DEADLY SPYGAMES
Titre original : Deadly Spygames
Réalisateur : Jack M. Sell
Année : 1989
Nationalité : Etats-Unis
Genre : L'espion qui s'aimait (
Catégorie : Espionnage)
Durée : 1h25
Acteurs principaux : Troy Donahue, Tippi Hedren, Jack M. Sell, Adrienne Richmond

Dans les nanars, les aspects les plus anodins de la cinématographie, comme le générique d'un film, peuvent receler des trésors de nanardise. Le générique d'ouverture de
Deadly Spygames en est un bon exemple.
Plagiat fauché des fameux génériques stylisés de la saga James Bond (jolies filles, fondus enchaînés, chanson planante, effets de montage évoquant les thèmes du film de façon symbolique...), le générique en question annonce en vedettes Tippi Hedren et Troy Donahue, deux noms connus des cinéphiles que le nanardeur s'attend immédiatement à ne voir totaliser que cinq minutes de présence à l'écran (le nanardeur a de l'instinct pour ces choses). Le deuxième élément qui frappe le nanardeur attentif est la redondance du nom Jack M. Sell, crédité non seulement en vedette à égalité avec les deux has-been précités, mais aussi aux postes de scénariste, producteur, réalisateur et interprète de la chanson-thème kitsch du générique justement. Ce genre d'indices ne laisse guère de doute à l'amateur de daubes, qui réalise avec jubilation qu'il a affaire à un nouveau vanity-project tout entier à la gloire de son créateur, Jack M. Sell.






Huit fois son nom au générique : la marque des grands.Jack M. Sell. Un nom qui n'est pas totalement inconnu du nanarophile averti, puisque le bonhomme a réalisé neuf ans plus tôt une zèderie complètement pétée appelé
Psychotronic Man alias
Bomberman, film atrocement lent mais avec de belles fulgurances nanardes, qui donna naissance aux Etats-Unis au qualificatif "psychotronic", équivalent anglo-saxon du terme "nanar".
Deadly Spygames est le troisième et dernier film de Jack M. Sell, son deuxième étant un film à sketchs parodique nommé
Outtakes, à la réputation d'ineptie également bien établie et dont nous allons reparler plus bas.

Les deux autres forfaits de Jack M. Sell. Le monde n'était pas prêt pour tant de talent.Quel personnage plus adapté à un trip mégalo que de s'attribuer le rôle de James Bond ? Ce n'est sûrement pas ce cher
Andy Bauman qui va donner tort à Jack M. Sell. Sauf que tout le monde n'a pas la classe de Sean Connery et qu'avec son physique poupin, son sourire à la Jimmy Carter et sa coiffure de ringard, Jack a davantage l'air d'un démarcheur en assurances bon à faire du porte-à-porte chez les vieilles dames que d'un super espion super cool et super sexy. D'autant qu'il débute son film par une scène de sexe parmi les plus risibles de la création, donnant des coups de reins au ralenti à une jeune beauté exotique ayant la moitié de son âge, en poussant tout du long des cris de goret indescriptibles. La séquence est censée se dérouler à Hong Kong et la jeune asiatique se révèle vite être une agente chinoise, qui tente d'empoisonner notre héros avec une seringue pendant leur torride coït grand-guignolesque. Mais notre héros n'est autre que Steven Banner, le meilleur des agents de la CIA, il va sans dire. Or, on ne la fait pas à Steven Banner. Sur ce arrive sans prévenir le sémillant François, l'assistant de Steven Banner, qui n'est autre qu'un petit robot rigolo, modèle Omnibot 2000 de chez Tommy, parlant avec un faux accent français pété et une voix shootée à l'hélium. Après avoir fait quelques remarques salaces sur les nénés de la Chinoise, François flingue cette dernière via un canon-gadget intégré dans sa carrosserie. Et d'adresser cette épitaphe à la défunte à poil :
"Oooh, quel gâchis ! Héhéhéhé ! Finalement, monsieur Banner, moi aussi j'ai tiré mon coup ! Bon Dieu, j'adore ce job ! Mouhahahaha!" tandis que son patron Steven Banner lui dit de se magner car il a un avion à prendre. C'est la meilleure scène du film.
Avec les petits éclairs nanars en haut de l'écran : le détail qui tue.

Sex machine.


"Mmh... Oooh, James !"

"Ciel, mon robot !"

Un plan nichon dès l'intro pré-générique : la marque des grands.

L'irrésistible François, hélas absent du reste du film. Un petit robot qui faisait fureur dans les foyers domestiques dans les années 80. Inutile de dire qu'il n'a pas du coûter cher à la production.

Le logo "Special Forces" : le détail trop mignon.


La Chinoise est pétrifiée de surprise à la vue d'un gadget aussi nanar.Devenu la risée du public et de la critique grâce à ce film d'espionnage d'une invraisemblable nullité, Jack M. Sell se défend aujourd'hui en arguant que son film était une parodie (un peu comme Roland Emmerich à propos de
Independance Day). Si l'œuvre possède bien des gags volontaires et un ton assez rigolard, disons que Jack tente plutôt d'émuler à la fois les James Bond très auto-parodiques de Roger Moore et les deux opus reaganiens et plus sérieux de Timothy Dalton. Un mélange très maladroitement illustré par la première mission de Steven Banner, repompe du début de
Octopussy, où notre héros est envoyé à Cuba en compagnie de sa partenaire Jacqueline (Adrienne Richmond, madame Sell à la ville) afin de saboter une station radar, qui n'est autre qu'une vulgaire antenne parabolique toute branlante.
Une pancarte en espagnol et nous voilà à Cuba.

L'antenne télé qui menace le Monde Libre.

Elle fait quand même un peu cheap, la menace communiste.

Le Béaba de l'espionnage, c'est avant tout la discrétion.


"Bon, où est-ce qu'il m'a encore paumé, cet idiot de GPS ?"Steven Banner se sépare alors on ne sait pourquoi de sa coéquipière pour déambuler dans la jungle (enfin, dans un sous-bois quelconque) en se dirigeant à l'aide d'une mini-console de jeu vidéo qui fait "bip-bip". Après avoir posé une bombe sur l'antenne radar parabolique (qui fait aussi "bip-bip"), Banner est encerclé par une bande de communistes ultra-caricaturaux commandés par un général ricanant. Les vilains cocos le tiennent tous en joue avec leurs mitraillettes, mais ne réagissent pas quand Banner allume la mèche d'un bâton de dynamite, fait exploser une tente, sort un flingue de sa chemise et tue le général cubain juste sous leur nez. Après ça devient très confus et Banner se met à tuer tout le monde en faisant des roulé-boulé dans l'herbe. Nous avons alors droit à une scène d'action ahurissante de médiocrité, où explose toute l'incompétence du réalisateur-acteur : ralentis nanars accentuant plutôt qu'ils ne camouflent la maladresse des chorégraphies, empoignades pataudes sur fond de mauvais hard-rock, montage cataclysmique, irréalisme stupéfiant des fusillades, faux-raccords en pagaille, cadrages à l'aveugle, débilité totale des rebondissements, le tout entrecoupé de punchlines nazes de notre super agent secret joufflu... Jack M. Sell nous déverse alors dans la face une pluie de stock-shots bien pourris des archives de l'armée américaine. Steven Banner interpelle par radio les stock-shots en leur disant
"Les gars, rappelez-vous que c'est les années 80, pas la Baie des Cochons !", avant de faire carrément atomiser Cuba à la bombe H, tandis que son supérieur Troy Donahue enrage derrière son micro en tempêtant des
"Banner !!!" ulcérés contre son subordonné tête brûlée. C'est drôle mais c'est aussi très, très con et ça sort un peu de nulle part.




Des soldats castristes plus vrais que nature.

"MOUHAHAHAHAHA !!!"

PAN !

Incapables de réagir au meurtre de leur chef, les communistes sont paralysés par le charisme de Jack M. Sell.

Grâce à son couvercle de poubelle pare-balles, notre héros se protège des rafales de mitrailleuses.

Des stock-shots granuleux viennent prêter main forte à notre héros.Si la première demi-heure était déjà très nanarde, cette première partie demeurait toutefois une resucée relativement cohérente des aventures de l'agent 007. C'est à partir du moment où commence l'intrigue principale que le film sombre dans le plus complet n'importe quoi.
Deadly Spygames est en fait un
2 en 1 dans lequel Jack M. Sell recycle éhontément tout un sketch de son précédent forfait,
Outtakes. Ce sketch est un "pastiche" (je mets des guillemets car il n'y a aucun gag, uniquement des clichés) effroyablement amateur de
Halloween de John Carpenter mais aussi de
Douce nuit, sanglante nuit puisqu'il s'agit d'un slasher à base de Père Noël tueur. Comment diable Jack M. Sell a-t-il réussi à intégrer ces scènes dans un film d'espionnage, me demanderez-vous ? Eh bien, il nous explique que le petit-fils du patron du KGB à Moscou est un tueur en série aux Etats-Unis et que son slasher-movie tout pourri est en fait un snuff-movie (ce qui est absurde vue la manière dont c'est filmé) classé top-secret, que Tippi Hedren projette aux pontes du Pentagone en salle de conférence car il constitue une preuve irréfutable de l'identité du tueur (dont on ne voit pourtant jamais le visage), qui pourrait embarrasser le général russe. Ce dernier charge alors son agent double, la séduisante Kartov, de dérober le film. Steven Banner est le seul à pouvoir récupérer le film et empêcher ainsi la Troisième Guerre mondiale. Comment ce film à base de Père Noël psychopathe pourrait-il déclencher la Troisième Guerre mondiale, me demanderez-vous ? Eh bien, heu, hum... Mais vous en avez de ces questions, vous !

"Allo, camarrrrrade Godfrey ? Nous avons encorrrrrre besoin de tes serrrrrrvices..."









Garbage day!Avec l'incorporation aux forceps de ce found-footage de gueule, le réalisateur/producteur/scénariste/interprète principal/chanteur se met de plus en plus à accumuler les éléments ringards, clichesques et non-sensiques. Les ordinateurs nanars de nationalité russe parlent en anglais à leurs utilisateurs avec une voix robotique juste pour leur dire à voix haute ce qu'il y a d'écrit en anglais sur leur écran. Les combats de kung-fu mettent aux prises des adversaires qui portent leurs coups à vingt centimètres de leurs visages. Steven Banner se téléporte on ne sait comment à bord d'une montgolfière en pleine poursuite avec l'agent Kartov. Au moment le plus inapproprié du récit, Jack M. Sell nous inflige un flashback prétexte à un romantic-montage hallucinant, où il se contente de faire défiler des photos de ses vraies vacances en amoureux avec son épouse Adrienne Richmond, alternés avec une promenade en barque gnian-gnian en images fixes et des stock-shots d'avion Concorde, sur fond de chanson guimauve furieusement 80's. L'incohérence du récit dépasse l'entendement. Le je-m'en-foutisme bat des records.
Revivez les vacances à Marrakech de Jack M. Sell en consultant son album-photo de famille en exclusivité !


La seule scène réussie du film : une séquence de combat sous-marine parmi les requins à la "Opération Tonnerre", dont le réalisme choque au milieu du reste.


Un autre aspect 2 en 1 : Tippi Hedren anime avec le plus grand sérieux une conférence où elle ne se trouve nullement, en apparaissant uniquement en gros plans dans un décor pas du tout raccord. Inutile de préciser que toutes ses scènes ont dû être tournées en une après-midi.

Le seul passage où Tippi Hedren apparait en même temps que les autres comédiens. C'est aussi la seule scène de Troy Donahue.

Troy Donahue se demande comment il est passé de "La ronde de l'aube" et "Le Parrain 2" à des titres comme "Ultime Combat", "Omega Cop", "Shock'em Dead", "Terminal Force", "Ma prof est une extraterrestre", "American Rampage"...En conclusion,
Deadly Spygames est un pur égo-trip sans talent, sans thunes et sans aucun sens, fait par un tâcheron sympathique qui se rêve action-star trop classe pendant une bonne heure de sous-James Bond ringard, et qui décide de rallonger la sauce en recyclant vingt minutes de slasher Z digne du
Sledgehammer de David A. Prior (pour celles et ceux qui connaissent). La roublardise et la maladresse du procédé ont de quoi décontenancer. Quel rapport entre la sécurité nationale et regarder une bande de jeunes faire la fête en fumant des joints dans un appartement, avant de se faire trucider un à un par un maboul cabotin déguisé en Père Noël, sur une musique plagiée de
Vendredi 13 ? On n'a qu'à dire que c'est une licence poétique. Patchwork incohérent mais enthousiaste, ce film incroyablement mauvais serait une vraie purge si sa crétinerie ne le rendait pas aussi amusant et sympathique.







Bonus : un florilège des plus belles têtes de gland du sex-symbol Jack M. Sell.Note : 3,5/5
Cote de rareté : 4 / ExotiqueApparemment, pas de sortie francophone pour cette perle de ringardise cheapo-discount. Les VHS étrangères d'époque se négocient à prix d'or sur le Net, mais un DVD toutes zones américain, édité par "Vandor Studios", c'est à dire par Jack M. Sell lui-même, peut encore se dénicher sur EBay à un prix un peu moins prohibitif. Avec cette accroche toute en modestie :
"Dégage, Bond ! Banner est arrivé !"
On trouve aussi sur Amazon un DVD zone 1 édité par un équivalent américain de Prism, un éditeur escroc appelé "Shadowplay Mod". Il s'agit d'un VHSRip de piètre qualité, emballé sous une jaquette parfaitement mensongère, puisqu'il est vendu sous la jaquette d'un sous-James Bond de 1967 avec un Troy Donahue tout jeunot :
Come Spy With Me. De quoi désappointer les clients lambda, scandalisés d'avoir acheté un direct-to-VHS foireux des années 80 en croyant voir un classique des 60's, mais pour nous, en revanche, c'est une bonne surprise.
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