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DRACULA, VAMPIRE SEXUEL
(Guess what happened to Count Dracula)
On ne dira jamais assez de bien de la programmation de la cinémathèque française : n’en déplaise au «Monde Diplomatique », qui protestait en 2005 contre une programmation destinée aux «post-adolescents », les séances bis de la cinémathèque n’en finissent pas de nous faire redécouvrir des merveilles insondables, partie intégrante de la mémoire du cinéma. Parmi ces pépites, nous avons pu constater que «Dracula, vampire sexuel » brillait d’un éclat particulier. Il s’agit de la version européenne d’un film américain, «Guess what happened to Count Dracula », de Lawrence Merrick ; le remontage, effectué par un certain Mario D’Alcala (actif dans le cinéma d’exploitation allemande durant les années 1970), avait pour objet de rendre le film d’origine plus «sexy », donc théoriquement plus vendeur. Pour notre grand bonheur, les tripatouillages du distributeur européen ont eu pour effet de multiplier le quotient de nanardise du film, aboutissant à une friandise réellement délectable.
L’action de «Dracula vampire sexuel » se situe de nos jours, en Californie. A la question posée par le titre original, «Devinez ce qui est arrivé au Comte Dracula ? », nous n’aurons point de réponse explicite. Le vampire protagoniste du film s’appelle le Comte Adrian : il s’agit peut-être de Dracula sous un faux nom, d’un descendant de Dracula, ou d’un simple émule. Nous n’en saurons rien. A supposer qu’Adrian soit Dracula, nous apprenons donc que le comte vampire est devenu le propriétaire d’un night-club branché à l’ambiance gothique, situé à Hollywood. Ledit Comte jette son dévolu sur une belle rouquine, dont le fiancé n’est évidemment pas d’accord. Le seigneur de la nuit parviendra-t-il à emballer la dame de ses pensées ?
Passons sur l’aspect minable de l’estaminet vampirique, et penchons-nous sur le maître des lieux, le Comte Adrian : le seigneur des ténèbres est ici une sorte de dandy verdâtre à l’allure de soûlographe impénitent, affublé sur le menton d’un bouc que l’on s’attend en permanence à voir se décoller. Ajoutons à cela des canines en plastique ridiculement peu crédibles, et l’on pourra conclure que le Comte Adrian est sans doute l’un des vampires les plus risibles jamais vus sur un écran, battant à plate couture Zandor Vorkov dans «Dracula contre Frankenstein ».
Cela ne serait encore rien si le look lamentable du vampire était rattrapé par un quelconque talent d’acteur de son interprète. Il n’en est rien ici et il conviendrait d’élever une statue au comédien [?] Des Roberts, qui réussit à faire passer son personnage du ridicule total au grotesque stratosphérique. Ce type est un dieu vivant. Appuyant ses moindres répliques par des haussements de sourcil à faire pâlir Roger Moore, ce monsieur serait sans doute un concurrent sérieux au titre de plus mauvais acteur du monde s’il n’était entouré de comédiens encore plus nuls que lui, avec une mention spéciale pour ses comparses en vampirisme, qui battent des records de grimaces. Un camarade me soutient en outre que Des Roberts ressemble étrangement à David Pujadas : je suis moins convaincu, mais cela peut valoir la peine d'être signalé.
Apparemment filmé dans les sous-sols d’un night-club minable, interprété par des figurants en état d’ébriété, «Dracula vampire sexuel » atteint son point d’orgue avec l’insertion des séquences de la version européenne, censée le pimenter un peu. Un exemple de cette technique : une où l’héroïne apparaît endormie sur son lit est ainsi entrecoupée d’inserts qui la montrent nue, en train de se tortiller sur ses draps. Evidemment, ses cheveux sont stratégiquement rabattus sur son visage, pour que le spectateur ne voie pas qu’il ne s’agit pas de la même actrice. Effarant.
On peut néanmoins préciser, au crédit de ces inserts rajoutés à coups de serpe par un monteur indélicat, que la différence ne saute pas forcément aux yeux du spectateur inattentif : la mise en scène demeurant également lamentable dans toutes les scènes, les différences de métrage ne sont pas toujours flagrantes. Il faut dire que les ajouts de la version européenne ne sont là que pour corser un film qui présentait dès le départ une absence de qualité suffisamment marquée pour justifier l’attention.
Le film semble de surcroît exister en plusieurs versions, plus ou moins déshabillées, y compris en copie américaine. On citera pour la bonne bouche cette scène où les amis de l’héroïne s’invitent chez elle, suivis par le Comte Adrian, et improvisent joyeusement une partouze dans le salon. L’héroïne et le vampire conversent ainsi tranquillement autour d’un verre, en alternance avec des contre-champs de l’orgie (le Comte Adrian commente tout juste «Vos amis ont de drôles de façons de s’amuser !»). Les comédiens qui figurent dans les scènes de sexe étant apparus dans les mêmes plans que les autres acteurs, l’orgie n’est sans doute pas un ajout de la version européenne, mais le montage est visiblement conçu pour proposer un choix de versions avec ou sans sexe.
Si la partie «érotisme », rajoutée ou non par le distributeur européen, contribue suffisamment à la rigolade, on ne saurait méconnaître, bien au contraire, la partie «épouvante », qui crève littéralement tous les plafonds. Mimiques impayables des comédiens (la scène où le Comte Adrian et un de ses sbires rebellés s’affrontent, littéralement, à coups de grimaces, est un pur moment de bonheur), maquillages de Mardi-gras, agitation désordonnée des figurants, vieux tigre fatigué censé être le féroce gardien du repaire du vampire, tout y est pour faire de «Dracula vampire sexuel » un véritable modèle de film d’horreur nul, que l’on croirait tourné par une bande d’étudiants en médecine ivres morts.
On notera au passage que l'héroïne du film se signale par un sang-froid assez étonnant : elle persiste tout au long du film à ne pas donner le moindre signe d'inquiétude, ce qui laisse quelques doutes sur sa santé mentale (et là, tout s'expliquerait). Elle se réveille avec des marques au cou, un individu comme un vampire de carnaval l'invite dans son manoir rempli de toiles d'araignée et gardé par un tigre sous tranxène, et elle se contente de dire : « Tout ceci est bien étrange, j'ai... comme un pressentiment... »
Le film se signale en outre par une remarquable laideur esthétique, baignant dans les éclairages rouges et verts. Le pompon du n'importe quoi est décroché dans la scène dite de «la cérémonie du Macumba », où des danseurs en état de transe éthylique gigotent grotesquement en avalant des lézards vivants, tandis que les figurants composant le public hurlent «Macumba ! Macumba ! » avec l’enthousiasme de spectateurs de peep-show réclamant de voir les nichons de la strip-teaseuse. Effarant. Un conseil : n'invitez pas n'importe qui à vos soirées Macumba, vous allez finir vampirisé par des mangeurs de lézards.
Film d’horreur lamentable conçu pour un public de drive-in, combinant des vampires risibles, du vaudou loufoque et de l’érotisme à deux balles, «Guess what happened to Count Dracula» a eu le bonheur supplémentaire de se voir charcuté par un distributeur peu scrupuleux qui, négligeant la valeur de cette œuvre d’art, l’a mélangée avec n’importe quoi pour la rendre encore plus nul. Attendu que cela relevait de l’exploit, on ne pourra que saluer Mario D’Alcala, qui a su offrir au travail de Laurence Merrick la transcendance nanarde qu’il méritait. Chapeau !
Signalons que le titre francophone est doublement mensonger puisque non seulement le Comte Adrian ne s'appelle pas Dracula, mais on ne le voit jamais pratiquer l'acte sexuel.
Ajoutons en outre que Laurence Merrick offrit un autre chef-d’œuvre présumé au mythe du vampire en tournant une variation homosexuelle intitulée «Does Dracula really suck ?». Il réalisa en 1973 un documentaire , semble-t-il assez intéressant, sur l’affaire Charles Manson, avant de mourir mystérieusement assassiné quatre ans plus tard. Qu’il repose en paix et que Dieu lui laisse tourner au paradis plein d’histoires de vampires sexuels.
Nikita : 3
DRACULA, VAMPIRE SEXUEL
Année : 1970 (1972 pour les scènes européennes)
Réalisation : Laurence Merrick, Mario D’Alcala (scènes additionnelles)
Durée : 1h20 ou 1h30 selon les versions
Genre : Vampire en pire
Catégorie : Horreur
Avec : Des Roberts, Claudia Barron, John Landon, Robert Branche
Cote de rareté : 4 (exotique) Sorti en salles en France, le film n’a eu l’honneur chez nous ni d’une VHS ni d’un DVD ! Encore une fois, il faut compter sur les américains, qui en ont ressorti plusieurs éditions DVD, dont une en double programme avec un autre film du même tonneau, intitulé « Dracula, ce vieux cochon » (Dracula, the dirty old man). Mais hélas, tintin pour les inserts de la version européenne!