Le guide de la drague par Vincent Cassel : "Tu pues, je pue… tu te vois avec tes seins flasques et ma bite molle ?!"
"Olala, t'as l'air fatiguée, toi t'as fait du cheval cette nuit ! Bwahaha ! HIPS !"
Dans vingt ans, je parie qu'on regardera "Fleuve noir" exactement comme on regarde "Le faucon", "L'arbalète" et "Ne réveillez pas un flic qui dort" aujourd'hui. Des films qui étaient déjà des nanars à leur sortie mais auxquels le temps a donné une patine savoureusement ringarde. Au lieu du saxo, des néons, des guerriers de la nuit junkies-punks à bandana et des superflics badass et rebelles contre le système des 80's, on a tous les clichés du néo-polar glauque des années 2010 qui copie les codes des polars américains et surtout scandinaves mais en les accommodant avec une touche typiquement franchouillarde, avec sa grisaille (ça, ça n'a pas changé en 40 ans), ses flics dépressifs, ses intrigues tordues au rythme nonchalant, ses ambiances sordides, ses bois lugubres, ses banlieues tristounes, son glauque à outrance, ses tics de montages et sa photographie à la Jacques Audiard.
Vraiment tout ce qui semble aujourd'hui banal dans le cinéma français dit "sérieux" mais caricaturé ici à l'extrême et qui, à mon avis, acquerra quelque chose de terriblement kitsch quand on sera tous devenus des vieux/vieilles nanardeurs/euses nostalgiques et qu'on redécouvrira le film en disant à nos petits-enfants : "Tiens, tu vois, de moooon temps on savait faire des nanars". Mais encore une fois, le film est déjà un solide nanar à l'heure actuelle. En fait, c'est une parodie de "Polisse" qui devait s'appeler au départ "Y a-t-il un flic pour sauver le pédophile ?"
A tous les codes "modernes" s'ajoute le personnage de flic très vintage de Vincent Cassel, le côté Columbo suranné avec son imper de clodo et le cliché éculé du flic alcoolo et solitaire, mais avec en plus ce côté ultra-glauque et dépressif à la Wallander ou The Killing. Le résultat est fascinant et hilarant. En regardant le film ce soir sur France 2 (un grand merci à la team d'avoir signalé l'évènement sur la page d'accueil du site), j'étais régulièrement pris de fous rires devant le jeu de Cassel, l'outrance grandguignolesque de son personnage qui se torche sans se cacher pendant ses interrogatoires et ses briefings, qui lèche en bavant et en dansant la photo de son ex-femme avant de la chiffonner rageusement, le cabotinage crescendo de Duris qui se termine en une apothéose de grimaces dans sa dernière scène, le double-twist invraisemblablement sordide avec l'air con de Vincent Cassel dans le dernier plan où il semble dire "Bon ben j'ai complètement foiré mon enquête et la coupable va s'en sortir à cause de moi, j'vais m'en jeter un p'tit pour me consoler tiens..."
Bien sûr, le professionnalisme calibré de la réalisation et l'interprétation digne d'Elodie Bouchez (même si on lui impose une sempiternelle scène de crise d'hystérie, mais quelle actrice française a pu y échapper ?) empêchent le film d'être totalement nanar en 2022. Mais peut-être qu'en 2042, il sera aussi adulé que "White Fire"…
En tout cas, l'interprétation d'ivrogne de Vincent Cassel est digne de celle de Richard Harrison dans "Ultime Mission" (la séquence où il viole ET séduit Kiberlain avec son haleine à trois grammes rappelle d'ailleurs beaucoup la scène jumelle dans le film de Jun Gallardo). Dans la catégorie "signes extérieurs de culpabilité", Romain Duris vaut largement Paul L. Smith dans "Le sadique à la tronçonneuse".
Télérama lui a mis deux T, avec toutefois une critique "pour" (assez hallucinante) et une critique "contre" (qui remercie Cassel et Duris pour l'avoir involontairement bien faite rigoler).
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