Le Justicier de New-York
Réalisateur : Michael Winner (un nom prédestiné...)
Année : 1985
Avec : Charles Bronson, Martin Balsam, Gavan O'Herlihy
Genre : Nettoyage au Kärcher (catégorie pur et dur)
Nanarland toujours à la pointe de l’actualité !
Alors que la France se remet tout juste de plusieurs semaines d’émeutes dans les banlieues durant lesquels des milliers de voitures ont été brûlées par des hordes de jeunes délinquants sanguinaires et incontrôlables, sous les yeux d’une police impuissante, la rédaction estime qu’il est de son devoir de présenter son analyse de ces évènements et de s’efforcer d’en tirer des solutions pour éviter que ne se reproduise une crise de cette ampleur. Dans ce but, nous vous proposons aujourd’hui la chronique d’un film qui a tout compris au problème de la délinquance et offre enfin de vraies pistes pour mettre fin à l’insécurité et au surpeuplement dans les quartiers.
Les conclusions de cette enquête sont irréfutables : en banlieue, mieux vaut tirer le premier.
Je ne peux pas regarder un épisode du « Justicier » sans un pincement au cœur. Charles Bronson a joué dans d’innombrables excellents films, mais il n’y a rien à faire. Dans la part de mémoire collective du spectateur lambda, son image est irrémédiablement associée à celle du « vigilante » bas du front et outrancier. Tous passablement nuls à l’exception notable du premier, les films de la série du « Justicier » ne sont pas les seuls du genre dans lesquels Bronson ait tourné, mais ce sont certainement les plus mauvais. Et parmi ceux-là,
Le Justicier de New-York est indiscutablement le plus nanar de tous (même si «
Le Justicier braque les dealers », 4e épisode de la série, remporte la palme du titre le plus crétin).
Le dénommé Rodriguez et son épouse. Il servira plus ou moins de sidekick à Bronson après la mort de cette dernière.
Ce qu’il tient à la main n’est pas du tout une pompe à vélo comme je le pensais au début, mais bien une espèce de fusil à pompe.
Un coup d’œil à IMDB montre que la première suite au "Justicier" a été tournée pas moins de 8 ans après l’original. En fait, c’est la fameuse compagnie Cannon de Golan et Globus qui avait acheté à l’époque le droit de tourner des suite à
Death Wish 1 (le titre américain), produit, lui, par Paramount. Ceci explique la qualité en chute libre de la série, alors même que le réalisateur et l'acteur principal restent les mêmes, le cahier des charges ayant, on peut le supposer, passablement évolué.
Le "Giggler", voleur à l’arrachée à l’air fin et look-alike saisissant de Damian Foster. Les courses-poursuites entre lui et Bronson font penser à une Lada lancée aux trousses de la F1 d’Ayrton Senna.
Vêxé, Kersey finira par l’abattre dans le dos, sous les applaudissements de tout le quartier.
La trame du
Justicier de New-York voit l’architecte Paul Kersey revenir à New-York, justement, la ville qui l’avait vu devenir un justicier urbain ("vigilante" en anglais) plusieurs années plus tôt, et où la police lui avait interdit de remettre les pieds. Las ! Après sa femme assassinée dans le premier film, après sa fille et sa bonne violées et tuées dans le deuxième, c’est son meilleur ami sauvagement agressé qui fournira le prétexte à la croisade de Charles Bronson contre les punks, les loubards, les délinquants et plus généralement les jeunes.
L’insécurité fait littéralement irruption dans la vie d’un couple de retraités paisibles.
Des zones de non-droit livrées à la violence où même la police n’ose plus entrer ! Des hordes de sauvageons prêtes à déferler sur le pays !
En effet, plus que jamais Paul Kersey apparaît dans ce film comme un Justicier "grand-père", limite pantouflard. Le fait que les habitants de l’immeuble qu’il défend cette fois contre la racaille soient tous des retraités contribue beaucoup à cette ambiance d’Inspecteur Harry en charentaises qui se dégage du film. Le scénariste paraît d’ailleurs être parti lui aussi à la retraite anticipée, sans finir son brouillon. Sans rentrer dans les détails (et sans même évoquer le côté outrancier, paranoïaque et sécuritaire du film), on dira que la romance qui se noue entre Kersey et sa charmante avocate commis d’office est un petit peu téléphonée. Avec le même sens de l’euphémisme, on pourra sans craindre affirmer que certains personnages sont quelque peu stéréotypés.
L’avocate. Attendez qu’elle défasse cet affreux chignon et Paul l’emballera en trois minutes, montre en main.
Fraker, le chef des voyous. On parle beaucoup des discriminations, du chômage tout ça… C’est bien beau, mais dans les causes de l’exclusion on oublie trop souvent la coupe de cheveux.
Le jeu d’acteur de Charles Bronson semble également avoir subi une canicule de trop. S’il n’hésite pas à mouiller la chemise dans les scènes d’action, le moins que l’on puisse dire est qu’il ne donne pas le meilleur de lui-même lorsqu’il s’agit d’être expressif. Sans demander du Stuart Smith non plus (c’est pas vraiment le style de Bronson), ça va un peu loin dans le côté "homme meurtri mais fort qui refuse de laisser transparaître ses émotions". Ainsi, il restera absolument sans réaction face à la mort de sa bien-aimée. Pas de serments de vengeance éplorés, même pas un bon cri viril de mâle blessé, à peine les poings serrés et la mâchoire crispée de l’homme qui sait ce qui lui reste à faire (et encore on ne voit pas bien, il est de dos).
La grande séquence émotion du film. Pour de vrai.
Croyez-le ou non, c’est la petite vieille qui est en train d’agresser le voyou. Ca doit être ça, le double effet Paul Kersey
Et puis il reste un problème inévitable. Tant que Paul Kersey, dans le premier épisode, utilisait uniquement des armes à feu pour éliminer les gredins, l’histoire restait crédible. Seulement depuis le deuxième épisode et encore plus ici, il lui arrive fréquemment de se battre à mains nues contre les loubards. Et là, Charles Bronson, à 64 ans, n’a plus du tout le physique du rôle et on a beaucoup de mal à le prendre au sérieux quand papy s’en va tabasser des délinquants trois fois plus jeunes et deux fois plus costauds que lui.
Paul Kersey n’est peut-être pas avocat, mais question barreaux il s’y connaît !
Kersey, tout fiérot, présente son nouveau piège à cons.
Loi du marché oblige,
Le Justicier de New-York a été en réalité tourné à Londres avec de nombreux acteurs locaux. Aussi, une fois n’est pas coutume, ce film s’apprécie-t-il beaucoup mieux en version originale qu’en français, en raison de l’accent très « shakespearien classique » de ces acteurs, professionnels mais souvent débutants, qui incarnent les loubards latinos, noir-américains ou simplement punks qui rôdent dans la cité. Leurs intonations typiquement british et leur application toute académique à bien articuler chaque syllabe de leurs répliques deviennent vite à mourir de rire pour qui a quelques notions d’anglais. Le peu de crédibilité déjà laissé par leurs costumes bigarrés n’y résiste pas. De toutes façons cela importe peu, puisque leur seul rôle sera de servir de chair à canon lors de l’hécatombe finale, lorsque Charles Bronson passera enfin aux choses sérieuses.
Et le moins qu’on puisse dire, c’est que quand il se met en pétard Pépé Bronson, y a pas intérêt à venir lui baver sur les rouleaux.
Cette fois ça ne rigole plus.
Ils lui auraient donné une simple mitraillette, y aurait rien à dire mais là...
Les moyens mis à la disposition de Paul Kersey tiennent en effet plus de la Troisième Guerre mondiale que du vigilantisme urbain. Le déchaînement de violence qui s’étale à l’écran renvoie la Pointe du Hoc au rayon de crêpage de chignon dans le bac à sable entre troisièmes années de maternelle. A plus de soixante ans, impossible de ne pas rire en voyant un Charles Bronson totalement inexpressif brandir une sulfateuse à faire pâlir Rambo et abattre les punks par grappes de douze pour nettoyer Manhattan au Kärcher. A ce sujet, Bronson a révélé par la suite qu’il n’avait été présent que pour les scènes de champ le montrant tirer, et qu’il n’a découvert que lors de la projection du montage final qu’il massacrait autant de loubards en contrechamp (je n’ai pas compté, mais on approche facilement la cinquantaine de morts). Il était lui-même plus que gêné (et même franchement en colère) devant un tel carnage.
"Chéri, viens vite voir le voisin en a encore dégommé sept !"
"Vas-y Paul y en a un qui remue encore là-bas !"
Duel au bazooka dans quatorze mètres carrés !
Cette grande scène d’action finale rappelle assez celle des
Guerriers du Bronx 2 mais laisse une impression mitigée. Elle est à la fois très bien filmée et effroyablement mal chorégraphiée. La réalisation nerveuse et pêchue ne parvient pas à masquer des erreurs hallucinantes de continuité et de perspective qui permettent aux personnages de se tirer dessus selon des angles impossibles. Regardez
cet extrait vidéo, il illustre parfaitement la chose. L’ampleur franchement démesurée de cette Bataille de New-York et le premier degré absolu dans l’apologie de l’auto-défense font de cette (longue) scène un véritable régal, alternant des fusillades jouissives et bien foutues avec de grands moments de flottement nanars.
Les scènes d'action ne manquent ni de classe ni d’énergie, juste d’un minimum de réalisme.
A New-York, des crapules encore plus dangereuses qu’à St Denis !
Born to be wild...
Au final
Le Justicier de New-York est un nanar plus qu’appréciable et étonnamment diversifié, offrant à la fois un message politique débile, des mannequins en mousse, de l’acting de winner, du scénario tiré par les cheveux et des scènes d’action loupées. Un très beau spécimen de la série B américaine des années 80 qui dérape complètement dans le nanar à force de bourrinage sans cervelle et de racolage sans limites.
Note : 3/5
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BONUS :
ce superbe mannequin en mousse