ANIMALES RACIONALESTitre original : Animales racionales
Titres alternatifs : Human Animals
Réalisateur : Eligio Herrero
Année : 1983
Pays : Espagne
Genre : Post-nuke post-dadaïste (
Catégorie : Expérimental)
Durée : 1h37
Acteurs principaux : Carole Kirkham, Geir Indvard, José Yepes et le chien Larry
Avec un réchauffement climatique dévastateur, une pandémie mondiale incontrôlable et un contexte géopolitique aux airs de remake de
Dr. Folamour, les titres aussi fleuris que
2020 Texas Gladiators et
Apocalypse 2024 résonnent d'une troublante actualité à l'heure où j'écris ces lignes. Tous ces films produits en masses il y a quarante ans, à une époque où la Russie mettait déjà un pays à feu et à sang, et où le quidam lambda s'attendait déjà à recevoir une bombe H sur le coin de la figure et aménageait un abri antiatomique dans sa cave, nous à Nanarland, on en raffole. Américains et Australiens se taillaient la part du lion, tandis qu'Italiens et Philippins inondaient les vidéo-clubs du monde entier avec leurs copies bourrines de
Mad Max et de
New York 1997. Et il faut dire qu'à coté de ces films souvent idiots et fauchés mais funs, les Français se tapaient un peu la grosse honte avec leurs post-nuke de bobos prétentieux et inexportables style
Diesel,
Le cimetière des voitures avec Alain "Jésus" Bashung et
Terminus avec notre Jojo national (bon, on a quand même fait
Malevil aussi). Et bien, j'ai envie de vous dire : on n'était pas les seuls ! Parce que nos voisins espagnoles aussi, ils donnaient dans le pensum post-apocalyptique intellectualisant et foireux.
Le cinéma bis ibérique s'était déjà essayé au film post-apo, avec des titres comme
El refugio del miedo (un huit clos bavard, austère et chiantissime dans un bunker antiatomique),
Les survivants de l'apocalypse (l'errance minimaliste de deux survivants pipelettes dans un monde désolé, doublé par une VF de mongoliens et réalisé par l'auteur de
Lui et l'autre) ou encore
Ultimo deseo (un sympathique et bizarre ersatz de
La nuit des morts-vivants se voulant une parabole de la lutte des classes et du franquisme… enfin, on suppose). Bref, des deux côtés des Pyrénées, la fin du monde à l'écran est toujours l'occasion de se creuser les méninges, de discourir sur des questions philosophico-existentielles et d'expérimenter en se la jouant Auteur, tout en montrant du nichon, de la violence et du zombie. Pas étonnant donc qu'avec un titre comme
Animales racionales, on tombe sur un sous-Mad Max ésotérique très très éloigné des canons transalpins du genre.
Une affiche à l'image de la prétention et du non-sens de l'œuvre.Histoire que vous ayez d'emblée un aperçu de la chose, je vous met le résumé IMDB :
"Deux hommes et une femme sont les dernières personnes sur Terre. Ils sont réduits à la sauvagerie et apprennent à survivre sur une île. Ils découvrent un chien vivant sur l'île avec eux, et la femme le prend comme amant." Oui, oui. Nous avons affaire à ni plus ni moins qu'un ménage à quatre zoophile après la bombe. Et ce n'est pas l'aspect le plus "spécial" du film.
Après les habituels stock-shots de champignons nucléaires saturés d'orange, de rouge et de jaune, nos trois héros humains se réveillent au milieu du désert. Une blonde nunuche en escarpins au faux air de Marine Le Pen jeune, un blond neuneu en costard blanc et un brun macho, moustachu et rigolard en pantalon rouge et veste en cuir. Qui sont-ils ? D'où sortent-ils ? Comment ont-ils atterri là ? Mystère et boule de gomme. C'est alors que commence la première bonne surprise du nanardeur : le réalisateur souffre de
zoomite aigüe. Deuxième bonne surprise : la qualité du casting. Nos trois acteurs en font en effet des caisses et des caisses, au diapason de ce qu'on leur fait jouer. Les radiations semblent avoir grillé les neurones de nos trois survivants, ou alors peut-être que par un inexplicable hasard, les trois seuls rescapés de l'holocauste atomique se trouvent être des débiles mentaux au QI de moules ne possédant aucun usage de la parole et ne s'exprimant que par des hurlements, grognements et rires de mongoliens. Quelle serait votre première réaction en vous réveillant après une apocalypse nucléaire ayant décimé toute l'Humanité ? Vous mettre à mimer un chef d'orchestre puis faire semblant de jouer de la guitare électrique bien sûr ! Et le bruiteur de balancer un morceau de musique classique puis un morceau de rock, et nos protagonistes de se lancer dans un pas de danse endiablé et joyeux. Hallucinant.
Sobriété, définition du Petit Larousse : "Qualité de quelqu'un qui se comporte avec retenue."
Youpiii ! C'est la fin du monde, faisons une méga-teuf !Après avoir erré dans des paysages arides et volcaniques, nos trois rescapés atteignent la mer, occasion pour eux de se baigner tout habillés en rigolant une fois de plus comme des demeurés. C'est alors que le réalisateur nous balance une première scène d'action, de suspense et de terreur intense, lorsque nos héros sont sauvagement attaqués sur la plage par… des crabes. Oui, des crabes. Et de prendre des airs terrifiés sur fond de musique angoissante en roulant des yeux devant de pauvres petits crabes avançant à deux à l'heure. C'est l'occasion pour le rockeur moustachu de montrer qu'il est un homme, un vrai, en pourfendant les menaçants crustacés, devenant ainsi le mâle dominant de la petite meute. Emoustillé par les zooms insistants du caméraman sur la petite culote de l'héroïne, notre viril moustachu s'empresse de la violer, sous le regard passif du blond, et manifestement au grand plaisir de la dame d'ailleurs, qui semble très portée sur la chose. Pourquoi a-t-il fallu que ce soit précisément ces trois-là qui survivent à l'holocauste nucléaire ? On n'est pas prêt de rebâtir une civilisation avec des dégénérés pareils.
Les crabes atomiques, aussi effrayants que les rats de Manhattan et les rongeurs de l'apocalypse.
Un érotisme torride.Après de nouvelles scènes de remplissage à base de déambulations monotones sur un sol rocailleux, le cerveau du groupe fait son apparition : le chien. Accessoirement, c'est aussi le meilleur acteur du film. Alors que nos trois Humains se croyaient arrivés au bout du rouleau en atteignant un phare abandonné, sans eau ni nourriture, où toute trace du passé semble avoir été effacé (déception qui les pousse à tout casser en beuglant), le meilleur ami de l'Homme les guide jusqu'à une oasis où ils pourront organiser leur survie. Enfin, "organiser", c'est beaucoup dire. Les deux hommes seront surtout occupés à s'affronter comme des coqs de basse-cour pour se disputer les faveurs de la femelle, laquelle les excite effrontément en se tripotant et en minaudant à poil. J'ai omis de préciser que le blond est le frère de la blonde, ce qui ne les empêche pas de s'envoyer en l'air. Mais le vrai mâle dominant ne va pas tarder à faire valoir son droit de cuissage et à chasser les deux nigauds bipèdes de la couche de la femelle. A voir ses expressions faciales et ses rires espiègles, cette dernière sera d'ailleurs comblée par les ardeurs de son étalon canin, en l'occurrence légitimement révolté d'avoir des maitres aussi cons. Et ça tombe bien car le brun a entretemps flashé sur le derrière du blond pendant que ce dernier culbutait sa frangine en levrette. Nos deux obsédés se consoleront donc mutuellement avant que le final ne restaure brutalement l'ordre hétérosexuel dans ce nouvel Eden pas très catholique.
Clodo…… et la vicieuse.Rintintin les tombe toutes.Leur look est enfin raccord avec leur comportement.Mon personnage préféré, le plus con des trois (et pourtant les deux autres se défendent bien).Voilà donc un bien curieux objet en provenance des îles Canaries, tourné avec des bouts de ficelles par un Auteur bien perché. Un film des plus étranges, où les Humains sont plus bestiaux que les animaux. Avec ce genre de métrage à base de nudité, d'inceste, de bisexualité et de zoophilie, on sent bien que les Espagnols avaient besoin de se défouler après des décennies de censure franquiste. Sauf que c'est un peu n'importe quoi et que ce post-apo d'art et essai tient plus du comique involontaire qu'autre chose. La réalisation est complètement aux fraises, le metteur en scène se prenant pour Jess Franco avec ses zooms compulsifs et ses flous artistiques, ça cabotine à tout va et l'ensemble est vraiment ultra-fauché. Cela dit, il me faut mettre en garde les éventuels spectateurs à propos du rythme contemplatif de la chose. On rigole mais on s'ennuie aussi un peu, faut dire.
Note : 2/5Cote de rareté : 4) ExotiqueL'œuvre d'Eligio Herrero a été réédité en Blu-Ray toutes zones par les passionnés américains de Mondo Macabro. Une édition limitée (1200 exemplaires) contenant le film en restauration HD 1080p d'après une copie 4K, une interview du réalisateur/scénariste/producteur (avec des sous-titres anglais) et un livret de 24 pages à propos du film, écrit par le spécialiste espagnol Ismael Fernandez. Sinon, les collectionneurs pourront partir en quête des vieilles cassettes Betamax et VHS sorties à l'époque en Espagne, au Royaume Uni, aux Etats-Unis, en Australie, en Allemagne de l'Ouest, en Turquie, aux Emirats Arabes Unis, au Japon et en Indonésie. Apparemment, pas l'ombre d'une distribution francophone (mais bon, de toute façon, il n'y a pas de dialogues).
Les deux visuels du Blu-Ray Mondo Macabro.Le Betamax espagnol.Le matériel publicitaire d'époque en fait des tonnes pour vendre le film.Liens utiles :
la critique de l'excellent site Psychovision.net, qui m'a fait découvrir le film.