BANGLAR SUPERMANTitre original : Superman
Titre alternatif : Banglar Superman
Réalisateur : Iftekar Jahan
Année : 199?
Pays : Bangladesh
Genre : Kryptonite anti-copyright (
Catégorie : Super-héros)
Durée : 2h11
Acteurs principaux : Danny Sidak, Nuton, Antora
_ "Est-ce une fusée, un oiseau, un avion ?"
_ "Non, c'est un stock-shot !"La contrefaçon, c'est génial !
Et dans le domaine du plagiat, les Bangladais rivalisent sans mal avec les Turcs, les Indiens et les Pakistanais. Après une période de dictature militaire islamique (et toute la pesante censure qui va avec) où sortirent quelques films en noir-et-blanc, l'ouverture démocratique des années 1990 a véritablement marqué le début d'un âge d'or du nanar made in Dhallywood, les réalisateurs locaux repompant sans aucun complexe et avec une créativité réjouissante tous les plus grands succès du box-office hollywoodien et de la pop culture internationale, accommodés à la culture bengalie : Robocop,
King Kong, Robin des Bois, Tarzan, Rambo, Terminator… tout a été passé à la photocopieuse, pour notre plus grand plaisir.
DC outragé, DC martyrisé...Ici, ce sont les deux premiers opus de la saga Superman avec Christopher Reeve qui sont joyeusement pillés avec une sincérité et une naïveté qui mettent du baume au cœur du nanardeur. Vous avez halluciné devant
Turkish Star Wars et ses stock-shots du vrai
Star Wars ? Vous adorerez
Banglar Superman et ses stock-shots volés aux films de Richard Donner et Richard Lester, distillés sans trop en abuser (contrairement au honteux
Superman indien de 1987) en bricolant aussi ses propres effets spéciaux superbement ratés.
Après un générique qui vole à la fois la célébrissime musique de John Williams et le logo du générique du
Superman américain, nous voilà transportés sur le stock-shot de la planète Krypton où les parents du petit Superman (c'est son prénom !) sauvent in extremis leur progéniture en l'envoyant dans un stock-shot de vaisseau spatial direction la Terre, juste avant d'être faits prisonniers par le Banglar Général Zod et ses sbires Banglar Ursa et Banglar Non, tout ce beau monde étant habillé de combinaisons dorées à épaulettes dans un décor digne d'une parodie de Star Trek. Le petit Superman s'écrase dans la campagne du Bangladesh et est recueilli par une famille de Chrétiens dont le papa passait par là dans son 4X4. Devenu un colosse souriant, Superman, rebaptisé Simon par son père adoptif, se transforme régulièrement en "Homme d'acier" à cape et collant en tournant sur lui-même (et en manquant de perdre l'équilibre) pour s'envoler dans les airs et effectuer le taf habituel d'un super-héros, arrêtant un train sur le point de dérailler par ci, tabassant des voyous par là, secourant la veuve et l'orphelin sans se décoiffer.
Banglar Jor-El inculque au petit Superman les règles de l'élégance vestimentaire.
Du carton et du fluo, en veux-tu en voilà !
Atelier coloriage de pellicule.
Le petit Superman fait la démonstration de ses super-pouvoirs et le curé/père de famille (?!) en perd son latin.
Quel crâneur, ce Superman !Jusque là, le film est relativement fidèle à son modèle, sauf qu'ici point de Metropolis, ni de Lex Luthor, ni de kryptonite, ni de Daily Planet, et Banglar Lois Lane n'est pas reporter, elle s'appelle Sheila, c'est une sauvageonne vêtue d'un pagne en feuilles d'arbres, elle vient de l'espace, a été adopté dans son enfance par une tribu de sauvages vivant dans la jungle et possède des super-pouvoirs comme disparaitre/apparaitre dans un FX à la Méliès, tirer des rayons laser gribouillés à même la pellicule et électrocuter tous les hommes qui la touchent (tous sauf Superman bien sûr), ce qui est bien pratique au Bangladesh où la technique de drague "romantique" habituelle semble être le harcèlement de rue. Entre elle et Superman se noue une inévitable romance à coté de la plaque, avec séquences musicales d'un kitsch achevé, Superman poussant la chansonnette en playback et remuant du popotin dans son costume bleu et rouge.
Superman mate en loucedé Banglar Lois en plein show musical.
Loin du binoclard timide et empoté de Metropolis, Banglar Clark Kent est un tombeur irrésistible col ouvert à la BHL.
Une bombinette à fumée sûrement volée à Godfrey Ho.
Qu'est-ce qui est le plus redoutable : les super-pouvoirs de Banglar Lois, ses gouts vestimentaires ou sa déco d'intérieur ?La nanardise se niche à plusieurs niveaux : sur le plan visuel d'abord, avec ses effets spéciaux involontairement comiques. Surimpressions et transparences dignes de
Captain Barbell, rayons laser dessinés au feutre par dessus la pellicule sur un papier calque bien visible, palais de glace en polystyrène et papier alu véritables, stock-shots flous et granuleux où on reconnait bien Christopher Reeve et sa non-ressemblance totale avec son double bengali Danny Sidak, alternances stock-shots/gros plans sur les acteurs bengalis bidonnantes, voilà un spectacle jubilatoire filmé avec un premier degré et une naïveté quasi-enfantine.
Les méchants ne font qu'une bouchée des stock-shots.Mais Superman veille au grain.Des effets spéciaux qui piquent les yeux.Turkish Tarzan refilait toutes ses cascades à Johnny Weissmuller; Banglar Superman quant à lui se fait doubler par Christopher Reeve dès que ça devient trop compliqué pour le réalisateur.On a même droit à du stock-shot de placement produit.Sur le plan sonore, le film nous régale aussi. Outre le thème de John Williams passé une bonne trentaine de fois durant le métrage, on nous balance jusqu'à la nausée la musique de
Pour une poignée de dollars, avec l'ajout d'un chœur scandant
"Souparmène ! Souparmène ! Soupaaaaarmèèèène ! Soupaaaaarmèèèèène !", chaque fois que Superman vole en surimpression, sa cape battant au vent du sèche-cheveux du metteur en scène. Le forumeur ninjator nous a en outre signalé avoir reconnu la musique des
Visiteurs, preuve que la comédie française s'exporte jusqu'au Bangladesh, cocorico ! Pour les bagarres, le réalisateur dispose en tout de deux bruitages. Bruitage 1 : un
"POUF !" à la Turque, utilisé indistinctement pour les coups de poing, coups de pied ou quand un personnage tombe par terre. Bruitage 2 : un bruit de casserole, employé de façon tout aussi indiscriminée en cas de coups de poing, de pied ou de chute. Parfois, le bruiteur utilise les deux en même temps. Toute une ambiance.
Des bandits de bas étage qui serviront d'amuse-bouche à Banglar Superman…
… avant de passer à du super-vilain super-charismatique.
Des sauvages qui jouent tout en retenue et nuance.
Celui-là, je l'adore, c'est mon préféré. Notre camarade Cyborg nous apprend qu'il s'agit d'une prothèse pour tête de klingon (version déguisement d'Halloween).
Niveau tronche de cake, le papa adoptif de Superman n'est pas mal non plus avec sa perruque blonde.Le film est rythmé et compte très peu de longueurs, les scènes de bravoure, bastons pataudes passées en accéléré, scènes comiques lourdingues et effets spéciaux cheaps s'enchainant sans temps mort. Parmi les rebondissements nanars, on retiendra cette scène désopilante où Banglar Lois se transforme en Evil Superwoman et se bat façon Bud Spencer et Terrence Hill contre Superman à coups de troncs d'arbres prédécoupés dans une apothéose de kitsch. Bref, cet "Homme d'acier" survolant les rues de Dacca pour combattre du super-vilain en lycra est un merveilleux nanar à découvrir par tous les amoureux er amoureuses du cinéma absurde qui ont su garder leur âme d'enfant.
Vous reprendrez bien une bonne louche de blue screen foireux pour la route ?Note : 3,75/5
Cote de rareté : 7) Jamais sortiAlors, les films bangladais sont toujours extrêmement coton à trouver sur quelque support que ce soit et il existe très peu d'infos disponibles sur ce
Banglar Superman. La seule affiche trouvée sur le net (celle en en-tête de la chronique) est un montage rebaptisé très officieusement
Banglaman. L'ayant droit du film l'a cependant
mis en ligne sur YouTube afin de faire profiter le monde entier de ce trésor du patrimoine dhallywoodien.