Le Trésor des quatre couronnes (Il Tesoro delle 4 corone)En préambule, histoire de vous donner envie, voici la bande-annonce en Français qui en met plein la vue sur le lien suivant :
http://www.toutlecine.com/film/videos/0037/00370907/00009847-bande-annonce-1-le-tresor-des-quatre-couronnes.htmlREALISATEUR : Ferdinando Baldi
ANNEE : 1983
GENRE : Péripéties sans relief
CATEGORIE : Aventures
CASTING : Tony Anthony, Ana Obregon, Gene Quintano, Lewis Gordon
DUREE : 95 minutes
NATIONALITE : Italie
"L’aventure suprême dans sa dimension totale". Tel est le slogan qui accompagne la bande annonce du film "Le Trésor des Quatre Couronnes". Si l’aventure suprême l’est autant que le groupe de soul du même nom est Irlandais, la dimension "totale", elle, n’est pas de l’esbroufe. Car "Le Trésor des Quatre Couronnes" est un film…en 3D.
En outre, dans le film, on ne parle que de deux couronnesA l’heure où James Cameron met tout le monde d’accord sur l’effet d’une réelle "troisième dimension" dans son long-métrage qui fera date,
Avatar, il faut rappeler que la quête de la 3D au cinéma ne date pas des années 2000…mais quasiment du début de l’histoire du cinéma au début des années 1900.
Après différents procédés développés au cours du temps, ne marquant que très peu l’Histoire du cinéma en trois dimensions en définitive, apparait dans les années 80 le système de Stéreovion. Késako ? C'est un procédé qui consiste à projeter deux images superposées, diffusées par le biais d’une focale anamorphique, ce qui permet une stabilité de l’image et du son. Ainsi, pour voir vos héros en 3D il fallait aller au ciné, et profiter du spectacle grâce à des lunettes en cartons ridicules. Heureusement pour nous, la mode vestimentaire des années 80 éclipsait ce dernier aspect.
Eddy Mitchell présentant pour son émission "la dernière séance" le film l'Etrange Créature du Lac Noir, premier film en 3D de 1954 passant à la télévision, visionnable grâce aux lunettes fournies avec le journal télé.Le procédé à la mode ne perdura que peu de temps mais fut néanmoins assez éloquent pour marquer les esprits et donner envie à certains de profiter du concept pour dépoussiérer des franchises (Freddy, Jason et Jaws par exemple) par l’exploitation de la 3D. Engouement passager car il faut reconnaître que le résultat technique n’est pas folichon (il faut plus parler en terme de "relief" que de réel 3D) et que le système n’est absolument pas prévu pour l’exploitation vidéo.
Des effets visuels qui donnent mal à la têteC’est ainsi que, dans le marasme ambiant d’un cinéma cherchant un nouveau moyen de rentabiliser les salles, survient Tony Anthony. Tony Anthony, c’est l’acteur de western italien typique : un regard d’acier, une démarche lente, une présence qui peut remplir une pièce à elle seule. Après avoir engendré des westerns comme "Get Mean", (lui aussi en relief) il décide alors de se lancer dans l’aventure 3D avec un film qui sera spécialement dédié à sa gloire. Ayant avec lui un scénario original (honteusement pompé sur "Les Aventuriers de l’Arche Perdue"), il se dit qu’avec "Le Trésor des Quatre Couronnes", et le soutien financier de la Cannon, il va tout défoncer sur son passage.
Il ne pouvait pas plus se planter.
Ceci est un effet 3D prestigieux d'un film miséreuxInitialement, "le Trésor des Quatre Couronnes" n’est peut-être pas un Freddy 6, ni un Vendredi 18, mais comme dit plus haut, il est très fortement influencé par Indiana Jones, pour ne pas dire "Alan Quaterman" avec Richard Chamberlain si je voulais être offensant. Tony Anthony se donne donc le rôle principal, celui d’un aventurier des temps modernes, un Soldier of Fortune. Le genre à chercher des trésors cachés dans les coins les plus dangereux du monde. Un peu comme le Dr Jones mais les études d’archéologie (et de sport) en moins.
Tony Anthony, le Harisson Ford version Hard DiscountMais voilà : si Harrison Ford possède une allure virile, un visage de baroudeur aux yeux perçant et arbore la chemise déchirée comme une pin-up les porte-jarretelles, ce n’est pas le cas de notre acteur Italien. Non, Tony Anthony c’est plutôt Droopy avec une parka rouge qui le fait ressembler au bonhomme Michelin roulé dans de la terre battue, décidant avec l’agilité digne d’une brouette de se prendre pour Philippe de Dieuleveult. Notre aventurier va nous prouver tous son talent dans une longue (20 minutes!) scène d’introduction où il prend tous les risques pour aller chercher un artefact planqué dans le donjon d’un château. Ceci en se vautrant toutes les trente secondes, en se faisant courser par divers animaux et en déclenchant tous les pièges possibles comme un aveugle le ferait dans un champ de mines-antipersonnel.
Tony Anthony court devant une boulette enflammée menaçanteTony Anthony nous fait avaler des couleuvresTony Anthony réussi même à plonger au sol après l'explosionCet artefact, qu’il arrive à récupérer non sans montrer aux spectateurs son incompétence à marcher sans se prendre une flèche dans le cul, est une clef qui ouvre un compartiment dans une couronne magique, détenue par un directeur de musée. Ce dernier lui raconte alors la légende des quatre couronnes. Légende, dont je vous passerai par bonté d’âme les détails du récit, pour une raison évidente : on y comprend rien. Il demande alors à notre héros d’aller chercher les deux autres couronnes car, dans de mauvaises mains, elles permettraient à son détenteur de posséder les pouvoirs absolus (vous savez bien...le genre de pouvoir qu’on sous-entend toujours mais que personne n’a jamais vraiment montré en réalité, dans les films).
Le pouvoir des flammes lui brûle les doigtsEnfin, c'est surtout les tuyaux situés sous les manchesPas de bol, elles sont détenues Frère Jonas. Un vrai chef d’une secte qui en plus de se taper des femmes consentantes tout en se payant des voitures de luxe, possède un nom de baleine et porte une capuche rouge inquiétante pour bien nous faire comprendre qu’il est très méchant. La mission est alors simple : se rendre dans un château des Pyrénées, là où notre Raël Espagnol cache les couronnes dans une pièce hyper protégée et voler le pouvoir de ses couronnes en ouvrant leur compartiment grâce à la clef trouvé plus tôt dans le film.
Jonas BrotherEt sa secte mystérieuse, effrayante et adoratrice des tambourinsNi une, ni deux, Tony Anthony (je ne me lasse pas de répéter son nom et son prénom) compose alors une équipe en compagnie d’anciens compagnons d’arme et échafaude un plan pour aller piquer les couronnes. Il faut d’ailleurs mentionner, dans la mauvaise foi la plus vile que nous avons dans notre cœur de nanardeur, que le plan d’attaque, consistant à atteindre les couronnes sans toucher ni le sol ni les murs de la pièce (qui sont bourré de capteurs d’alarme) donne vie à une scène qui sera copié sans vergogne par Brian DePalma dans "Mission Impossible". Oui, on a pas peur de dénoncer ici, à Nanarland.
Tony Anthony, le Tom Cruise version Easy CostNotre agence tous risques parviendra-t-elle à ses fins ? Les couronnes sont-elles si magiques que ça ? Verra-t-on un plan nichon en 3D ? Pourquoi le système de vue en relief est-il omniprésent, alors que le scénario lui, manque de profondeur ? Tant de questions auxquelles je ne répondrai pas, sauf à la dernière.
La douleur, c'est mocheCar pour être honnête, niveau relief, "Le Trésor des Quatre Couronnes" fournit ce qu’il promet : de la 3D à foison. C’est ainsi que, si Tony Anthony se débrouille comme un manche au début du film, ne pouvant s’empêcher de provoquer des catastrophes comme un enfant de dix ans dans une armurerie, ce n’est pas parce qu’il est incompétent (quoi que…) mais c’est surtout que cela procure un prétexte pour visionner en gros plans ou en contre plongé des projectiles en tous genres. Gros plans nécessaires pour profiter de l’effet "profondeur" dans sa totalité.
Un système informatique dernier cri...fixé sur une porte en boisEt des objets face caméra, vous allez en manger. Ainsi, si vous aviez vu le film au cinéma, vous auriez eu le privilège de voir en gros plan (ou en contre-plongé) diverses choses de la vie courante telles que : un aigle, une liane, une corde, un serpent, un oiseau en plastique, un chien qui saute, un chien qui aboie, un type qui se jette à travers la fenêtre, des lambeaux de tissu, une main de squelette, une épée, un sceptre, une arbalète qui lévite, un carreau d’arbalète qui lévite, un javelot, une masse cloutée, une épée qui tombe d’un plafond, un mousquet, un rouleau à pointes ( ?), une flèche enflammée, une couronne, une clef qui va dans la couronne, une loupe, la même clef que tout à l’heure mais sous un autre angle, des ustensiles de cuisine (une marmite je crois), un jet d’eau, une porte de frigo, toujours la même clef que tout à l’heure mais qui lévite, des casseroles qui explosent, des pots qui éclatent, des étagères qui tombent, des draps qui volent, des trapézistes, une plume, une main, une main qui tient une plume, un transpondeur, des sangles, un pied, un mousqueton, une paire de ciseaux, un cierge, un brasero, un couteau, des tambourins, un serpent en plastique, un chalumeau, des jets de flammes, des boules de feu (tirées par des ficelles) et des trucs qui crépitent dans différentes gerbes de couleurs.
Un exemple d'objet en gros plan nécessaire pour l'effet 3D......qui donne des effets de réalisation très lourdsSi on peut comprendre que ce système comble de bonheur les plus myopes d'entre nous, pour les autres, on frisera l'overdose. Comme l’adage du film porno consistant à dire que les gens veulent du cul et pas d’histoire, je suppute le réalisateure Ferdinando Baldi de s’être dit la même chose, pensant que les jeunes des années 80 voulait de la 3D mais pas de scénario.
Coucou, tu veux voir ma loupe ?Oui, merci elle m'a l'air assez grosseCar l'histoire se décompose finalement en trois parties simples à la limite de trois actes d'une pièce de théâtre : l’introduction sans dialogue, puis la partie où Tony Anthony forme son équipe de bras cassés et enfin la mise en œuvre du plan pour voler les deux couronnes restantes.
On ne peut alors que rire devant le scénario digne de l’arnaque où les références (pour ne pas employer un autre mot juridiquement répréhensible) aux "Aventuriers de l’Arche Perdue" sont légions. Dans un élan de générosité on nous gratifie même d'un effet spécial littéralement piqué du film "L'exorciste", histoire de nous faire comprendre la différence entre "hommage" et "foutage de gueule".
Un budget maquillage qui donnerait envie à Fantomas de conduire une révolutionMême la musique d’Ennio Morricone, qui aide finalement à comprendre comment on compose une musique académique pour un film anémique, n'arrive pas à sauver les meubles. Surtout lors des dernières minutes completement dingues du film qui rendraient à elles seules crédible un long-métrage de Michael Bay.
Et par charité chrétienne, je passerais sur le jeu de Tony Anthony (de son vrai nom Roger Pettito) vague look-a-like d’un croisement entre l’acteur Burt Young et le chanteur Ringo, qui à l'air autant inspiré pour son jeu d'acteur que pour se trouver un patronyme digne de ce nom.
Notez les élégantes ficelles qui tiennent ces mirobolantes boules de feuVéritable film prônant la forme sur le fond, on ne peut que mesurer, hilare, les tentatives perdues de la réalisation pour montrer un tant soit peu d’aventures épiques. A la fois raté et bâclé, couplé au fait que le procédé est complètement inutile en vidéo "Le Trésor des Quatre Couronnes" est le genre de film qui n’est pas plus achevé que les histoires imaginaires que vous viviez avec vos amis à 11 ans quand vous cherchiez des trésors rocambolesques dans votre jardin. Et encore, la théière en faïence de votre papy enterrée à coté de votre cerisier était réellement en 3D, elle au moins.
Un grand Merci à Maryline pour son aide précieuse.
NOTE : 3.5/5(et spécial dédicace à John Nada
)
lien utile :
Un excellent article de mad-movies sur l'évolution de la 3D au cinéma :
http://www.mad-movies.com/Articles_LES_FILMS_EN_3_DUne critique du film vu par la mégastar Roger Ebert :
http://rogerebert.suntimes.com/apps/pbcs.dll/article?AID=%2F19830426%2FREVIEWS%2F304260301%2F1023&AID1=%2F19830426%2FREVIEWS%2F304260301%2F1023&AID2=