http://www.nanarland.com/Chroniques/Mai ... anteenager
Les affres de l'adolescence, tout le monde y est passé et tout le monde a vite fait de reléguer ces souvenirs infâmants dans les sombres oubliettes de sa mémoire. Et afin de bien en assurer l'oubli collectif, il est toujours de bon ton de se moquer de la jeunesse actuelle avec sa débilité maladroite, ses modes ridicules et ses velléités temporaires de rebellion via une contre-culture déjà bien intégrée au Système (oui, celui avec un S majsucule). Ah, qu'ils sont exaspérants ces jeunes cons qui croient tout savoir avec leur crête sur la tête et leur polo à losanges roses. C'est pas comme si au même âge, on s'était nous-mêmes cru les rois du monde avec nos baggys, nos chemises canadiennes à carreaux rouges et nos Docks Martens coquées... Bien évidemment que non.
Malgré cela, certaines personnes n'ont pas peur de faire face à la réalité, de se dresser face à cette période ingrate de la vie afin de lui tendre la main, et de lui dire : "
viens, on va faire un film ensemble".
La main tendue de l'espoir.
Seulement, voilà, la réalité de l'adolescence, c'est pas très jolie. Surtout dans les années 80. Et en voulant lui rendre hommage, American Teenager devient involontairement un véritable défilé de l'horreur pubertaire dans toute sa variété.
Bienvenue donc aux visages mal dégrossis, aux fringues coolos mais moches, à l'acné et aux poils, aux bandes de loulous fashion, au hard-rock, aux découvertes de valeurs idéologiques, aux amourettes gênées, à la révolte et aux coupes de cheveux abominables. Aaah, les premiers baisers échangés maladroitement sur le pelouse du lycée, aaah, le romantisme fleur bleue, aaah la vie ponctuée d'interros surprises de maths, aaah la première biture (suivie de la première gerbe, puis de la première gueule de bois)...
Mais comme si cela ne suffisait pas, American Teenager décide de nous exposer plus spécifiquement la vie de la jeunesse californienne, accompagnée de tous les grands poncifs du lycée américain que nous avons bien sûr tous connus : les rangées de casiers, la rentrée en classe avant la fin de la cloche, les corvées de nettoyage, le yearbook, le chauffeur de schoolbus jaune, le bal de fin d'année couronnant sa Queen Prom et la classique étude de Roméo et Juliette. Perso, je m'en souviens comme si c'était hier.
Une bande de voyous comme on a tous rêvé d'en connaitre pour se faire tabasser.
Ch'est-y pas mignon ?
Une première louche de choix esthétiques osés.
L'aspect le plus marquant du film, c'est le parti pris anti-Beverly Hills. A l'opposé d'un
Elle est trop bien, Jon Stevens a décidé de fuir le cliché gosses de riches aux dents blanches, au brushing impec' et aux fringues de marque, rayonnant d'une beauté factice, pour nous livrer de la pure, de la dure mais de la vraie réalité. Pure, mais hilarante. Oui, désolé les jeunes, mais ce serait vraiment hypocrite d'affirmer le contraire. C'est bien simple, il faudrait quasiment capser tout le monde pour donner un aperçu des délires graphiques auquels nous exposent les looks les plus fous ces jeunes gens en quête d'identité. Le défilé ne s'arrête quasiment jamais, perpétuel renouvellement de la grotesquerie fantasque spécifique de cet âge insensé. C'est là le point nanar le plus intense de American Teenager, un vrai délice pour tous les amateurs du genre. Et histoire d'enfoncer le clou de la laideur encore plus fort, le film semble avoir été sponsorisé par l'Association Americaine d'Orthodontie ; c'est en effet appareil-dentaire haut et bas pour tout le monde, sorte de mode du piercing avant l'heure.
L'androgynie, aboutissement de l'identité sexuelle ?
Tom, mon Adonis préféré.
Par ailleurs, il est intéressant de souligner la contestation du modèle Melrose Place jusque dans les ethnies représentées à l'écran. Le p'tit blanc est ici minoritaire, la majorité du casting offrant un teint basané quasi-indonésien qui a de quoi interroger le spectateur. Oui, ça peut paraitre con dit comme ça, mais j'ai vraiment été persuadé pendant tout le film que j'avais affaire à une tentative d'imitation philippine d'un campus movie. Je ne sais pas dans quel quartier le métrage a été tourné, probablement que la population locale devait y être marquée par l'immigration hispanique (les noms des acteurs vont dans ce sens), mais le résultat à l'écran est très intriguant, et ma foi agréablement dépaysant. Je suspecte toutefois la qualité de ma VHS d'être partiellement responsable de ce métissage de l'autre bout du monde.
Non, ce n'est pas Giant Weng-Weng.
Mais ce n'est pas tout : en effet, il ne faut jamais sous-estimer la capacité de nous doubleurs français de saccager un film, spécialement quand il sont 4 adultes à doubler un lycée entier, soit à peu près une trentaine de personnages différents, âgés de 16 ans. Si les dialogues ne franchissent pas trop le seuil de la connerie, c'est surtout dans les intonations et les accents risibles que le nanardeur trouvera son compte.
Quant à l'environnement musical, c'est encore là un aspect aux petits oignons : hard pop FM 80's jusqu'au bout des doigts, les morceaux s'enchainent sans coup férir, proposant des titres comme I think I'm in love with you, Can't take my eyes off you, Stronger together ou Girlfriend is better. Et ça tombe bien, vu que très souvent, on peut voir nos ados se déhancher sur les pelouses du campus, dans des chorés en groupe ou en solo. Ca finit par devenir très entrainant pour le spectateur, je me suis moi-même surpris à bouger mon corps et à placer quelques pas de danse sur ces rythmiques énergiques (do the robot, version aérobic). Cela donne vraiment un côté très sympa et attachant au film.
Des codes vestimentaires stricts marquant l'appartenance obligatoire à un courant musical.
Créativité artistique et spontanéité sont au coeur même du lycée américain.
Le scénario s'intéresse à plusieurs groupes qui évoluent dans leurs petites histoires du quotidien. C'est ainsi que l'on suivra principalement Vickie et son amour pour Tom, un jeune homme fougueux à la volumineuse crinière qui marque son leadership sur son groupe de rock. Mais drame des convenances sociales : en effet, le Code (?) interdit aux metallers (prononcez "
métalleur'sse") de fréquenter les étrangers, et plus particulièrement les new-wavers (prenez une patate dans la bouche et prononcez "
niouwéveuw'sse"). Les dissensions menacent le groupe, c'est l'escalade dans la violence musicale. Mais Tom est un rebelle amateur en cachette des 4 Saisons et Vickie a fait de l'harmonica plus jeune, ce qui devrait leur permettre de se sortir de l'adversité.
Tom, un metallers qui avait déjà deviné le futur regain d'intérêt de la mode djeun's pour le rose.
Vickie, new-wavers et son (plein) fard à paupières.
Rob, le copain de Tom qui vaut se faire Gordie, la copine de Vickie.
Une déclaration d'amour rock'n'roll.
James est un introverti tête de turc punkoïde thrashed tendance David Bowie, qui se fait vanner en classe et racketter dans la cour, malgré le soutien de Ricka. Quand une bataille de boules de papier éclate en pleine interro, c'est bien évidemment lui seul qui prend. Heureusement, les grands classiques de la litttérature britannique sauront l'aider à s'affirmer et à mettre son poing dans la tronche du petit emmerdeur qui profite lâchement de la puissance que lui confère son gang.
James, qui tend quand même le bâton pour se faire battre.
Ricka, et heuuu, bah Ricka, quoi.
Quant à Angie, elle illustre la difficulté de l'intégration au groupe, et de l'utilisation ingrate qui peut en résulter. Gauche et niaise, elle cherche par tous les moyens à être populaire comme son amie Chris, et à se faire inviter à la fête organisée par une bande guignols qui se la pètent. Et oui, le paradoxe de l'adolescent(e) qui cherche à tout prix à obtenir le droit d'accès à la fréquentation de gros connards qui l'exploiteront sans scrupule avant l'abandonner comme une vieille chaussette. Alors que l'amitié, la vraie, lui est déjà offerte, là, sous ses yeux, par sa meilleure copine. Gageons qu'après quelques déconvenues, ces demoiselles ouvriront les yeux sur les véritables valeurs de la vie.
Angie, le niais papillon attiré par la lumière de la beauferie.
Chris, sa meilleure amie, source d'envie et de jalousie.
Enfin, Ella devra faire le deuil de sa relation basée sur les maths et l'histoire avec son bon ami Peters, suite à l'arrivée dans le lycée de Julia, et à la relation naissance qui les unira. Ah, grandes difficultés que celles de gérer ses nouveaux sentiments bouillonants qui déchirent l'âme et qui peuvent amener à faire injustement souffrir ceux que l'on aime. C'est bien beau d'avoir inventer le dialogue et la communication, encore faudrait-il s'en servir plutôt que d'attendre que l'autre comprenne miraculeusement ce qu'on a dans la tête, n'est-ce pas Ella ?
Ella, elle l'a cette drôle de voix (mais c'est le doubleur).
Peters, qui drague grâce à ses révisions d'Anglais.
Julia, friquée, mais plutôt soft.
Mais n'oublions pas non plus les enseignants qui connaissent eux aussi souffrance et questionnement sur leur investissement professionnelle. C'est cynisme fatigué VS jeunesse idéaliste. Et oui, Out 2 Lunch s'intéresse vraiment à tout le monde, c'est un véritable manifeste du lycée dans sa globalité.
Il faut toutefois reconnaitre au film que tout n'est pas pour autant traité avec crétinerie, et que certaines situations relationnelles arrivent à éviter les écueils des clichés faciles. Les personnages surprennent de temps à autres par leurs propos sensés et l'expression authentique de leurs bouleversements sentimentaux. Out 2 Luch dégage ainsi une véritable recherche de sincérité dans l'exposé qui est fait de l'adolescence américaine. Ce ressenti va de fait en s'accentuant avec le déroulement de l'histoire, pour atteindre son apogée sur un générique de fin très sympa qui fait défiler tous ses jeunes acteurs.
American Teenager permet donc de passer un agréable moment en compagnie d'une jeunesse dont les looks extrêmes et les crises identitaires proposeront un divertissement sans temps mort, tout en conservant une certaine affection compréhensive pour un âge que nous avons tous connu. Un équilibre délicat suffisament rare pour être noté et encouragé. Bravo à vous m'sieur Stevens.
Un dernier petit tour d'horizon des meilleures coupes de James.
Mais rassure-toi Tom, tu restes mon p'tit chouchou.
Note : 3/5
Titre français : American Teenager
Titre original : Out 2 Lunch
Pays : USA
Durée : 1H20
Catégorie : Sentimental
Genre : Acné & orthodontie
Année : 1988
Réalisateur : Jon Stevens
Acteurs : Rami Rivera Frankl, Eugene Bernkrant, Christina Peak, John Traynham, Lenny Gonzalez...
Cote de rareté - 6/Introuvable
Seul Initial aurait édité le film sous le titre American Teenager, (et American Teenager 2 ?). Aucune trace de Out 2 Lunch à l'étranger (pour tout dire, je n'ai trouvé aucun visuel du film lors de mes recherches internet).
Images Bonus
Un couple bien assorti.
La jeune institutrice pleine de foi pour l'éducation.
C'est toujours la fête au Palms Junior Highschool.
Les casiers jaunes label US.
Allez, bande de trentenaires chauves, bavez devant ces crinières flamboyantes.
Il reste un peu de Ricka, je vous en remets une louche ?
Ils prennent les gamins de 12 ans au lycée ?
Qu'il compose ou qu'il se prenne pour Michael Jackson, Tom garde la classe de l'artiste pur.
Oooooh, that'cho chweeeet !!
Allez, salut les jeunes, et bon courage pour la suite.