Titre original : De potloodmoorden
Titre alternatif : The Pencil Murders
Réalisateur : Guy Lee Thys
Année : 1982
Pays : Belgique
Durée : 1h12
Acteurs principaux : Leslie de Gruyter, Rosemarie Bergmans, Christian Baggen
Catégorie : Crimes et délits
Genre : Combat nasal
Si avec tout ça, vous n’achetez pas le film…
Ce qu’il y a de chouette quand on se pique d’intérêt pour tout ce qui est du cinéma de seconde, voire de troisième zone, c’est qu’on se figure avoir touché le fond à chaque découverte saugrenue. Et c’est peu de temps après qu’un autre réalisateur vous tend une pelle, histoire de vous contredire et vous démontrer qu’on peut aller encore plus loin dans l’absurdité. Ainsi avais-je naïvement pensé connaître une certaine plénitude après la découverte du film de David Prior "Aérobic Killer" où un psychopathe dézinguait des corps de rêves à coups d’épingle à nourrice. Autant dire que lorsque je mis la main et les yeux sur ce nouveau concept, j’en restai d’abord bouche bée.
Nous voici donc en Belgique pour de nouvelles aventures criminologiques farfelues. Rick Van Houtte (Leslie de Gruyten, portant fièrement barbe et moustache) est un « jeune » inspecteur de police qui a beaucoup de boulot à cause d’un sadique tuant des jeunes beautés à coups de crayon dans le nez. Oui, ne pensez pas qu’il s’agit là d’une signature ou d’un certain rituel post-mortem. Non. Il faut que le tueur trucide d’un seul coup d’un seul sa victime en ajustant bien son coup de crayon dans la narine pour que ce dernier transperce le cerveau. On ne peut pas lui reprocher de ne pas être original. Obnubilé par l’étrangeté de l’affaire, il délaisse abusivement sa jeune épouse Marilène (Rosemarie Bergmans aux répliques confondantes) qui n’hésite pas en lui faire les reproches. Rick et son copain photographe arriveront-ils à sécuriser Bruxelles ?
« Désolé un autre meurtre au crayon, je dois y aller »
« Tu va devenir un vrai crayon toi-même ! »
Bizarrement, le meilleur aspect du film ne vient pas des meurtres en question, qui ne surviennent pas aussi souvent qu’on pourrait le souhaiter. L’intrigue molli mollasse est au fond un prétexte afin de permettre aux acteurs de se lancer dans une sorte de concours de non-jeu formidable et de mixer ceux-ci avec des dialogues étranges. On pourrait presque qualifier ce film de polar psychédélique. Les policiers déploient une incompétence fantastique, employant les méthodes les plus éculées et honteuses pour arriver à leur fin : tabassage de témoins, arrestations abusives, rien ne fera reculer Rick dans sa mission sécuritaire. Le tueur quand à lui commet bourdes sur bourdes, heureusement compensées par les oublis des forces de l’ordre. Il ne viendrait pas à l’idée des policiers de jeter un coup d’œil aux éventuelles empreintes digitales du crayon par exemple. Il ne viendrait pas non plus à l’idée du tueur qu’abandonner ses gants sur la scène de crime peut éventuellement être mauvais pour lui.
Les séquences s’enchaînent et plus on progresse, plus on s’enfonce dans un grotesque abyssal. Les meurtres de plus en plus risibles s’enchaînent avec enquêtes clownesques et répliques mémorables. Les réflexions sur le suspect noir sont carrément racistes (les « nègres » et autres « mal blanchi » volent bas), quand à la manière d’essayer de le retrouver, on nage dans le n’importe quoi le plus extrême qui ferait certainement défaillir le bon Hercule Poirot. Le policier ayant vidé son chargeur sur le noir et l’ayant blessé annonce : « Arrêtez tout ce qui ressemble à un noir ! ». Evidemment, il aurait pu préciser « un jeune, portant une chemise bleue et détail important, il pisse le sang de l’épaule gauche », mais non. C’est tellement plus marrant d’arrêter tous les black du quartier.
« Arrêtez tous les noirs ! »
« Chef, on a deux café-au-lait ici, ça compte ? »
Toujours à propos du noir, on pourra logiquement se demander pourquoi le serial killer tue un mâle alors que jusque là il ne trucidait que des mannequins blonds et en sous vêtements. Bien sûr, il est dans son bain, donc il est aussi à poil, mais le modus operandi s’en trouve quand même modifié un tantinet. Cette même séquence étant d’ailleurs la meilleure du film, où le pauvre tueur galère autant que sa victime afin de lui porter l’estoc nasal fatal. Les programmeurs de la Vème Nuit Excentrique ne s’y sont d’ailleurs pas trompés. Tiens, dans le lot séquence absurde, vous trouvez ça normal vous, une mère en sous vêtements en train de déclamer au téléphone « arrête tu m’excites ! » alors que son bambin se trouve installé sur le bureau juste à coté ?
La police bruxelloise est sur le coup.
Il faudra pas moins d’une bonne dizaine de minutes ainsi qu’une pelletée de photographies éparses à Rick pour élaborer son raisonnement et résoudre une enquête du niveau d’un Mickey Parade. Je ne vous dévoilerai pas par délicatesse l’identité du coupable, mais dites vous que dès l’apparition du bonhomme à l’écran, vous vous dites « C’est lui c’est sûr ». Mais bon, il ne faut pas non plus lui jeter la pierre à ce pauvre Rick, il a suffisamment de soucis avec sa copine au raisonnement aux limites de la connerie. Cette femme ne comprendra pas pourquoi son bien aimé se fâche quand elle lui annonce qu’elle est enceinte et qu’elle n’est pas certain de sa paternité. Ah les hommes, parfois je vous jure…
Rick, la classe vestimentaire
Si le concept de départ pouvait sembler sympathique, il est malheureusement très sous-employé. La mise en scène échevelée, les acteurs aux physiques moyen et les répliques parfois magnifiques aurait pu en faire un très bon nanar. Mais voilà, c'est mou. Mou et fade comme du tofu bouilli. Il y a quand même çà et là des choses à sauver et pour peu que le spectateur soit un tant soit peu réceptif, l'impression de flottement peut éventuellement créer une autre sorte d'intérêt. Ceci dit, il mérite quand même d'être découvert, ne serait-ce que pour pouvoir briller dans les dîners. "Dites moi, très cher, avez vous vu "Meurtres au crayon"?
NB : Le lecteur aura remarqué que je me suis abstenu de tout commentaire désobligeant sur l'origine belge de la chose, c'eut été trop facile.
Note : 1/5
Rareté : 5 Pièce de collection
Si vous voulez vous risquez dans les méandres de ce polar dantesque, il vous faudra exhumer la VHS de chez Virginia aux accroches pharaoniques ("Alfred HitCHOCK" elle est bien bonne) ou de celle de chez Hyper.
Et n'oubliez pas de bien tailler vos crayons avant chaque meurtre !