Vraiment bien aimé, un sympathique nanar savamment distillé dont la saveur se révèle sur la durée.
La nuit du risque n'est pas un réservoir à cuts excentriques (à part les scènes du gamin et celle du méchant trotskiste). Il y a assez peu de scènes provoquant l'hilarité quand elles sont prises indépendamment du film. La nanardise fonctionne ici par effet d'accumulation, certains effets se révélant marrant à posteriori ou par effet de surenchère sur le mode running gag. Par exemple, le manque de conviction de notre journaliste quand elle se lance dans ses diatribes antipoliticiennes prend toute sa saveur sur la durée, quand le personnage prend de l'importance et devient le seul appui de notre beau héros. Et quand elle décide d'écrire elle-même les aveux spontanés de Stéphane (cherchez l'erreur), on se doute que la scène des aveux va valoir son pesant de cacahuètes.
Et c'est le cas. La tirade est vide, se limitant à "j'ai rien fait parce que je vous dit que je n'ai rien fait, c'est donc la preuve que c'est pas moi parce que j'ai été boxeur et que j'avais une réput' de mec régul'". mais comme le dit plus ou moins Christiane "il y a des regards et des intonations qui ne trompent pas". Par ailleurs, on se demande franchement pourquoi elle croit sur parole un gars qui la draguait comme un gros lourd en mode stalker flippant quelques scènes plus tôt. Sérieux, quand on voit que la plupart des ressorts du film reposent sur des tirades à la "je vous le dis les yeux dans les yeux et c'est pour ça que vous devez me croire", on a plus l'impression de mater une adaptation du "Petit manuel du politicien corrompu" qu'un film de fiction...
Après, il y a les scènes qui fonctionnent comme un ensemble, à l'image de cette balade en taxi surréaliste qui s'étire en longueur et où on finit par se dire "tu vas voir qu'en plus, il va pas lui faire payer la course". Et bingo ! Ou il y a encore cette longue course poursuite qui semble vouloir rivaliser avec les meilleurs polars italiens de Sergio Martino et Umberto Lenzi mais qui accumule les fausses notes. Ca commence par la rencontre des antagonistes, jamais explicitée ni justifiée, ça continue avec Stéphane qui met son casque de moto et nous fait espérer quelques secondes une séquence Jackslaterienne à la dégonfle se finissant pour Stéphane à la Francis Huster attaquant un mur de parking à coup de tête...
Puis la scène prend de l'ampleur sans que rien ne fonctionne vraiment. Pour un petit duel mécanique pas trop mal torché, on a droit à une conclusion grotesque (le redoutable trottoir à tonneaux) puis à une poursuite à pied dans les couloirs du métro avec glissade hyper lente le long de l'escalator et petite galipette ridicule qui fait perdre du temps au dessus de la rampe d'escalier pour finir par les fameux petits sauts de cabris pour meubler en attendant que le métro, lancé en retard par le stagiaire de l'assistant réalisateur, n'arrive en gare. Et enfin, la mengeance accidentelle qui est un peu inexplicable vu que le méchant n'est pas en travers des rails (mais après, le design des métros parisiens ne permet peut-être pas à un humain de sortir indemne d'une telle épreuve). Et puis la fuite, et les déclarations limites "je voulais pas lui faire du mal, je voulais lui donner des gâteaux".
Mais c'est là que le film part sérieusement en vrille avec notre héros qui fuit sans qu'on sache trop pourquoi. Pourquoi est-il si sûr qu'il sera condamné sans pouvoir faire entendre sa version des faits? Pourquoi Christiane l'accueille-t-elle chez elle après trois répliques et le laisse seul dans le salon pour aller prendre une douche? C'est quoi cette inséparabilité surprise entre Stéphane et le petit Christophe? Pourquoi fuir la police alors que la confession de Stéphane venait d'être diffusée? Est-on sûr que les flics cherchaient à le tuer? Pourquoi Christophe dit à Stéphane de monter sur le toit pour échapper à la police alors qu'il n'y a pas d'issue? A ce stade, on ne peut plus plaider le plot-hole. Mais la cerise sur le gâteau, c'est sans conteste cette image finale (qui a sans doute directement inspiré Ridley Scott pour Thelma et Louise pour le combo image figée + photo synonyme de bonheur et d'insouciance).
Après le principal souci du film au niveau du scénario restera sans doute le choix d'embaucher un "dialoguiste" qui a droit à son propre carton au générique. Car c'est dans sa volonté de faire dire des phrases à ses comédiens que le film pèche le plus régulièrement. Quand tu entends "Viens là que je t'emballe !" ou "La seule chose que je tire, c'est des boxeurs", tu penses direct à la scène de Tarantino dans Sleep with me (je crois) où il décrypte le soit-disant sous-texte gay dans Top Gun. Et puis quelle idée de donner des monologues aussi longs au gamin...
Bref, un bon petit nanar qui dévoile toute sa saveur sur la durée, parce que sincèrement, le seul élément qui m'a fait marrer indépendamment de l'ensemble, c'est la scène du portrait-robot de Stéphane, où il ressemble à une marionnette des Guignols de Gérard Lanvin. Voir ça avec en contrechamps Stéphane qui essaye de tirer un peu la même tronche boudeuse, ça serait priceless que ça ne m'étonnerait pas.
_________________ Lawrence Woolsey, précédemment connu sous le pseudonyme de deathtripper21...
"Godfrey Ho a beau avoir trouvé des Kickboxeurs américains, le duel entre la mariée et la robe restera LA baston du film." Plissken
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