge a bien étudié le terrain
Bionic Ninja n'est donc pas un 2/1 de premier choix, mais son visionnage à distance de tout autre ninjaterie pourra paresseusement amuser le connaisseur en quête d'un tour d'horizon complet de ce sous-genre.
Ah oui, je n'ai évidement pas jugé utile de préciser que malgré son titre, aucun Ninja bionique n'est à comptabiliser dans ce film. Mais qui pouvait encore y croire ?
Extraits vidéos :
Un entrainement, une agression et une discussion
Une confrontation qui illustre bien le doublage désabusé
Titre : Bionic Ninja (Ninja Assassins, Ninja Chronicles Vol. 3, Ninja Eliminator)
Réalisateur :Tim Ashby
Acteurs : Kelly Steve, Alan Hemmings, Rick Wilson, Pauline Chao, Alex Barer,
Année : 1985
Pays : HK
Catégorie : Ninja
Genre : quand le bio nique
Durée : 1H26
Editor : Vincent Leung
Note : 0.75/5
Cote de rareté : 3/Rare
Comme je vous le disais, il est particulièrement ardu de s'y retrouver dans ce fatras d'édition vidéo. En effet, le film existe en France sous son titre Bionic Ninja chez MPM Productions. Cependant, il existe en Allemagne sous le titre Ninja Assassins et Ninja Eliminator, à ne pas confondre avec les 2 éditions françaises de Ninja Eliminator sortis chez Imperial Home Video et chez Full Contact, contenant respectivement Challenge the Ninja et Queen Boxer (un kung-fu flick qu'on retrouve aussi sous la célèbre flying jaquette de Ninja Tiger Force). Par ailleurs, l'édition québécoise est bien nommée Bionic Ninja, mais est sous-titrée Ninja Chronicles Vol. 3.
Et enfin, histoire de définitivement plomber cette limipde synthèse, il existe un autre Bionic Ninja contenant Mike Abott, sorti en DVD outre-rhin. Peut-être traine-t-il dans nos contrées sous un autre nom...
Une VHS française qui contient Queen Boxer
Une autre VHS française qui contient Challenge the Ninja.
Et enfin une VHS allemande qui contient bien le Bionic Ninja chroniqué ici.
La VHS québécoise (attention, il existe aussi un Assassin Ninja chez nos amis francophones qui contient en fait Sakura Killers).
Une autre VHS allemande avec le bon contenu.
La VHS américaine.
Le DVD allemand de l'homonyme Bionic Ninja, un autre "2 en 1" sans ninja du duo Godfrey Ho / Joseph Lai (IFD) avec Mike Abbott.