
Pour les habitués de Nanarland, Rodrigo Obregon est avant tout l’inamovible interprète des long-métrages du clan Sidaris. Moins en vue que la tripotée d’amazones jalonnant les récits d’Andy et de son rejeton, il a su marquer les esprits grâce à quelques prestations dont nous sommes si friands. Lui offrir une biographie en ces lieux semblait donc légitime, d’autant que son parcours s’avère plus atypique qu’on ne pourrait le croire.

Fils de la chorégraphe Sonia Osorio et du peintre Alejandro Obregon, Rodrigo voit le jour en 1952 à Montélimar. Il vivra trois ans dans l’Hexagone, jusqu’à ce que son père prenne la tête du Mouvement National des Arts Plastiques colombien. Toute la famille rejoint alors Barranquilla une ville très vivante, connue pour accueillir le deuxième plus important carnaval d’Amérique du Sud, où le jeune Rodrigo passera son enfance. Alors que vient le temps des études, il est naturellement plus à l’aise pour les matières artistiques mais montre aussi de réelles dispositions pour des sports comme la boxe, l’équitation sans oublier l’escrime. Des disciplines qui permettent d’évacuer le trop plein d’énergie de cet enfant très agité mais aussi de gérer la séparation de ses parents.

Tout bébé, mais déjà star des objectifs.



Vivant avec sa famille maternelle, il va rendre visite à son père durant les vacances. Dans ses deux maisons, il croise des gens comme Alvaro Cepeda, Julio Mario Santo Domingo ou bien encore le futur prix Nobel Gabriel Garcia Marquez. Autant de personnages marquants de la Culture sud-américaine qui lui ouvre encore un peu plus les yeux sur le monde de l’Art. Très tôt, Rodrigo se sent donc attiré par la même voie que ses parents. Devenu danseur, il part en tournée avec sa mère et découvre notamment l’Inde, la Russie… . Ces voyages lui donnent encore plus le goût de la liberté. Alors qu’il est en Europe, il décide de tout laisser tomber pour découvrir le vieux continent. Commence une période où Rodrigo connaît la vie de bohème, un moyen comme un autre d’échapper à une éducation qu’il trouvait alors trop stricte. Bon garçon, il envoie quelques cartes pour rassurer sa chère maman, mais la vérité est tout autre voyant Rodrigo aller de droite et de gauche en auto-stop, dormir sous les ponts… . A Lyon, il se fait même arrêter et sera à deux doigts de l’expulsion jusqu’à ce qu’on le confonde avec un italien, ce qui lui permet de continuer son périple en pays transalpin. Une escale de courte durée, puisque c’est finalement à Milan que Rodrigo croisera de nouveau la route des autorités qui finiront par le renvoyer chez lui.


En compagnie de ses parents et de sa soeur.
Revenu en Colombie mais riche d’expériences, il est sur le point de terminer ses études lorsqu’il reçoit une lettre de son premier amour, rencontré en Inde. Toujours aussi aventureux, il décide de la rejoindre. Pourtant, alors qu’il est en transit à New York, il se sent attiré par cette ville et décide d’y passer quelques mois, période qu’il mettra à profit pour se lancer dans le théâtre. C’est la naissance d’une vocation et un choix évident pour celui qui étant enfant, adorait les films de cow-boys en particulier ceux avec Glenn Ford. Finalement, il rejoint tout de même celle qu’il aime mais la réunion est de courte durée. De retour dans la Grosse Pomme, il continue son apprentissage de la comédie et après quelques tentatives infructueuses, part tenter sa chance à Los Angeles. Subsistant grâce aux économies que lui a donné son père et l’argent qu’il gagne en faisant la plonge, il galère un temps avant d’obtenir, hasard du destin, ses premiers rôles dans des productions italiennes tournées en Colombie. Fin des années 80, il se retrouve par quatre fois sous la direction du réalisateur Nello Rossati. On le voit ainsi dans « La Fuga » film d’aventure teinté d’érotisme, à moins que ce ne soit l’inverse, « Top Line » croisement entre le sous-Indiana Jones et le « Terminator » d’occasion, puis « Tides of War » aux côtés de David Soul. Enfin arrive « Django Strikes Again » vraie fausse suite avec Donald Pleasance ou Christopher Connelly et qui mélange « Mad Max », « Rambo », « Commando » avec aussi un peu de western histoire d’être un minimum fidèle à l’original.

Avec Eleonora Vallone sur le tournage de « La Fuga ».

Ne vaut rien à l’argus dans « Top Line » aka « Alien Terminator ».

Gardant un œil sur Franco Nero dans « Django Strikes Again ».

C’est également à cette période qu’il côtoie pour la première fois Andy Sidaris et toute sa clique. De « Piège Mortel à Hawai » en 1987 à « Return to Savage Beach » en 1998, on peut parier que les deux hommes devaient bien s’entendre si on en juge par la présence quasi-systématique de Rodrigo dans presque tous les long-métrages d’Andy et de son fils. Face à la sculpturale Julie Strain, l’athlétique Dona Speir ou le génial Gerald Okamura, il donnera son meilleur dans des rôles le voyant jouer le trafiquant latino mais aussi le savant brésilien, le diplomate russe, l’espion philippin… . Des prestations où Rodrigo peut vaguement mettre à profit ses talents de polyglotte, il parle quatre langues, mais qui le voit surtout gratifier le spectateur des versions originales d’accents slave ou hispanique à se rouler par terre.

Si Andy a su se créer un réseau fidèle, c’est qu’il fait toujours son possible pour préserver la dignité de ses acteurs… .

… enfin, il essaie.


Entre deux délires estampillés Sidaris, Rodrigo continue son chemin. Il joue notamment dans « Escalona », série retraçant de façon romancée la vie et l’œuvre de Rafael Escalona, célébre compositeur colombien. Rodrigo y incarne Anastasio le grand méchant de l’histoire et rival du héros. Possédant de nombreux fans et multi récompensée, cette telenovela lui permet d’obtenir une certaine notoriété. Par la suite, il est aussi à l’affiche de «La stratégie de l’escargot” qui fut en compétition au festival du film de Berlin 1994. Fier de participer à des succès populaires de son pays, Rodrigo voit aussi l’aspect pratique cela l’amenant à être plus souvent auprès de sa famille qu’il voyait de moins en moins souvent à cause de ses différents tournages sur le globe.




Car fidèle à son tempérament de bourlingueur, Rodrigo n’a jamais renoncé à un tournage pour des contraintes géographiques. C’est ainsi qu’on le retrouve dans « Jonathan degli orsi » western d’Enzo G.Castellari tourné en Russie. Un film qui reste encore inédit dans nos contrées mais que son interprète, Franco Nero, décrit comme l’un de ses rôles préférés. Evidement, c’est tout de même aux Etats-Unis que Rodrigo enchaînera les rôles plus ou moins importants. Il joue ainsi dans la mini-série « Drug Wars » avec Benicio Del Toro et Danny Trejo, « Cool and the crazy » aux côtés des débutants Jared Leto et Alicia Silverstone, « Savate » qui met en vedette Olivier Gruner ou bien encore « L.A. Wars ». Néanmoins, le mal du pays commence à se faire de plus en plus présent. Fin des années 90, il s’investie donc davantage dans la production télévisuelle et tourne dans deux nouveaux soaps, ce qui lui permet d’être à nouveau proche des siens.





Baron de la drogue dans « L.A. Wars ».

Sur son 31 avec quelques collègues de la série « Ay cosita linda mama ! »
Pas encore décidé à mettre de côté sa carrière internationale, Il est au générique de « Kick of Death » et « 17 and Under » mais surtout dans le plus friqué « Dommage Collatéral » où le pompier Schwarzenegger fait fi des lois d’extraditions pour aller se venger du terroriste qui a tué sa famille. Rodrigo y joue un sbire et, alors qu’on l’imagine capitaliser sur ce genre rôle pour devenir une trombine récurrente des blockbusters hollywoodiens, notre ami aspire à d’autres projets chez lui. Si un temps, il lui vient l’envie de devenir réalisateur, ce qu’il fera plus tard en mettant en scène un moyen métrage appelé « Un hombre del común », c’est vers l’humanitaire qu’il se tournera en priorité. Prenant en charge la fondation « Colombia Herida » qui vient en aide aux familles des policiers et militaires blessés ou morts dans l’exercice de leurs fonctions, il met son énergie et sa notoriété au service de cette cause. Naturellement, son engagement le pousse à critiquer les FARC mais aussi à tenir des propos de plus en plus politiques, ce qui l’amène à se faire quelques ennemis ne manquant pas de le dénigrer ou critiquer ses actions. Pourtant si certains s’emballent, Rodrigo a d’autres chats à fouetter. Sans délaisser son association, il reprend le flambeau de sa mère à la tête des ballets de Colombie lorsque cette dernière doit mettre fin à ses activités. Une tache qui peut sembler ardue, tant celle-ci a marqué de son empreinte cette institution, mais qui n’effraie nullement celui qui a pu se construire un bagage culturel impressionnant via ses multiples rencontres. Une façon aussi de faire survivre l’héritage de ses parents, lui qui préside également la Fundación Casa Museo Obregón, entité visant à préserver l’oeuvre de son père via la création d’un musée et diverses expositions.



Très remonté dans « 17 and under ».


Devant Schwarzy, Rodrigo n’est déjà plus qu’un « Dommage Collatéral ».

A Bogota, lors d’une marche contre le président vénézuelien Hugo Chavez.
Elevé par deux monstres sacrés en leur pays, Rodrigo a grandi dans une famille qui lui a toujours permis d’être un esprit libre. Dès lors, bien malin celui qui devinera ce que nous réserve cet insatiable touche-à-tout. Alors qu’il semble avoir mis entre parenthèses sa carrière de comédien, peut être le retrouvera t’on derrière la caméra pour mettre en scène des documentaires ou alors nous surprendra t’il encore en gravitant dans les hautes sphères du pouvoir. Globe trotter mais surtout citoyen du monde, celui qui a déjà eu plusieurs vies est peut être déjà en train d’en écrire une autre, loin des échauffourées du cinéma Bis. Mais quelque soit sa prochaine aventure, on ne peut que lui souhaiter bonne route.



Films chroniqués :
L.E.T.H.A.L. Ladies: Return to Savage Beach
Day of the Warrior
Opération Panthère Noire
Guns
Picasso Trigger
Piège Mortel à Hawaï
Filmographie:
Dommage Collateral (2002)
17 and Under (1998)
L.E.T.H.A.L. Ladies: Return to Savage Beach (1998)
Kick of Death (1997)
Day of the Warrior (1996)
L.A. Wars (1994)
Savate (1994)
Dallas Connection, The (1994)
Cool and the Crazy (1994)
La stratégie de l’escargot (1993)
Opération Panthère Noire (1993)
Jonathan degli orsi (1993)
Molly & Gina (1993)
Fit to Kill (1993)
Hard Hunted (1992)
Guns (1990)
Tides of War (1990)
Savage Beach (1989)
Picasso Trigger (1988)
Top Line(1988)
Django 2: il grande ritorno (1987)
Piège Mortel à Hawaï (1987)
Fuga scabrosamente pericolosa (1985)
Et quelques apparitions dans des séries.
Wolfwood