Bonjour. En attendant que je me décide à finir ma bio de Brent Huff, voilà la chro d'un petit nanar sympathique dont Jeff Hersson avait parlé dans le
forum général. Je vous souhaite une agréable lecture, en espérant que la chro vous plaise.
-_-
SUBMERSIONTitre original : Submerged
Titres alternatifs : Crash dans l'océan, Péril en haute mer
Réalisateur : Fred Olen Ray (sous son pseudo fétiche Ed Raymond)
Année : 2000
Pays : États-Unis
Genre : J'ai le cerveau du fond qui baigne... (
Catégorie : Pur et dur)
Durée : 1h35
Acteurs principaux : Fred Williamson, Brent Huff, Maxwell Caulfield, Tim Thomerson, Coolio, Nicole Eggert, Dennis Weaver, Hannes Jaenicke, Yvette Nipar, Meredith Hunt, Stacey Travis
Comme l'érudit Plissken le soulignait dans sa bio de
Fred Olen Ray, il n'est pas si facile que ça de dénicher du vrai gros nanar qui tache dans la filmo de ce metteur en scène. Certains créneaux sont notamment à éviter, comme la série de téléfilms catastrophes qu'il tourne avec régularité depuis le début des années 2000 pour les chaines du câble à la recherche de bouche-trous pas chers pour leurs grilles de programmes. Des produits ultra-calibrés aux titres ronflants et interchangeables (
"Catastrophe en plein ciel", "Turbulences en plein vol", etc) à base d'ouragan nucléaire et de détournements d'avions, avec dix minutes d'action téléphonée et de FX en images de synthèse toutes pourries et une heure vingt de blablatage interminable pour donner des sensations fortes aux retraités et aux ménagères les après-midi en semaine, ou bien pour servir de tisanes aux insomniaques en troisième partie de soirée sur la TNT. Ce
"Submersion" alias
"Crash dans l'océan" alias
"Péril en haute mer" ne s'annonçait donc pas particulièrement folichon. Que nenni ! Ce film se révèle au contraire un nanar d'une débilité absolument réjouissante !
Fred Olen Ray est un gars dont on se dit souvent qu'il aurait le potentiel pour faire plus de nanars, mais qui la plupart du temps reste timidement cantonné dans le registre de la
série B ou
Z au mieux potable, au pire navetteuse. Mais j'aime autant vous dire que quand le bonhomme se décide à faire du nanar, c'est du solide. Avec ce
"Submersion", Fred nous livre une véritable parodie involontaire de deux de ses genres de prédilection (genres assez voisins d'ailleurs) à savoir le film catastrophe et le film d'action bourrin, obtenant un résultat proche d'un mélange de
"Y a-t-il un pilote dans l'avion ?" et du diptyque
"Hot Shots !". Touché par la grâce, le réalisateur enfile les idioties au rythme soutenu d'une intrigue d'espionnage clichetonesque à souhait.
Du salut militaire sur fond de musique patriotique !
De la justice expéditive au bazooka sur une route de banlieue pavillonnaire californienne !
Des sbires terroristes septuagénaires !
Du catfight en talons hauts ! Que du bon...Le
Mac Guffin du jour est le Thunder Strike, un super-
ordinateur commandant un super-satellite à rayon laser financé par un milliardaire texan à chapeau de cowboy (Dennis Weaver, le héros du
"Duel" de Spielberg et de plein de séries télé). Comme nous l'apprend le dialogue,
"cette arme suprême a été créée par l'Homme et par Dieu comme si Dieu en personne nous avait insufflé l'objectif de faire de Thunder Strike l'arme suprême; son faisceau peut éradiquer une ville entière en quelques secondes". Mais le porte-parole du milliardaire texan nous affirme que
"cette arme n'est pas destinée à tuer des hommes, elle a été créée dans le but d'éradiquer la guerre". Nous voilà rassurés. Évidemment, comme toutes les armes absolues au pouvoir de destruction sans limite créées à des fins pacifistes, Thunder Strike suscite la convoitise de méchants très méchants qui vont tout faire pour se l'approprier. En l'occurrence, les méchants du jour sont un trafiquant d'armes international du nom de Owen Cantrell (ce bon vieux Tim Thomerson), sa
sexy bitch de service en tenue noire moulante, un docteur/informaticien sans scrupules et le scientifique en charge du projet Thunder Strike (le fabuleux Coolio), lequel s'est fait passer pour mort en faisant exploser le stock-shot de son laboratoire. L'appât du gain motive cette sale engeance qui compte bien revendre le Thunder Strike au plus offrant des ennemis du Monde Libre. Pour s'emparer de
"l'arme suprême", ils ont un plan : détourner l'avion transportant le Thunder Strike vers Hawaï, le faire s'écraser dans l'océan et envoyer une équipe d'hommes-grenouilles récupérer l'engin, sans qu'on comprenne trop si le plouf dans l'océan était réellement prévu au programme ou pas, le scénario n'étant pas très clair sur ce point. Pour les passagers du Boeing, le cauchemar ne fait que commencer... (rôôh, voilà que je parle comme une jaquette de nanar !)
Des méchants enjoués.
Coolio, méga-star du rap et de la cuisine, et occasionnellement valeur sûre du cinéma navrant ("Ptérodactyles", "Batman et Robin", "Gangland 2010", "Dracula 3000",...).
L'arme suprême en pleine démonstration pacifiste.
La version terrestre du Thunder Strike. "Le propriétaire de cette arme contrôlera le monde, que ça lui plaise ou non" précise le méchant.
Vous voyez la petite lumière rouge sur l'aile droite ? Et celle sur l'aile gauche ? Eh ben nous, on vole juste au milieu, comme ça on peut pas se perdre !
Les Navy Seals sont sur le coup. Ça rigole pas.
Le quota hélicos + explosions de tout film d'action digne de ce nom est rempli. Les fans sont rassurés.Là, en voyant les caps, vous vous dites
"Waouh ! Des explosions de building, du crash de Boeing, un porte-avions, des flottilles d'hélicoptère, une vue spatiale de la Terre... Fred Olen Ray a du exploser le budget FX !" Ben non ! Toutes les séquences un peu spectaculaires sont des stock-shots honteusement volés par scènes entières au troisième opus de la série des
"Airport",
"Les Naufragés du 747" de Jerry Jameson (plus une scène de poursuite en bagnoles piquée à
"La Mutante" de Roger Donaldson) ! Fred et son scénariste ont même été jusqu'à baptiser Stevens le milliardaire propriétaire de l'avion pour pouvoir utiliser les plans de
"Airport '77" où le mot Stevens apparaissait à l'écran ! A l'instar de son copain Jim Wynorski, Fredo est coutumier du pillage de blockbuster (aaah, les innombrables stock-shots décomplexés de
"Terminator 2" et
"Universal Soldier" dans
"Critical Mass" alias
"Alerte Finale"...). Plus fort que
Bruno Mattei et Cetin Inanç ! Reconnaissons que les stock-shots sont assez adroitement intégrés au montage (le format d'image est semblable), mais ça n'enlève rien à l'extrême nanardise de la pratique et au fait que ce stock-footage de gueule qui emmerde le copyright et fait la nique aux grosses prod' occupe en tout environ dix bonnes minutes du métrage final. Une fois qu'on a repéré le truc, le visionnage en acquiert une toute autre saveur.
Petit intermède téléphonique (j'avais besoin d'une ou deux caps pour meubler entre mes deux paragraphes).Pour sauver les gentils passagers et la Nation de ce péril stock-shotesque, il fallait un vrai
héros qui soit à la fois cool et blagueur, et qui ait un sens du devoir inébranlable. Histoire de gâter les nanardeurs, Fred Olen Ray nous offre non pas un mais deux héros nanars anti-charismatiques à souhait. La CIA a en effet mis ses deux meilleurs agents sur le coup : le premier, qui se charge de la partie "catastrophe", c'est Maxwell Caulfield, second couteau télévisuel et héros méconnu de
"Grease 2" (
"c'est sympa") et de
"Animal Instincts", un plagiat érotico-soft de
"Basic Instinct" avec
Jan-Michael Vincent et Shannon Whirry en sosie de Sharon Stone. Avec sa moustache et son faciès béat à la
Reb Brown, Maxwell est ici un acteur monolithique au possible, dont l'inexistence et l'inexpressivité totale n'ont d'égale que l'énorme sympathie qu'il inspire. Pour incarner ce héros au cœur blessé qui ne vit plus que pour son boulot depuis la mort tragique de sa femme et de son enfant, Maxwell se contente de rester coincé sur une expression de cocker à la
Christopher Mitchum avec un petit air ahuri en plus, semblant en permanence se demander ce qu'il fout là, et se contentant d'attendre que les évènements passent, son personnage ne fichant pas grand chose à part dire quelques paroles rassurantes pour empêcher les passagers du 747 de céder à la panique (bon, OK, y a bien une scène où il essaye de tenir en joue un sbire de bas étage avec son flingue, mais il se fait latter comme un bleu par le sbire en question). Pour celles et ceux qui s'attendaient à un John McLane-like, c'est loupé. Un vrai héros de film d'action à la ramasse, quoi.
Maxwell Caulfield, LA révélation du film. Cet homme est en train d'évoquer la mort atroce de sa femme et de son enfant. Ou alors peut-être bien qu'il est en train de blaguer avec son coéquipier, je sais plus.
Notre héros lors de la happy-end. Vous voyez ce visage ? C'est le visage du bonheur. Ce type ne cache même pas sa joie.
_ Alors mon pote, ça va mieux ?
_ Ah purée oui ! Qu'est-ce que ça vous déride une bonne bastos dans l'épaule...L'autre héros du film, c'est ce bon vieux Brent Huff, qui, après avoir cassé du Viêt chez
Bruno Mattei et défoncé de l'Amazone chez Just Jaeckin, va cette fois dessouder du terroriste pour ce qui constitue la partie "action bourrine" du film, Fred Olen Ray nous ayant pondu une œuvre aux allures de
deux en un sans le vouloir. Et lorsqu'il s'agit de casser du terroriste, le beau Brent est un champion puisqu'il abat les sbires tantôt sans même les avoir regardé tantôt en visant trois mètres à coté (alors qu'il les vise à bout portant). Trop fort le mec ! Les gunfights sont d'ailleurs un des points forts en nanardise du film, avec leurs figurants qui en font des caisses dans les convulsions avec un décalage de plusieurs secondes par rapport aux coups de feu et sans que leur corps présente le moindre impact de balle. Et pour apporter une touche d'humour vaudevillesque histoire de se détendre entre deux déchainements de violence clownesques, Brent l'agent de la CIA macho entre en rivalité avec l'agente de l'ATF Yvette Nipar, et tous deux nous rejouent avec une conviction imperturbable la pièce éculée du futur couple qui se drague tout en se taquinant gentiment pour savoir qui est le meilleur et lequel des deux mettra la main sur Cantrell et le Thunder Strike en premier. L'implication sincère mêlée de cabotinage des acteurs apporte un coefficient sympathie élevé à leurs personnages, lesquels sont d'ailleurs tellement stéréotypés qu'ils en deviennent paradoxalement attachants.
Brent Huff et Yvette Nipar en plein concours de slip.
C'est moi qu'ai le plus gros calibre, trésor !
En plein dans le mille, même en visant comme un aveugle ! Qu'est-ce qu'il est fort ce Brent Huff !
Un garde compétent qui respire l'intelligence.
Les forces spéciales d'intervention anti-terroriste au grand complet. Ces gusses sont des pros de l'infiltration en territoire ennemi (territoire ennemi = le jardin de Fred Olen Ray).Car l'une des caractéristiques du film est sa capacité à enquiller les clichés jusqu'à l'overdose. Les
direct-to-video de ce genre brillent rarement par leur originalité, mais ici chaque personnage, chaque situation, chaque dialogue et chaque ton de voix des doubleurs est tellement téléphoné qu'on touche véritablement au sublime et le métrage ressemble à une caricature de tous les poncifs du cinéma à grand spectacle hollywoodien. Quelles sont les chances de survie d'un homme de main qui déclare aux méchants vouloir être payé trois fois plus cher que la somme convenue une fois son boulot terminé ? La fille du milliardaire texan va-t-elle pouvoir vivre son grand amour avec l'assistant de son père malgré le fait que celui-ci soit déjà marié ? L'hôtesse de l'air va-t-elle se réconcilier avec la fille du milliardaire ? Brent Huff réussira-t-il à stopper la mise à feu du Thunder Strike avant la fin du compte à rebours en pianotant à une vitesse effrénée sur les touches du clavier du super-ordinateur, comme un nerd nanar des années 90 ? Le veuf inconsolable Maxwell Caulfield va-t-il retrouver le gout de vivre au terme de cette périlleuse aventure ? Oh mais tiens, il y a justement parmi les passagers une jolie femme enceinte qui semble ne pas le laisser insensible et qui est prise de contractions, se pourrait-il que...?
C'est pas possible, elle attend des quadruplés ou quoi ?!
On l'avait vraiment pas vu venir...Les dialogues quant à eux atteignent des sommets de finesse :
"Je peux vous inviter à diner ? Mais ne vous inquiétez pas, je ne couche pas. Je n'ai pas le temps pour le sexe."
"Je me demande si vous êtes aussi bonne au lit que vous l'êtes au volant."
_ "Vous avez l'air tendu aujourd'hui."
_ "Oh, c'est la vieillesse ! L'hypertension ! La solitude du tueur..."Un docteur s'adressant à la femme enceinte :
"Juste un petit conseil : après l'accouchement, retrouvez votre ligne !"Un autre médecin à cette même femme enceinte :
"Et surtout, n'oubliez pas de respirer !"Le tout servi par des doubleurs hyper-motivés...
La belle Nicole Eggert, ex-enfant star et ex-vedette de sitcoms, célèbre pour son rôle de sauveteuse dans "Alerte à Malibu", et à l'occasion reine de la série B (elle joua la fille de Ken Wahl dans le film d'action tout mou "Oméga Syndrome" et se fit pédophiliser dans "Kinjite, sujets tabous" avec Charles Bronson, puis tint la vedette dans quelques thrillers érotiques ou des comédies 80's pour teenagers en duo avec Corey Haim, ainsi qu'un alléchant "The Demolitionist" où elle incarne un Robocop féminin). Elle tourna à plusieurs reprises pour Fred Olen Ray et fut essentiellement active pour le petit écran.
Hannes Jaenicke, acteur allemand dont le rythme de tournage intensif, tant en Amérique qu'en Europe, l'amena plusieurs fois à croiser la caméra de Fred Olen Ray ou de son compère Jim Wynorski. Accessoirement, il ressemble à un gars qui m'avait tabassé à l'école primaire.
Un bon film catastrophe, c'est avant tout des acteurs en mode "tension dramatique maximale".Les comédiens, plutôt bons dans l'ensemble, y croient tous à donf et mettent tout leur professionnalisme au service du suspense en mousse qu'accentue à chaque instant la musique pompière souvent désopilante des frères David et Eric Wurst (compositeurs attitrés des
DTV du père Fred Olen Ray). Mais dans le lot, il y en a un qui se démène encore plus que les autres pour nous faire haleter, transpirer, recroqueviller les orteils et agripper fébrilement la main de notre voisin devant notre écran.
Fred Williamson, alias "Fredo la classe" pour les intimes, donne tout ce qu'il a pour faire monter la tension dramatique au maximum, jouant avec une conviction absolue un officier de la Navy évoquant beaucoup un agent d'Interpol de 2 en 1, donnant des ordres par téléphone, pestant dans son coin contre la fatalité et contre les embuches, et trépignant d'impatience devant la lenteur de l'opération de sauvetage. Le plus beau étant de le voir s'exciter tout seul sur sa passerelle en criant
"Sortez-moi cette avion !" ou demander à l'avion lui-même de remonter à la surface avec un rictus d'angoisse, tandis que le montage alterne avec des plans piqués aux
"Naufragés du 747" et un accouchement prématuré coaché par un toubib motivé jamais à cours d'encouragements. Dans le registre de la guest-star venue
cachetonner dans une poignée de scènes de dialogues, Fred atteint le pur génie, transformant chacune de ses apparitions en petit moment de magie.
Un degré d'implication et une classe qui forcent le respect.Gros délire bordélique camouflé en
direct-to-video/téléfilm catastrophe de base,
"Crash dans l'océan" alias
"Submersion" aligne les scènes crétines jusqu'à un assaut final bien ringard avec son commando avançant en plein jour dans la propriété du méchant sans se faire repérer (mention spéciale au garde sourd et aveugle qui déclare
"Rien en vue !" dans son walkie-talkie). Même s'il reste un nanar mineur, le film réussit à transcender le cahier des charges par sa débilité ambiante et son total premier degré désarmant d'innocence, ce qui le hisse sans peine au dessus du tout venant du genre.
Note : 2,75/5
Cote de rareté : 2/Trouvable.Si vous loupez l'une de ses diffusions télé sous les titres
"Péril en haute mer" ou
"Crash dans l'océan", vous trouverez avec un peu de bol le DVD du film sorti chez l'éditeur FIP pour un euro dans un dépôt-vente ou un cash quelconque. Le film est parfois vendu en duo avec le direct-to-video catastrophe
"Cyclone" (aka
"Twister II : Extrême Tornado") de Harris Done avec Luke Perry et Martin Sheen. DVD pas trop basique pour ce genre de film, qui contient en dehors des chapitres, de la VF et de la VOST, la bande-annonce originale, des biographies plutôt complètes de Fred Olen Ray, Coolio, Maxwell Caulfield, Brent Huff, Fred Williamson et Nicole Eggert, ainsi qu'un quizz sur
"les détournements aériens au cinéma".