Turkish Batman
(Bedmen Yarasa Adam)
Catégorie: Super Héros
Genre: KEBAB ! POW ! BLOP ! WIZZ !
Pays: Turquie
Durée: 1h02
Année: 1973
Réalisateur: Savas Esici
Avec: Levent Çakir, Emel Özden, Altan Günbay, Nalan Çöl, Ceyhan Cem, Funda Ege...
S'il fallait établir un classement des destinations préférées des nanardeurs en matière d'escapades déviantes, nul doute que la Turquie reviendrait irrémédiablement dans le peloton de tête. Pillant allégrement le patrimoine cinématographique avec une absence totale de remords, la patrie de Cuneyt Arkin ne recule devant aucun affront pour adapter à sa sauce les plus grands succès occidentaux.
Après Rambo, Star Wars, Star Trek et tant d'autres, voici donc venir la version alternative de la série Batman. Une transposition qui va une fois de plus nous montrer qu'on bosse fort au pays du loukoum.
L'histoire s'annonce parfois confuse pour toutes personnes n'ayant pas une grande connaissance du turc. De ce que l'on peut comprendre, elle nous narre les méfaits d'une bande de brigands commandée par un mystérieux parrain de la pègre. La police étant vite dépassée par les, oulah, deux meurtres perpétrés par ces voyous, elle fait appelle à Batman et son fidèle Robin pour découvrir qui tire les ficelles de cette sordide affaire.
Rien de bien complexe en vérité, mais il faut dire qu'au delà de la barrière de la langue, la mise en scène brute de décoffrage si caractéristique de nos amis turcs va une nouvelle fois amener le film vers des extravagances qui feraient bondir n'importe quel professeur de montage. J'en veux pour exemple la façon dont le chevalier noir mène son enquête et atterrit sans transition aucune dans différents endroits. Certes, le fait de ne rien comprendre des dialogues nous empêche sans doute de saisir les déductions de notre justicier, mais il est certain que même avec ces éclaircissements, la réalisation à l'emporte-pièce doit aussi laisser sur le séant à plusieurs reprises. Ce goût prononcé pour le maniement du coupe-chou en matière d'assemblage des scènes amène aussi à quelques faux raccords pas loin d'être les plus grossiers du septième art, voyant notamment nos gaillards se téléporter chez une donzelle en détresse ou revêtir leurs costumes dans une voiture en à peine une demi seconde. De quoi renvoyer Arturo Brachetti chez sa mère.
Batman interroge un suspect…
… et sort de la maison. Si vous ne remarquez rien, c'est que vous êtes Gilbert Montagné.
Mariages, anniversaires… ne ratez plus une occasion de voir Batman et son pote faire les andouilles dans votre salon.
Mais sans cela, il y a aussi d'autres instants où la mise en scène se vautre de tout son long. Ainsi, nous serons mainte fois surpris par une gestion des lumières étonnantes voyant les protagonistes être souvent surexposés au delà de l'imaginairement montrable. En gros, dès qu'il y a un peu trop de blanc à l'écran, ce qui arrive souvent dans un film qui n'est pas en couleur, la scène la plus basique aurait de quoi exploser les yeux de Steve Austin et on peine à distinguer un personnage d'une malheureuse armoire. Cela vient peut être en partie de la version dans laquelle nous avons pu voir le film, mais la copie originale ne doit pas être non plus ce qu'il y a de plus pro. Le réalisateur n'est pourtant pas le seul responsable du souk qui gangrène la moindre parcelle de pellicule. En conséquence, si je vous annonce que les différentes chorégraphies de combats semblent avoir été improvisés trois minutes avant le tournage, vous ne devriez pas être étonnés, les escarmouches proposées par notre bande d'empotés accumulant roulades approximatives et combos grandguignolesques. De même savoir que la bande son bouffe à tous les râteliers et se permet des emprunts à James Bond, Le Saint, Borsalino et même Serge Gainsbourg n'a rien d'ahurissant. Pourtant, il est curieux de se rendre compte que l'utilisation des fameux emprunts n'a parfois aucun intérêt et ne semble être là que pour claironner à tue tête "la propriété intellectuelle, on la retourne et on la fume". Seule explication plausible au fait que quelqu'un ait pris la peine de pirater un thème connu pour l'intégrer dans une séquence où le personnage effectue une action aussi époustouflante qu'ouvrir une portière. Tout de même, nous noterons l'effort de ne pas trop utiliser le stock-shot, même s'il apparaît quasi-certain qu'une des scènes, à savoir l'arrivée d'une ambulance, ne vient certainement pas du même film.

Des éclairages qui laissent sans voix.
Ils sont vraiment trop fort ces turcs: ils ont même réussi à copier la voiture de "Sos Fantômes" près de onze ans avant sa sortie.
Là où l'on est davantage surpris, c'est plus dans les passages "olé-olé". Car oui, "Turkish Batman" a bien des passages un peu chaud, détail déroutant pour un film produit par un pays musulman, et nous gratifiera même de quelques plans nichons et d'une scène de sexe. Si nous vous en parlons, c'est aussi parce que ces moments réserves d'autres particularités plus risibles. L'une des plus notables sera encore dû à la réalisation et interviendra lorsque Batman ramènera chez elle une demoiselle venant de se faire agresser. Cette séquence a beau ne rien avoir de spécial, elle prendre son véritable intérêt à peine dix minutes plus tard… lorsqu'elle nous sera resservie de façon quasi-identique. Certains mouvements des personnages ont beau nous indiquer qu'il ne s'agit pas d'une vulgaire repompe, le décalque de cette scène est si grossier qu'on peut se demander si Savas Esici n'a pas eu une crise d'amnésie passagère. Autre instant déroutant, ce passage où Batman en pleine galipette avec une demoiselle rencontrée deux minutes plus tôt, juste après avoir déposé sa copine une seconde fois justement, sera contraint de faire passer sa partenaire pour une infirmière alors que notre couple reçoit une visite impromptue. Un moment qui donne une bonne idée de ce qu'aurait pu donner un film de super héros réalisé par Max Pécas, lorsque l'un des nouveaux venus se rendra compte que la prétendu aide-soignante a les fesses à l'air.

Gag!
Passés cette tendance à la gaudriole de toute sorte, le ton du film se veut beaucoup plus proche d'un James Bond que d'une aventure du justicier de Gotham. Comme évoqué dans le résumé, il n'est point question du Joker ou de Catwoman pour jouer les troubles fêtes, mais d'une sorte de Blofeld de bazar. L'allusion est facile puisque outre la musique d'"Au Service secret de sa Majesté" utilisée à tour de bras, l'une des autres références à l'univers bondien vient de ce grand méchant dont on ne verra le visage qu'à la fin et qui tient un chat dans ses bras. Dès lors, oubliez le monde dérangé et obscur de Batman et faites place au glamour de l'agent 007. Au risque de faire un grand écart, autant y aller gaiement. Bon, c'est vrai que le respect de l'atmosphère sombre du personnage n'était déjà pas le grand fort de la série des sixties. N'empêche qu'ici, on pousse le parjure assez loin, ce qui déroute dotant plus d'ailleurs, lorsqu'on remarque que nos sympathiques descendants de l'Empire Ottoman joue la carte du premier degré, là où le show avec Adam West assumait totalement son côté kitch. Ainsi, voir nos deux guignols attifés comme carnaval accorde au film une drôlerie supplémentaire, le sérieux dont ils font dans leurs pyjamas moulants entretenant encore le mythe que la Turquie est un pays de grands malades.

La batmobile. Est-il vraiment besoin d'autres commentaires ?
Turkish Blofeld.
Turkish lorraine.
Niveau interprétation, il y a globalement peu à dire. "Globalement", je précise, parce que si les acteurs ont la bonne idée de savoir se tenir, le problème majeur viendra de Batman lui-même. Pas mauvais comédien Levent Çakir, qui devait se retrouver des années plus tard dans "Yor, le chasseur du futur", a surtout pour défaut d'interpréter un personnage d'une profonde débilité, une caractéristique qui risque fort de provoquer l'apoplexie chez tout fan du Dark Knight. Ainsi, arrivant à coincer un sbire, notre camarade se retrouvera vite dépourvu lorsque celui-ci se suicidera en croquant du cyanure. Ma foi, dans ce boulot, c'est le genre de choses qui arrive. Mais lorsque nos malandrins pousseront le vice jusqu'à lui faire le coup trois fois dans le film sans qu'il ne se doute de rien, on en vient sérieusement à douter de ses capacités mentales. En même temps, il s'en tamponne le coquillard turkish Bruce. Il sait très bien que ce sociopathe de monteur lui fera affronter le grand méchant dans la dernière scène quelque soit ses déductions, alors ça sert à rien de se fatiguer. Dans le genre bêtise insondable, Levent fait aussi très fort lorsqu'il décide d'enlever sa cagoule à tout bout de champ, surtout après avoir sauvé une demoiselle. Et comme il couche avec tout ce qui bouge, nul doute que les neuf dixièmes de la population féminine terrestre doivent être au courant de sa double identité, un peu comme le commissaire d'ailleurs et sans doute une partie de la police, puis son médecin… . Dans ce cas, si le but est de ne pas être discret, pourquoi se casser le cul à inventer un alter ego masqué ? Non sincèrement, n'en jetez plus.
"Bijour, missieur. Dites, ça vous dérange si je fume maintenant que vous m'avez arrêté ? Non, c'est juste que j'aimerais bien me suicider plutôt que parler, alors forcément… ."
"Hum,hum Rübin. Encore un gredin qui met fin à ses jours. Cela cacherait un complot que ça ne m'étonnerait guère."
Un peu poussif par moment, Turkish Batman a au moins pour lui de ne durer qu'une heure à peine, ce qui lui permet de ne pas trop souffrir de ce défaut. Après, il est évident que nous sommes bien loin du délire total d'un "Death Warrior", mais cette libre adaptation réserve de forts bons moments. De plus, si vous aimez l'esprit torturé des aventures du Caped Crusader, il ne fait aucun doute que l'ambiance du film, à des années lumières de la noirceur du personnage, devrait faire prendre au film une dimension encore plus délectable. Somme toute, voici une nouvelle découverte montrant que même en terrain connu, il est toujours aussi bon de se perdre sur les sentiers de la démence.
Wolfwood 2,25/5
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Cote de rareté
Jamais Sorti
Tiens ? Encore un film qui n'est pas sorti en France. On ne s'en doutait pas. D'ailleurs, c'est à se demander si même un quelconque VCD puisse exister, c'est vous dire. Ne reste plus qu'à espérer tomber sur une diffusion à la télé turque.
Bonus:
Une mise à mort abominable.
Turkish Batman et Robin contre les Turkish agents du Spectre.
Turkish Terence Hill et Bud Spencer…ah non, en fait.