Edit folet Cardona René Sr, René Jr, René III @ (
John Nada)
Biographie Réalisateurs Nanars : Cardona, Cardona y Cardona !
Un René Cardona peut en cacher deux autres ! Comme le dit le polémiste Alain Soral (hé Alain, va lire la chronique de Diesel, y a ta sœur Agnès qui joue dedans), «
le cinéma est une grande famille, avec le côté mafia méditerranéenne que sous-entend le mot ». Ainsi, depuis plus d’un demi-siècle déjà, le clan Cardona impose son blason dans le paysage cinématographique mexicain. Il y aurait évidemment beaucoup à dire sur cette dynastie, impliquée en tout dans plusieurs centaines de films à des postes divers. A défaut de frôler l’exhaustivité, cette biographie tripartite devrait néanmoins permettre de faire découvrir ou mieux connaître cette famille qui, des années durant, s’est efforcée avec un soin jaloux de conserver son monopole sur le cartel du nanar.
La lignée commence avec René Cardona (La Havane, 1906 - Mexico City, 1988) – parfois appelé Cardona Sr, ou René « le vétéran » Cardona – qui débute sa carrière comme acteur au début des années 30 avant de passer à la réalisation. Tout en continuant à jouer dans ses propres métrages, ceux de son fils ou ceux de simples confrères, il aurait réalisé (sans parler de ceux qu’il a écrits et produits) quelques 141 films et une série télé entre 1937 et 1982 selon la filmographie que lui attribue IMDB et qu’on peut raisonnablement soupçonner d’être encore loin du compte. Plusieurs de ces productions à très faible budget sont sorties en France, notamment quelques-unes interprétées par le catcheur Santo « el Enmascarado de Plata » (à ce sujet, je vous renvois poliment vers la chronique de «
Santo en el Tesoro de Drácula », nanar de haute volée mis en scène par pépé Cardona en 1969). René « le patriarche » Cardona a également été le réalisateur associé du grand Albert Lewin pour « The Living Idol », en 1955.
« Santo et la Vengeance de la Momie » (1971)
Parmi cette œuvre surabondante, on peut citer le « Santa Claus » qu’il signe en 1959. Totalement inédit en France, ce film a été diffusé par Arte voici quelques années, une programmation quasi miraculeuse qui est malheureusement passée inaperçue. Il s'agit pourtant d’un nanar de taille, « Santa Claus » s’avérant certes très mauvais (comme à peu près tout ce qu'a fait Cardona Sr, sans vouloir être mauvaise langue) mais délicieusement kitsch et merveilleusement dingue, le clou de ce spectacle destiné au public en bas âge étant un combat cocasse entre le Père Noël et un vilain démon cornu qu'on se serait plutôt attendu à trouver dans une aventure de Santo. Une séquence au sommet !
En 1976, il est encore l’auteur de « Los Supervivientes de los Andes » (« Survivre » en France), un (médiocre) film sur les membres d’une équipe de rugby dont l’avion s’écrase au sommet des Andes et dont les rescapés, pour survivre, se voient contraints de s’adonner à l’anthropophagie. « Los Supervivientes de los Andes », qui sera remaké des années plus tard par les Américains, base son histoire sur des faits bien réels ; un état de fait qui pourrait expliquer pourquoi certains critiques l’ont attribué – à tort – à son fils, René Cardona Jr (1939, Mexico City – id. 2003). En effet, Junior se tourne souvent vers des sujets contemporains, dont il aime à souligner les aspects morbides ou crapuleux. Ainsi en est-il de « El Valle de los Miserables » (« La Vallée Sauvage », 1974) ou « Guyana, el Crimen del Siglo » (« Guyana, la Secte de l’Enfer », 1980), ce dernier inspiré par l’authentique suicide collectif des membres d’une secte en Guyane, et bénéficiant par ailleurs d’un casting étonnant : Stuart Whitman en prédicateur fou, John Ireland, Joseph Cotten, Bradford Dillman et Yvonne de Carlo.
Mort le 5 février dernier d’un cancer (comme son père), Cardona Jr avait débuté comme acteur dès 1948. Devenu réalisateur à partir de 1963, il aurait (encore selon IMDB) signé 83 films et téléfilms jusqu’en 1999. Par rapport aux œuvres de son paternel, il s’agissait de véritables superproductions, flirtant souvent avec le fantastique. Il a réalisé au moins un chef-d’œuvre, l’hallucinant « La Noche de los Mil Gatos » (« La Nuit des Mille Chats », 1972), avec son acteur fétiche Hugo Stiglitz dans le rôle d’un psychopathe qui séduit de belles jeunes femmes pour les donner à manger à ses 1000 chats (là encore, je vous renvois à la
chronique de ce film). A l’époque où le Studio de l’Etoile s’était spécialisé dans le cinéma mexicain, on a aussi pu voir à Paris plusieurs autres de ses forfaits, tels « Tintorera » (aka « Les Dents d’Acier », 1977), un sous « Dents de la Mer » sexy avec Susan George et Hugo Stiglitz, un peu plus sanglant mais surtout beaucoup plus ennuyeux que le film de Spielberg, et « Il Triangolo delle Bermude » (« Le Mystère du Triangle des Bermudes », 1978), avec là encore un casting stupéfiant puisque outre John Huston, Claudine Auger et Marina Vlady on y retrouve bien entendu Hugo Stiglitz mais aussi Miguel Angel Fuentes, l’inoubliable indien de « L’Homme Puma » ! Pour ceux que ce film pourrait intéresser il suffit de le demander à Rico, qui se fera sans doute une joie de vous le céder (bon, autant le dire tout de suite : il s’agit d’un de ces navets lénifiants, absolument irregardables du simple fait qu’il ne s’y passe RIEN). De Cardona Jr, on doit aussi ce curieux « OK Cleopatra » (1970), sans doute une réponse tardive à la comédie « OK Neron » de Mario Soldati, et « El Rey de los Gorilas » (« Le Gorille et l’Enfant », 1976), version libertaire du mythe de Tarzan qui mériterait amplement d’être redécouverte et réhabilitée si l’on en croit ceux qui l’on vu.
Quand René Junior (« Tintorera », 1977) inspire René Senior (« Mar Asesino », 1979)
En marge de sa foisonnante carrière d’acteur-réalisateur-scénariste-producteur, Cardona Jr a été l’assistant de quelques cinéastes hollywoodiens en tournage au Mexique, notamment Don Siegel pour « Two Mules for Sister Sara » (1969). Sa série de comédies sur les vacanciers (« La Risa en Vacaciones », cinq ou six films entre 1989 et 1994) a battu tous les records d’entrées de l’histoire du cinéma mexicain. Curieusement, IMDB (qui n’est pas à une mauvaise information près) indique qu’il s’agit de téléfilms. En tout cas, au vu de l’œuvre encore inexplorée du bonhomme (comment rester insensible à des titres comme « El Detective Genial » (1965), « SOS Conspiracion Bikini » (1966), « Capulina Contra los Vampiros » (1971) ou « El Tesoro del Amazonas » (1985) ?) on se dit qu’il reste forcément de grosses perles à découvrir, d’autant qu’il a également fait tourner Donald Pleasance, Marisa Mell, Emilio Fernandez, Silvia Pinal etc. Et il en va bien sûr de même pour l’œuvre de Cardona Sr, dont des éléments sont de toute façon parfois attribués à Jr ou le contraire, pour ne rien dire du III qui ne tardera pas à compliquer la situation s'il s'avère un jour aussi prolifique que ses deux prédécesseurs. Dernier né (?) du clan, René Cardona III (1963 ?, Mexico City) a débuté comme acteur en 1967 (toujours selon IMDB), alors qu’il ne devait pas avoir plus de trois ou quatre ans. Il a évidemment joué de multiples fois dans des films de son père et de son grand-père, et serait parfois crédité sous le nom d’Al Coster. IMDB lui attribue déjà la réalisation de 36 films entre 1988 et 2002 !
Exhumé de la Saison Cinématographique 1971, la critique par Jacques Zimmer d'un film attribué par lui à Cardona Sr, « Sex Monsters » (1969, avec Régine Torne, Joachim Cordero et Hector Lechuga) a de quoi interpellé le lecteur. Descendu en flèche par le journaliste, le résumé du scénario (dément mélange de Frankenstein, de Dr Mabuse en un personnage de « Professeur Orlac » aux prises avec des catcheuses artificielles et humaines, des robots métalliques, le tout confinant de près à l'érotisme le plus débridé) et l’analyse des raisons de ne pas le voir donnent comme d'habitude diablement envie de mettre le grappin dessus ! Voyez-vous, c’est en rédigeant une bio comme celle-ci que je me dis que même en s’imposant un rythme de marathonien, de la pellicule nanarde, il en reste des kilomètres et des kilomètres à se farcir…
John Nada
Chatoyants remerciements à Roger Lahonte, Francis Moury et surtout Pic de la Mirandole pour leurs précieuses informations.
Filmographie :
Les Cardona cumulant les fonctions d’acteur, réalisateur, scénariste, producteur etc., et la liste de leurs méfaits étant pour le moins pléthorique, nous nous contentons pour une fois de vous renvoyer aux filmographies que propose IMDB :
René Cardona
René Cardona Jr
René Cardona III (en casquette, derrière la caméra)