AVANT-PROPOS :
En Septembre 2001, quelques jours après l'attentat contre le WTC, Nu Image (spécialiste de séries B comme
Spiders,
Shark Attack 3, etc...) s'apprête à distribuer
Air Panic de Bob Misiorowski, dont le film s'ouvre sur la destruction d'une tour par un Boeing, avec un terroriste arabe à son bord. La paranoïa est telle, que les scénaristes sont alors arrêtés et interrogés par le F.B.I pendant plus d'une semaine ! Le producteur Danny Dimbort (transfuge de la Cannon... et ça se voit !) assure que le film ne sera jamais exploité sur le territoire américain,
"par respect pour les familles".
Un mois plus tard, Nu Image tente de se faire pardonner en mettant en chantier une série de films ultra-patriotiques, atteinte de chucknorrissite aïgue (1). Réunnis sous la bannière "American Heros", les titres sonnent comme de bons vieux films de guerre italo-américano-philippins des années Reagan :
Special Force U.S.A.,
Marines,
Submarines (c'est bien...),
Air Marshal et
Air Strike (... c'est pas difficile à retenir.).
Air Strike
Réalisateur : David Worth
Année : 2002
Nationalité: Américaine
Genre : Talents portés disparus (catégorie Guerre)
Acteurs Principaux : Robert Rusler, Atanas Srebrev, Kitodar Todorov
UN FILM D'AUTEUR:
En Europe de l'Est, un puissant cartel de la drogue menace de prendre le pouvoir sur une ancienne république du bloc communiste et de déstabiliser la région. Une escadrille d'hélicoptères de combat intervient, pilotés par des rangers qui, vaincus une fois, lancent une contre-offensive avec une femme dans leurs rangs.
Le réalisateur David Worth (déjà sur la série des
Shark Attack, un type plein d'ambitions quoi !) bouffe à tous les rateliers et tente de nous faire un remake de
Top Gun et des
Rambo. Malheureusement pour lui, le résultat est plus proche de leurs parodies
Hot Shots ! et
Hot Shots ! 2.
"- Les gars ! Vous êtes l'élite de la nation !
- Il a dit quoi ?
- Il dit qu'on est l'hélice de la nation.
-Ben ça tombe bien, on pilote des hélicoptères !"
Il n'y a qu'à voir ces têtes de vainqueur; tout est dit.
Les filtres sont également d'usage, que ce soit pour les scènes romantiques...
"- J'adore ces moments intimes.
- Charlie, je crois que Michou est en train de nous mater."
... ou les nuits américaines.
"J'ai bien fait de prendre ma crème solaire, moi."
En parlant de romantisme, le réalisateur profite de deux scènes de boîte de nuit pour nous refourguer des "plans-cul", histoire d'appater le chalan, comme à la belle époque. Attention, comme tous les grands artistes, David Worth a ses références. Bon, lui c'est plus Michael Bay que Cimino. Pour preuve, ces plans en contre-plongée sous les jupes à la manière du plan-séquence du night-club dans
Bad Boys II.
Et voici notre grand jeu : "culotte ou pas culotte ?"
Comme evoqué précédemment, David Worth est un auteur. Donc il a une trademark. Par exemple, celle de John Woo, ce sont les flingues croisés. David, lui, c'est le stock-shot qui sent des pieds. Il sait qu'il va nous décevoir à faire un film avec que des images à lui. Alors, il décide de faire un gros clin d'oeil à ses fans quand il nous sort, au moment de l'envoi d'un missile par hélicoptère (et bien que le film regorge de tirs de missile en 3D), un plan qui par ses couleurs baveuses et son grain très prononcé, doit bien daté des années 70 !!! Bien joué David !
Le chef du méchant, dans son imitation de Jean-Marie Bigard : "Alors, à c'moment là... le gars..."
Les images trafiquées, ce sont aussi les effets spéciaux. La 3D est désastreuse, les textures sont sommaires et les hélicos sont très mal intégrés. Du Nu Image dans toute sa splendeur.
"Toys R'Us vous propose son nouveau jouet : Mako-3D. Toi aussi, chez toi, fabrique de superbes effets-spéciaux pour les plus grandes sociétés de productions américaines. ILM, prends garde à toi !"
LA MAIN SUR LE COEUR :
Bien entendu, le patriotisme est de mise : on fout des drapeaux américains dès qu'on peut, on se met en valeur soi-même ou on se fait congratuler par les ennemis, caricaturés à l'extrême. Témoin cette scène hallucinante où un soldat pétrovien (?) éméché (bien-sûr !) provoque un soldat américain, en vain. Finalement, tout est bien qui finit bien et l'Américain laisse la vie sauve au pauvre bougre (ils sont sympas les Américains quand-même !).
Eh, tu t'es vu Cantat bu ?
Comme pour le remercier, il se met à chanter "God Bless America" que reprennent en choeur les soldats U.S. !!!
Et comme par hasard, quand il y a un attentat dans cette même boîte de nuit, les héros s'en sortent indemnes alors que les rôles secondaires et les figurants sont tous morts !
Les dialogues sont également de la partie afin de nous rappeler que les Américains ont le sens de l'honneur et du sacrifice. Aussi, tel Burt le super-flic, ils sont là pour faire respecter la loi... mais en même temps, ils n'en n'ont rien à foutre de la loi :
* A propos de la nouvelle mission :
"- L'Amérique va agir comme une voleuse !
- Si on le faisait au grand jour, on se mettrait à dos le monde entier."
* L'otage doit signer le document de sa rançon :
"Je ne signerais pas. Ce serait un déshonneur pour mon pays, mon Dieu et mes ancêtres."
* Durant l'enterrement d'un soldat mort au combat :
"Je fais ce que j'aime faire : servir mon pays."
" - Chef, vous êtes sûr que c'était une bonne idée d'installer la base en plein milieu d'un terrain de basket ?
- Réflechissez soldat ! C'est une tactique de diversion. En nous voyant jouer au basket, l'ennemi ne se doutera jamais que nous sommes américains !
-Ah."
D'ailleurs, les dialogues habituellement si pauvres dans les productions Nu Image sont ici un régal, tant ils apparaissent comme les pires clichés du genre : Le méchant de service parle de
"ces putains de Yankees" et après en avoir tué un balance
"Et un impérialiste de moins !". A ce niveau, les doubleurs à l'accent soviétique sont un modèle de finesse de jeu
Le méchant charismatique que n'aurait pas renié un Pallardy ou un Godfrey Ho au sommet de son art.
Le chef du méchant charismatique que n'aurait pas renié un Pallardy ou un Godfrey Ho au sommet de son art.
Chez les gentils, ce n'est guère mieux :
Au cours d'une bataille, on a droit au fameux
"Yyyyyyyyyyhaaaaaaaaaa !!!" et
"Génial !!", jouissifs d'une jeune recrue s'amusant à tirer sur tout ce qui peut exploser. S'ensuivent des
"Prends-ça dans la gueule, enfoiré !",
"On se croirait au tir au pigeon !",
"Pan ! T'es mort.",
"Va en enfer, sale terroriste tueur d'enfants !" et
"C'est cadeau !" de circonstance. En bref : la guerre, c'est super.
" -Qu'est-ce qu'y a comme mouches ici !
- T'inquiètes, Roger a formé une équipe qui s'en occupe.
- Wouah ! Quel courage !"
Le héros, sur le point de faire exploser une rangée de véhicules militaires :
"[...] ça va foutre le feu, comme disent les rappeurs !"
Un soldat lit... "Les Deux Tours" !!! On appelle ça le syndrôme post-11 Septembre.
Les conversations entre le héros et la jeune femme ne sont pas en reste :
*
"- Alors ça, c'est un bon tir !
- Je suis 100 % d'accord !"
* La jeune femme vient d'échouer dans sa mission, le héros la console... tel un Georges Abitbol et sa classe américaine de rigueur :
"- Vous n'avez pas à vous en vouloir. La première fois que je suis parti en mission, j'ai failli me chier dessus.
- Vous dîtes ça pour me remonter le moral !"
* Le héros s'échappe dans les bois et parle à la jeune femme avec son talkie-walkie :
"Je vous recontacterais dès que j'aurais fini de tirer dans tous les coins."
ou
"J'aime quand une femme me donne rendez-vous dans les bois, ça m'émoustille."
* Le héros vient de sauver la jeune femme :
"- Comment ça va ?
- Ben, comme un lundi !"
* Le héros kidnappé par les méchants :
"Vous voulez que je vous dise ? Ma soeur cogne plus fort que ça !"
[...]
"Vous n'êtes qu'un sale gang de bas étage, des putains d'enfoirés qui font chier la terre entière... et encore je reste poli !" suivi de
"Si vous voulez me causer à moi, essayez plutôt de causer à mes burnes !"
Le méchant va voir son chef :
"Il m'a dit "burnes". C'est quoi les burnes ?". Et son chef de répliquer :
"Quand j'en aurais fini avec lui, même le Viagra ne pourra plus l'aider !"
LE COEUR SUR LA MAIN :
De plus, on est progressiste (mais pas trop) chez Nu Image. L'héroïne dit elle-même :
"Je suis une femme et fière de l'être."
"Avant de partir au combat, je n'oublie jamais mon rouge à lèvres *biiiiip*. Ainsi, je me sens plus femme que jamais. C'est important pour moi."
Quand on l'embête, elle clame :
"Je sais manier les armes depuis l'âge de 10 ans."
Quand elle commande une boisson au bar, c'est
"Téquila ! Laissez la bouteille."
N'empêche qu'elle faillit à sa tâche par trois fois, et que c'est systématiquement l'homme qui la sort de son bourbier. Faut pas déconner non plus...
CON-CLUSION :
La fin du film est éloquente, pour ceux qui n'auraient pas encore compris le message. En effet, après que le héros ait éradiqué la menace (d'une manière un peu gore), les soldats entonnent le cri de la victoire :
"U.S.A., U.S.A., U.S.A. !",
"On est les meilleurs !".
Fuck the system ! Anarchy in the U.K. !
Constipation passagère ? Durogesic vous soigne en moins de 72 heures.
Franchement, on ne pensait pas revoir un film de cette trempe depuis la pré-retraite de Chuck Norris. Pas étonnant finalement, de la part de producteurs ayant travaillé pour la Cannon. Ce film aurait eu tout à fait sa place à côté de la série des
Delta Force et des
Portés Disparus. Bien mieux rythmé (mais plus fauché) que ses prédecesseurs et bourré de surprises (cascade avec mannequin en mousse + cascadeur avec casque de moto dans une Jeep dans le même plan; figurants regardant la caméra etc...), ce film constitue un spectacle nanar de première qualité (on ne s'ennuie pas une minute) aussi bien pour les initiés que pour les débutants. Je laisse le mot de la fin au chef des gentils :
" - J'aime bien quand un plan se déroule sans accrocs !"
(1) La chucknorrissite aïgue est une maladie faisant perdre toute notion de nuances à l'individu concerné et développe le manichéisme primaire (le Bien étant lui ou son semblable, et le Mal étant l'étranger). Il en résulte une apparition de racisme et de xénophobie chez le corps infecté ainsi qu'une tendance à l'ultra-libéralisme et l'ultra-patrotisme. A moyen terme, le cerveau se liquéfie et il y a risque de claquage de neurones si le sujet est exposé à la réflexion.
Note : 3,5/5