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Alluda Majaka / Alluda Mazaaka (1995) Satyanarayana E.V.V. https://forum.nanarland.com/viewtopic.php?f=17&t=19226 |
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Auteur: | John Nada [ 12 Mai 2011 17:46 ] |
Sujet du message: | Alluda Majaka / Alluda Mazaaka (1995) Satyanarayana E.V.V. |
Cette chronique-là il la fallait, donc voilà, c'est chose faite. Pour celles et ceux qui n'en ont jamais entendu parler, je rappelle qu'un numéro d'Escale à Nanarland a été consacré tout entier à ce film (tellement dense qu'on a dû se résoudre à ne pas y mettre tous les bons extraits !) : http://www.allocine.fr/video/emissions/ ... a=19204744 ![]() Permettez-moi d'entamer cette chronique par une petite réflexion. Lors d'une de nos conversations avec Richard Harrison, lorsque nous l'avions rencontré à Rome (ne rigolez pas, on a les fiertés qu'on peut), celui-ci se désolait de constater qu'au cinéma, les héros d'antan incarnés par des hommes dans la force de l'âge avaient progressivement disparu au profit d'une génération de godelureaux à peine sortis de la puberté. Que les John Wayne, Kirk Douglas, Burt Lancaster ou Charlton Heston, qui avaient jadis joué le rôle de father figures pour des générations de gosses, avaient été remplacés par des endives avec beaucoup de gel dans les cheveux et aucun charisme, des demi-portions androgynes, émasculées sur l'autel de la métrosexualité. Avant d'être acteurs, des types comme Belmondo, Bronson, Gabin, Reynolds ou Ventura avaient d'abord été des hommes : ouvrier, boxeur, mineur de fond, champion de lutte, ancien combattant… Bref, des gars qui avaient bourlingué avant de croiser l'objectif d'une caméra. Or aujourd'hui, la tendance - particulièrement marquée en Asie - est de mettre en vedette des minets imberbes et des poupées kawai, issus de la télé, de la chanson ou du mannequinat, des poupons aux joues roses comme Zac Efron ou Justin Bieber, plastiquement interchangeables et désespérément fades. ![]() Sean Connery dans Zardoz, beau spécimen de mâle alpha à l'ancienne… Heureusement, une industrie d'irréductibles résiste tant bien que mal au phénomène : Tollywood, le cinéma indien en langue telugu basé à Hyderabad, dans l'Etat de l'Andra Pradesh. Un cinéma populaire où la moustache n'est pas encore un attribut ringard mais la norme, où les hommes ne sont pas des êtres fragiles, à l'écoute de leurs tourments minuscules, mais de solides gaillards qui respectent leurs aînés, vénèrent leur patrie, protègent leurs soeurs, honorent leurs épouses et flanquent des raclées aux gredins ! ![]() Les justiciers indiens, faut pas venir leur baver sur les rouleaux. Digne représentant de ce cinéma macho, Alluda Majaka met en scène Chiranjeevi, une super star locale spécialisée dans les rôles de héros droits dans leurs bottes, combattant les injustices à grands coups de tatanne dans les gencives. Coiffé d'une élégante mulette, le visage barré d'une moustache épaisse qu'on devine à l'épreuve des balles, épais comme un boeuf et viril comme un taureau reproducteur, Chiru incarne le héros populaire indien dans toute sa splendeur trapue. ![]() Dans Alluda Majaka, Chiranjjevi incarne Seetharam, un mec bien sous tous rapports. Seetharam est un grand propriétaire terrien, mais qui laboure lui même ses champs. Seetharam est un brahim, mais qui est généreux avec les membres des castes inférieures. Seetharam a un charme fou. Seetharam danse comme un Dieu. En somme, Seetharam est un croisement sauce curry entre Chuck Norris et Alain Delon. ![]() ![]() Seetharam a aussi des goûts vestimentaires sûrs, comme en témoigne cet ensemble violet à motifs papillons, apparemment très tendance en 1995. Oui mais voilà, tout le monde n'est pas comme Seetharam. En Inde comme ailleurs, il y a aussi des salauds, des fourbes, des comploteurs, des flics ripoux, des juges corrompus, des politiciens véreux, et même des danseurs médiocres. Des vilains pas beaux qui vont jeter notre gendre indien idéal dans les rets d'un destin pas joli joli. Seetharam sera jeté en prison, son père poussé au suicide, sa soeur abusée, leur famille déshonorée… ![]() Un bad guy de service. Mais ce que ses perfides ennemis ignorent, c'est que Seetharam est un cogneur prompt à faire appliquer la loi du talion, un homme d'action, un vrai, un qui sent la sueur qui pique le nez. Pas une demi-fiotte parfumée comme un caniche ! ![]() Quand on énerve Chiranjeevi, il voit rouge ! Seetharam peut traverser un bus ou glisser sous un camion à cheval. Seetharam peut faire des sauts en tracteur à la seule force des poignets, comme sur un vulgaire BMX. Les saltos et autres coups de pieds sautés de Seetharam ignorent les lois de la pesanteur. Seetharam a le pouvoir de se transformer en mannequin en mousse, et de faire exploser des hors-bords juste en les touchant. Quand Seetharam ouvre la bouche, la béatitude fige le visage de ses interlocutrices. Seetharam est adulé à un point tel que lorsque la police l'arrête, le peuple menace de s'immoler par le feu si on ne le libère pas sur le champ. Seetharam est un amant si exceptionnellement vigoureux qu'il est capable de se taper deux soeurs et leur mère dans la même soirée (une prouesse qui n'a pas eu l'heur de plaire à la censure indienne). ![]() ![]() Seetharam ne reconnaît plus personne en Massey Ferguson. ![]() Un petit bonhomme en mousse, dans une scène un peu bateau… ![]() Qui veut voyager loin ménage sa monture. Nanarland a déjà eu maintes fois l'occasion de louer les vertus furieusement récréatives du cinéma indien. Un cinéma simple, avec des héroïnes, des méchants qui les ligotent sur des rails, et des héros qui arrivent juste à temps. Un cinéma qui méprise volontiers la vraisemblance, la pondération, et autres concepts de fillette dont le public se contrefiche. Bref, du cinéma-spectacle aussi idiot qu'enthousiasmant ! ![]() ![]() Le cinéma indien ayant aussi comme caractéristique de faire partouzer les genres, Alluda Majaka distille sur près de 3 heures un spectacle complet, où l'on trouve à la fois de l'humour subtil et délicat, du mélodrame larmoyant, de la romance plus sucrée que de la pâte de goyave industrielle, ainsi bien sûr que les traditionnelles séquences chantées et dansées. ![]() Chiranjeevi, inlassable tombeur de beautés loukoumesques. ![]() ![]() ![]() Tiens, le sidekick de service s'est travesti (gag !). C'est précisément dans ce dernier domaine que le film atteint de kitschissimes sommets, avec quelques jolis numéros de déhanchement dans des décors d'un autre âge, et des tenues improbables où les strass se mêlent au safran. En guise de temps forts, on citera notamment une reprise du We Will Rock You de Queen, dispensée avec la légèreté d'un orchestre bavarois un jour de fête de la bière, ainsi qu'un intermède romantique dans un faux parc Disneyland, avec des Donald et des Mickey en carton-pâte absolument terrifiants. ![]() ![]() ![]() ![]() Des décors dans lequels même les frères Bogdanoff n’auraient pas oser présenter leur magazine dans les années 80 ! ![]() ![]() ![]() ![]() Disneyland sous acide. Mais ne nous y trompons pas : le genre de prédilection de Alluda Majaka, ça reste avant tout l'action testostéronée, les gunfights pétaradants et les grosses scènes de baston assorties de bruitages tonitruants… Des bruitages qui sont d'ailleurs copieusement recyclés, un même effet sonore pouvant indistinctement illustrer une pirouette dans les airs, un lasso, un coup de pied ou un lancer de couteau ! ![]() Attention, bruitage tonitruant à l'horizon… ![]() WOOSH WOOSH WOOSH... ![]() RATATATATA !!!! ![]() PAF ! Plus qu'un petit plaisir coupable ou qu'un simple "nanar exotique", Alluda Majaka est un divertissement qui désarçonne le spectateur profane en allant là où seul son public d'origine semble l'attendre : dans l'excès et la surenchère systématique. Du cinéma large d'épaules et fort en gueule, célébrant dans un beau vacarme la virilité triomphante des héros indiens. Un cinéma de dinosaure en voie d'extinction, perpétuellement en retard d'une mode, dont la bassesse de front et le premier degré implacable saisissent le spectateur comme un pain dans la tronche. Chiru is the man ! ![]() Note : 4,5/5 Cote de rareté : 4/Exotique Sorti en DVD et en VCD en Inde, le film y a été distribué dans une copie correcte, avec des sous-titres anglais cohérents (fait assez rare pour être signalé). Attention cependant, pour celles et ceux qui ont l'habitude de se fournir chez leur revendeur indien habituel (rue du faubourg Saint-Denis pour les Parisiens), il faut savoir que les productions Tollywood restent dures à dénicher. ![]() ![]() |
Auteur: | kevo42 [ 12 Mai 2011 18:15 ] |
Sujet du message: | Re: Alluda Majaka / Alluda Mazaaka (1995) Satyanarayana E.V. |
Une chronique aussi belle, forte et moustachue que le héros de son film. ![]() ![]() ![]() ![]() ![]() |
Auteur: | Kobal [ 12 Mai 2011 20:37 ] |
Sujet du message: | Re: Alluda Majaka / Alluda Mazaaka (1995) Satyanarayana E.V. |
John Nada a écrit: Seetharam est un amant si exceptionnellement vigoureux qu'il est capable de se taper deux soeurs et leur mère dans la même soirée (une prouesse qui n'a pas eut l'heur de plaire à la censure indienne). Et le pire, c'est que j'imagine que c'est authentiquement présent dans le film ! ![]() En fait, c'est Machete avant l'heure. ![]() Sinon, t'en as encore beaucoup en stock, des Tollywood comme ça ? |
Auteur: | John Nada [ 13 Mai 2011 9:07 ] |
Sujet du message: | Re: Alluda Majaka / Alluda Mazaaka (1995) Satyanarayana E.V. |
Kobal a écrit: John Nada a écrit: Seetharam est un amant si exceptionnellement vigoureux qu'il est capable de se taper deux soeurs et leur mère dans la même soirée (une prouesse qui n'a pas eut l'heur de plaire à la censure indienne). Et le pire, c'est que j'imagine que c'est authentiquement présent dans le film ! ![]() En fait, c'est Machete avant l'heure. ![]() Sinon, t'en as encore beaucoup en stock, des Tollywood comme ça ? Lu sur wikipedia : Citer: Though the film was a commercial success, many criticised that with this movie, the Telugu film has touched a new low in terms of values. The film is full of double entendres and vulgar sequences. Apart from obscenity, the film was censured by critics for undermining basic family values. (The film has a vulgar scene showing hero (chiranjeevi) teasing his mother-in-law (lakshmi) implicitly having sexual overtones. The film was re-censored by the Censor Board with many cuts after heavy criticism by women's groups, film critics, political parties etc En gros, Chiru fricote avec une des frangines, puis avec l'autre, puis se déguise pour séduire leur mère, et lors d'une coupure de courant il est très fortement suggéré que dans la confusion il a couché avec les 3... en tout cas à la fin il passe sa nuit de noces avec les deux soeurs... Chiru roi du harem ! |
Auteur: | skunkhead [ 13 Mai 2011 21:46 ] |
Sujet du message: | Re: Alluda Majaka / Alluda Mazaaka (1995) Satyanarayana E.V. |
mais la morale est sauve puisqu'on explique plus loin qu'en fait dans cette première scène il n'a couché avec personne, se contentant juste de laisser entendre. Car chiranjeevi est en plus un homme qui sait se tenir dans le noir, et faire l'amour intellectuellement tellement fort qu'il bat gwendoline sur le plan de l'orgasme à distance. Quel homme, mais quel homme... |
Auteur: | Barracuda [ 16 Mai 2011 7:57 ] |
Sujet du message: | Re: Alluda Majaka / Alluda Mazaaka (1995) Satyanarayana E.V. |
La chronique donne une bonne idée de l'ambiance du film, mais il me semble que cela pourrait valoir le coup d'entrer un peu plus dans le détail. Les scènes d'action de ce film sont du pur WTF, même selon les critères indiens, tu le dis bien, mais je pense que ce serait bien d'illustrer plus en en décrivant une ou deux (genre la poursuite du début qui est vraiment un truc de furieux et qui dure longtemps en plus !). Bref, je ne remets pas en cause la qualité, ce qui est là est très très bien, mais je pense que ce serait bien justement d'en avoir un peu plus. le ratio texte / images me rappelle un peu les chroniques d'André ![]() |
Auteur: | John Nada [ 16 Mai 2011 11:04 ] |
Sujet du message: | Re: Alluda Majaka / Alluda Mazaaka (1995) Satyanarayana E.V. |
Barracuda a écrit: La chronique donne une bonne idée de l'ambiance du film, mais il me semble que cela pourrait valoir le coup d'entrer un peu plus dans le détail. Les scènes d'action de ce film sont du pur WTF, même selon les critères indiens, tu le dis bien, mais je pense que ce serait bien d'illustrer plus en en décrivant une ou deux (genre la poursuite du début qui est vraiment un truc de furieux et qui dure longtemps en plus !). Bref, je ne remets pas en cause la qualité, ce qui est là est très très bien, mais je pense que ce serait bien justement d'en avoir un peu plus. le ratio texte / images me rappelle un peu les chroniques d'André ![]() Voui, là j'ai balancé les caps en masse sur le forum, mais pour le site j'écluserai un peu. ![]() En fait, je trouve que j'ai habituellement tendance à faire trop long, trop verbeux, trop inutilement ampoulé. Du coup, j'essaie de me soigner… (notamment en gardant en tête cette citation de Saint-Exupéry : "Il semble que la perfection soit atteinte non quand il n’y a plus rien à ajouter, mais quand il n’y a plus rien à retrancher." Plus j'y pense et plus je me dit que c'est souvent vrai ![]() ![]() A part ça… merci Barrac de me faire un retour constructif et sincère, c'est hyper appréciable ![]() |
Auteur: | Kobal [ 28 Juil 2011 22:34 ] |
Sujet du message: | Re: Alluda Majaka / Alluda Mazaaka (1995) Satyanarayana E.V. |
Que peut-on bien dire sur ce truc sans en dénaturer l'essence même de taréïté prononcée ? John Nada s'est déjà attelé à cette rude tâche, je vous conseille donc de vous référer à son travail. Mais le pauvre ne pouvait évidemment pas tout aborder, donc voici quelques complètement d'informations... Déjà, il faut savoir que Seetharam (el grande Chiranjeevi) est un pur de dur qui fait peur dans son système de valeur : quand sa sœur achète une lotion censée faire pousser les cheveux, Seetharam se pointe chez le vendeur, le force à se raser le crâne et le contraint à rester chauve pour le reste de ses jours sous peine de le défoncer. Quand Seetharam voit qu'un gredin s'apprête à saisir un flingue caché dans le tiroir de son bureau, il défonce la surface du dit-bureau d'un bon coup de poing afin de récupérer l'arme avant l'autre (poing de force style !). Quand Seetharam s'habille pour danser sur les remix de Queen, il ose l'élégance du break 80's fluo qui perfore le regard de l'impudent. Quand Seetharam affronte des enragés en tracteur, il n'hésite pas à se coincer dans une roue du véhicule en marche et à subir quelques cycles de lavage (bon, là, c'est peut-être un figurant pas trop regardant sur les dégâts neurologiques d'une telle cascade). Quand Seetharam décide de relancer l'industrie du verre, il donne de sa personne et défonce des bus uniquement constitué de vitres (et des magasins également). Quand Seetharam quitte la partie action du film pour s'enfoncer dans les complexes méandres d'une romance indienne bien trop proche du Vaudeville de chez nous, il n'hésite à partager son temps d'écran entre un rôle d'andouille finie et un alter go tout en superficialité (Mr Toyota !) afin de gentiment ridiculiser les adversaires qu'il était prêt à réduire en purée rougeâtre quelques minutes plus tôt. Seul personnage qui puisse vaguement faire penser à un début d'illusion d'adversaire à la hauteur de ses chevilles, le mystérieux gweilo au nom inconnu. Son arrivée sur la scène de ratonnade de flics par notre héros est à convulser de rire. Le pauvre a en effet hérité de la part de l'accessoiriste d'un objet insolite qui voulait sûrement faire coolos, mais qui lui vaporise instantanément toute crédibilité : un ressort multicolore. D'autant plus qu'il s'amuse à le faire passer d'une main à l'autre, avant de se le mettre avec suffisance autour du cou à la manière d'un boa dans un film de cabaret. Cette séquence est quasiment une déclaration de guerre à l'encontre de l'Occident. 4.25/5 (et non 5, car le film contient son lot de scène de gnagnantisme qui ne prend sa saveur nanar que si on est plusieurs spectateurs rodés au genre et avides de comprendre l'ensemble des plans dans les plans dans les plans). On me souffle que Chiranjeevi a tourné dans un film nommé "Hitler"... Qui a dit "il le fooooooooooooooooooooo !" ? |
Auteur: | Mandraker [ 29 Juil 2011 18:23 ] |
Sujet du message: | Re: Alluda Majaka / Alluda Mazaaka (1995) Satyanarayana E.V. |
Excellente chro pour ce formidable film qui m'a permis d'initier au nanar (et aussi au ciné indien) certains de mes confrères khâgneux l'année passée. ![]() |
Auteur: | Siry [ 29 Juil 2011 18:28 ] |
Sujet du message: | Re: Alluda Majaka / Alluda Mazaaka (1995) Satyanarayana E.V. |
Bollywood ne m'attire pas plus que ça mais celui-la a l'air sévère avec son côté fort excessif! |
Auteur: | dontbugme [ 08 Jan 2018 19:11 ] |
Sujet du message: | Re: Alluda Majaka / Alluda Mazaaka (1995) Satyanarayana E.V. |
J'en ai vu que des extraits, qu'est-ce que j'adorerais voir ce film en entier. Merci pour cette superbe chronique. |
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