Space Thunder Kids
Réalisateur : Joseph Lai
Acteurs : des doubleurs anglais peu motivés
Année : 1991
Durée : 1h21
Genre : Tous pour un, un pour tous !
L’esprit humain est décidément capable s’habituer aux pires horreurs. Qu’il s’agisse de la guerre ou de la cinématographie, au bout d’un moment les spectacles les plus atroces ne provoquent plus la moindre réaction dans l’œil du vétéran blasé. A Nanarland hélas nous ne sommes pas immunisés contre ce phénomène. Vous aurez peut-être remarqué par exemple que les films de ninjas, après avoir été les stars incontestées du site, se sont nettement raréfiés ces derniers mois. Ce n’est pas que le stock soit épuisé, ce serait plutôt qu’au bout du 34e 2-en-1 avec des gweilos moustachus, des ninjas en costume fluo et des sabres en plastique, il devient difficile de s’enthousiasmer comme au premier jour. Avec les dessins animés de Joseph Lai, c’est un peu pareil. C’est toujours la même histoire, toujours les mêmes dessins nuls, toujours la même animation asthmatique et toujours les mêmes faux-raccords qui n’ont aucune raison d’être. Autant dire que quand ce
Space Thunder Kids m’est tombé sous la main, je l’ai regardé bien en face et je lui ai mis le marché en main : t’as intérêt à nous sortir le grand jeu d’entrée à te montrer régulier sur la distance, sinon j’ai une place dans les "On s’est fait avoir" toute chaude pour toi. Après deux ou trois coups de bottin pour bien lui faire comprendre qui est le patron, le gaillard s’est montré coopératif et a accepté d’entrer dans le lecteur DVD sans faire plus d’histoires. En avant mon gros, montre-nous ce que tu as dans le ventre !
Ca commence bien... Eh les gars, Escher a appelé, il veut qu’on lui rende sa perspective.
Abraham Lincoln est toujours prêt à défendre la liberté.
90 minutes plus tard, j’ai bien été forcé de présenter à
Space Thunder Kids mes plus plates excuses, de l’inviter à dîner et de lui offrir des fleurs pour faire bonne mesure. Le bougre s’est en effet révélé un gros, un très gros morceau. Un de ces nanars définitifs, inoubliables un objet unique, d’une crétinerie absolue et qui laisse pantois. Tout simplement l’un des films les plus barrés et les plus extravagants qui soient jamais venus outrager la rétine du spectateur, sur Nanarland ou ailleurs. Joseph Lai avec ce nouveau dessin animé a décidé de frapper un grand coup et de montrer une fois pour toutes qui est le patron, le boss, le taulier, le maître de l’arnaque, le Arsène Lupin des vidéo-clubs.
Space Thunder Kids n’est pas un deux-en-un, ni un trois-en-un. Ce n’est même pas un quatre-en-un.
Space Thunder Kids est un huit-en-un. Comme vous dites, « Ah oui, quand même ».
Stupéfaite, l'équipe de Nanarland contemple sa nouvelle trouvaille.
Alors, comment marche donc ce puzzle cinématographique insane et unique au monde qui pourrait légitimement prétendre trouver sa place dans le
Guiness des Records ainsi que dans les encyclopédies du cinéma les plus sérieuses ? C’est en fait très simple. Joseph Lai a pris tous ses dessins animés à base de robots spatiaux et les a mélangés pour en faire un nouveau. C’est tellement con qu’on se demande pourquoi personne n’y avait pensé avant.
Space Thunder Kids, c’est donc le méchant du
Sauveur de la Terre qui décide d’envahir la galaxie. Pour ce faire, il envoie ses généraux chacun attaquer le Terre de leur côté avec une armée. Et les généraux en question ce sont tout simplement les grands méchants des
Défenseurs de l’Espace, des
Aventuriers du Système Solaire et des
Aventuriers de la Galaxie. Evidemment en face les gentils de chacun de ces films sont également de la partie. Ajoutez à ça des bouts des
Protecteurs de l'Univers, du
Crépuscule de la Liberté, des
Transformeurs de l'Univers et des
Conquérants du Cosmos (oui, les titres originaux ne sont pas le plus gros point fort du père Lai), saupoudrez avec une autre source inconnue par chez nous (je n’ose dire « originale »), et vous obtenez le patchwork d’images le plus hallucinant qui ait jamais été produit et commercialisé. Je dois dire que le moment où apparaît à l’écran, surgissant de nulle part, le Kim Il-sung tout bossu des
Aventuriers du Système Solaire restera pour moi un grand moment d’extase nanarde.

Le grand méchant est apparemment un vampire et se fait appeler le "Dark Emperor".

Je me fiche de ce que les autres pensent de moi. Kim Il-sung, il restera toujours mon préféré.

Deux images tirées de la source inconnue, ou en tous cas jamais vue avant. Si elle a constituée à un moment un film entier, celui-ci n’est pas parvenu jusque chez nous.
Space Thunder Kids va encore plus loin. Il ne se contente pas d’être un simple assemblage des autres dessins animés de Joseph Lai, il en constitue un quasi best-of. Je ne dirais pas qu’il contient toutes les meilleures scènes, mais il en embarque tout de même un bon paquet. Le combat bourré de faux raccords des
Défenseurs de l’Espace, le remake de
Tron et les plagiat d’
Albator et de
Cobra du
Sauveur de la Terre, les pilotes qui échangent leurs sièges en plein milieu d’une conversation dans
Les Aventuriers de la Galaxie, le Kim Il-sung déjà mentionné des
Aventuriers du Système Solaire, Khrouchtchev qui fait un scandale à l’ONU… Ils sont tous venus, ils sont tous là et ils ont amené tous leurs amis avec eux, et même quelques petits nouveaux qu’on ne connaissait pas.
« L’attaque des clones », par exemple, on ne l’a jamais vue nulle part ailleurs, et c’est dommage.
Ceux-là pour mémoire ce sont les aventuriers de la galaxie qui changent de siège plus vite que leur ombre. La scène entière est reprise dans Space Thunder Kids...
...Et eux, ce sont les défenseurs de l'espace en plein milieu de leur mythique combat bourré de faux raccords, lui aussi présent dans son intégralité.
Alors, nanardement parlant, ça donne quoi ? Les concepts les plus délirants ne donnent, après tout, pas toujours les meilleurs nanars. Rassurez-vous, avec
Space Thunder Kids on ne perd pas son temps. Tous les éléments habituels des dessins animés de chez IFD mentionnés au début de la chronique sont présents, par la force des choses : les dessins sont mauvais comme il faut avec leurs décors statiques et leurs personnages aux visages pas possibles, l’animation est, comme il se doit, en dessous de tout et en ce qui concerne les faux raccords… ben c’est un sept-en-un quoi, pas besoin de faire un dessin. A un moment une conversation commencée par trois personnages d’un film est terminée par deux autres tirés d’un dessin animé différent, mais là dans le contexte ce sont censés être les mêmes.


Il y a trois tonnes de robots géants dans le film, au point qu’il devient parfois difficile de suivre qui se bat avec qui…

Le Schtroumpf parrain des Défenseurs de l’Espace est bien sûr de la partie et il a amené sa fille hideuse avec lui. Ses deux généraux ont été logiquement rétrogradés au rang de lieutenants puisque lui-même n’est plus empereur de la galaxie mais simple général. Vous suivez ?
Il n’est donc clairement pas nécessaire d’avoir vu les autres dessins animés de Joseph Lai pour apprécier au mieux celui-ci, et c’est même presque mieux ainsi. En effet, si on n’a pas la satisfaction un brin ahurie de voir des dizaines de scènes connues devenir totalement absurdes hors de leur contexte d’origine (enfin pas tant que ça d’ailleurs : c’est à peine croyable mais l’histoire se tient à peu près, tous les dialogues ayant été réécrits pour l’occasion), on n’a pas non plus le handicap tout simplement de les connaître déjà, on conserve donc l’effet de surprise, essentiel dans l’appréciation optimale d’un nanar. Notez de plus que Joseph Lai ne s’est vraiment pas fichu de nous (enfin si évidemment mais vous voyez ce que je veux dire) et nous propose des morceaux parmi les plus nanars des films qui servent à composer ce… cette chose, là.

Tron se fait un peu plagier dans Le Sauveur de la Terre et, par extension, ici dans Space Thunder Kids mais avouons qu’on en attendait pas moins de Joseph Lai…
Khrouchtchev, ici dans le Sauveur de la Terre, reproduisant la séance authentique des Nations Unies où il frappa son pupitre avec sa chaussure pour signifier son mécontentement. Dans la même scène reprise dans Space Thunder Kids, il se transforme on ne sait pourquoi en représentant chinois, ce qui n’empêche que Space Thunder Kids est à notre connaissance le seul film où Nikita Khrouchtchev et Kim Il-sung s’affrontent par robots géants interposés.
Au final
Space Thunder Kids est une expérience nanarde extrêmement satisfaisante. C’est très bête, très laid, très mal fichu et plutôt très drôle. Seul petit bémol, le fait de sauter en permanence d’une situation (et, en fait, d’un film) à l’autre rend l’intrigue assez pénible à suivre en raison de la profusion de personnages qui apparaissent et disparaissent parfois sans guère d’explications à mesure que l’on va et vient d’un film à l’autre. Il convient également de signaler que le film n’existe qu’en anglais mal doublé, ce qui n’arrange pas la situation. Si vous avez l’occasion de le voir, je le recommande tout de même très chaudement, parce que des films qui vont aussi loin dans la malhonnêteté et l’incompétence, même à Nanarland, ce n’est pas souvent qu’on en voit. Notez que si l’on en croit le site web d’IFD, Joseph Lai est déjà prêt à tenter une performance encore plus ultime avec
Ninja Myth, une série télé entière fabriquée uniquement avec des morceaux de ses films de ninjas mis bout à bout…

Lui je ne sais même plus dans quoi il est à l’origine mais je sais qu’on l’a déjà vu quelque part. Ne m’en veuillez pas, ces films se ressemblent tellement qu’au bout d’un moment on a tendance à les confondre.
Eux par contre je ne me rappelle pas si on les a déjà vus quelque part.
C’est quand même génial un atelier d’animation où personne n’a même une règle pour dessiner droit.
Note : 4,5 / 5
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Cote de rareté :
Space Thunder Kids semble être l'un des rares dessins animés de Joseph Lai à n'avoir pas été distribué en France, en tous cas personne à Nanarland n'est encore tombé dessus. Il faudra donc partir en chasse du DVD américain, distribué semble-t-il assez largement en hypermachés mais seulement pendant une courte période.