ALVARO VITALI
Vous avez déjà vu une de ces «sexy comédies » crado dont les italiens avaient le secret dans les années 1970 ? Dans ce cas, il y a de fortes chances pour que vous connaissiez le faciès d’Alvaro Vitali, le nabot à gros nez le plus omniprésent de tout le cinéma transalpin bas du front. Abonné des rôles d’imbécile heureux, d’obsédé sexuel, d’adolescent attardé, ou les trois à la fois, Alvaro a eu le privilège d’incarner plus que tout autre une certaine époque du nanar comique italien.
Né le 3 février 1950 à Rome, le futur «Pierino » est électricien de formation. Il doit sa carrière, non pas à un quelconque artisan du cinéma bis, mais à Federico Fellini en personne ! Habitué à engager, pour tenir certains seconds rôles, des interprètes non professionnels au physique étrange, Fellini remarque lors d'un bout d'essai l’allure du jeune homme, dont le mètre cinquante-cinq et le profil de Bourbon fin de race le convainquent de lui faire faire une brève apparition dans «Satyricon». Il lui fera ensuite tenir des rôles plus importants dans «Les Clowns», «Fellini-Roma » et enfin «Amarcord ». Contrairement à beaucoup de «freaks » repérés par Fellini le temps d’un film, Alvaro persévère dans le métier de comédien et devient progressivement un visage connu du cinéma italien.
Sa spécialité : les bonnes grosses comédies bien grasses où il tient essentiellement des rôles d’ahuris, chargés de baver devant les charmes de l’héroïne ou de recevoir des claques à longueur de film. C’est l’heureux temps où Alvaro s’illustre dans «La pépée du gangster», «La Flic chez les poulets », «L’Infirmière a le bistouri facile », «La Toubib du régiment » et autres comédies légères et délicates.
Alvaro Vitali n’est pas une vedette mais son physique incroyable et un indéniable talent de cabotin lui permettent souvent de tirer la couverture à lui. Le succès au box-office de la plupart de ses films auraient même valu à certains producteurs de le considérer comme une sorte de porte-bonheur, à embaucher sans faute si l’on voulait que le film marche ! Le public populaire italien apprécie cette espèce de Donald Duck en version live qui passe son temps, à l’écran, à reluquer vainement les charmes d’Edwige Fenech, Anna Maria Rizzoli et autres Nadia Cassini ; il était fatal qu’Alvaro passe un jour ou l’autre aux premiers rôles. C’est chose faite en 1981 avec «Le Cancre du bahut » («Pierino contro tutti ») : réalisé par Marino Girolami (vétéran du bis italien et, par ailleurs, père d’Enzo G. Castellari), ce film a pour concept de mettre en image les blagues de Pierino, équivalent italien des «blagues de Toto». Alvaro, malgré ses 31 ans, incarne un écolier en béret et blouse bleue, sa petite taille le rendant vaguement crédible en cancre qui a triplé toutes ses classes.
Le film n’est qu’une suite de calembours intraduisibles et de gags archi-vulgaires, mais il fracasse tout au box-office. Notons au passage que ce premier Pierino a obtenu un succès étonnant…au Québec, où il a pour titre «Le Con de la classe » («Le Con » est d’ailleurs le nom récurrent d’Alvaro dans tous ses films pour leur exploitation québecoise).
Pour Alvaro, c’est à la fois le sommet du succès et le début de la fin. Car les imitateurs ne vont pas tarder à profiter du filon : le personnage de Pierino n’étant l’objet d’aucun copyright, des films avec d’autres comédiens sont tournés à toute vitesse. «Pierino il fichissimo», «Che Casino con Pierino », «Pierino la peste alla riscossa », etc. ne sont que des resucées encore plus vulgaires que l’original, et contribueront à ruiner la réputation d’Alvaro Vitali, qui n’en peut mais.
Alvaro lui-même est en partie responsable de cette course à l’imitation, puisqu’un de ses films, où il joue un personnage différent, est rebaptisé en post-production «Pierino medico della SAUB ».
Une «vraie » suite est tournée, «Pierino colpisce ancora », et Alvaro tient la vedette dans plusieurs autres films, en en rajoutant à chaque fois sur la grossièreté et les gags scatologiques.
Mais au milieu des années 1980, le filon s’assèche : la comédie lourdingue italienne cède la place à des auteurs plus relevés comme Roberto Benigni ou Maurizio Nichetti. Contrairement à d’autres vedettes du cinéma comique local comme Lino Banfi ou Paolo Villaggio, Alvaro Vitali ne parvient pas à se recycler : on l’érige, bien malgré lui, en symbole d’une vulgarité à oublier et les offres de travail au cinéma cessent brutalement. Alvaro se recycle au théâtre et à la télévision. On le verra au fil des années dans des sitcoms sur les télévisions régionales italiennes (autant dire le quart-monde du divertissement), il fera même du théâtre de rue. En 1990, il a la brillante idée de lui faire reprendre, à 40 ans, le personnage de Pierino dans «Pierino torna a scuola », mais le public italien n’est guère intéressé. Un film suivant, «Pierino Stecchino » (une imitation de «Johnny Stecchino », de Roberto Benigni), ne sortira même pas en salles pour des raisons obscures.
A l’aube des années 2000, Alvaro Vitali connaît enfin un début de réhabilitation : ses succès sont réédités en DVD, il tourne de nouveaux films, écrit un livre de blagues, et fait des apparitions régulières dans des émissions de télévision, comme invité ou interprète de sketches comiques. Il est embauché dans l’équipe de l’émission satirique «Striscia la notizia », où il est chargé de commenter les courses de Formule 1 en faisant des imitations de Jean Todt. Un hommage lui est même rendu par l’équipe de bisseux de la Cinémathèque française, mais il sera incapable d’y assister, s’étant cassé une jambe en faisant le clown sur une voiture de F1. Décidément : comique nanar un jour, comique nanar toujours !
Nikita
Filmographie :
1969
Satyricon
1971
Les Clowns (I Clown) (TV)
1972
Meo Patacca
Fellini-Roma
Quoi? (Che?)
1973
La Tosca
Rugantino
Poussière d’étoiles (Polvere di stelle)
Rapt à l’italienne (Mordi e fuggi)
Partirono preti, tornarono... curati
Vive la quille (Il Colonnello Buttiglione diventa generale)
Amarcord
1974
Romanzo popolare
Parfum de femme (Profumo di donna)
L’Arbitro
4 Marmittoni alle grandi manovre
Il Tempo degli assassini
1975
La Flic chez les poulets (La Poliziotta fa carriera)
A nous les lycéennes (La Liceale)
La Prof donne des leçons particulières (L’Insegnante)
Due cuori una cappella
La pépée du gangster (La pupa del gangster)
Vergine e di nome Maria
Plus moche que Frankenstein tu meurs (Frankenstein all’italiana)
1976
La Carrière d’une femme de chambre (Telefoni bianchi)
Spogliamoci cosi senza pudor
La Segretaria privata di mio padre
La Prof du bahut (La Professoressa di scienze naturali)
La Prof et les farceurs de l’école mixte (Classe mista)
La Dottoressa sotto il lenzuolo
La Toubib du régiment (La Dottoressa del distretto militare)
Uomini si nasce, poliziotti si muore
1977
Lâche-moi les jarretelles (La Vergine, il toro e il capricorno)
Taxi girl
Per amore di Poppea
Ma copine de la fac (La Compagna di banco)
La Toubib prend du galon (La Soldatessa alle grandi manovre)
1978
La Championne du collège (L’insegnante balla con tutta la classe)
La Prof et les cancres (L’Insegnante va in collegio)
La Toubib aux grandes manœuvres / La Toubib et les enfoirés (La Soldatessa alla visita militare)
1979
Une drôle de nana (La Liceale seduce i professori)
La Liceale, il diavolo e l’acquasanta
La Prof connaît la musique (L’Insegnante viene a casa)
La Baigneuse fait des vagues (L’Insegnante al mare con tutta la classe)
Infirmière de nuit (L’Infermiera di notte)
Le Trou aux folles (Dove vai se il vizietto non ce l’hai ?)
La Flic à la police des mœurs (La Poliziotta nella squadra del buoncostume)
Gros câlin (Cocco mio)
1980
La Lycéenne fait de l’œil au proviseur (La Ripetente fa l’occhio al preside)
La Liceale al mare con l’amica di papà
L’Infermiera nella corsia dei militari
L’Infirmière a le bistouri facile (La Dottoressa ci sta col colonnello)
1981
Le Cancre du bahut (Pierino contro tutti)
Pierino medico della SAUB
La Prof d’éducation sexuelle (L’Onorevole con l’amante sotto il letto)
La Zézette plaît aux marins (La Dottoressa preferisce i marinai)
Reste avec nous, on s’tire / Le Con et la flic arrivent à New York (La Poliziotta a New York)
1982
Pierino colpisce ancora
Gianburrasca
Gigi il bullo
1983
Il Tifoso l’arbitro e il calciatore
Paulo Roberto Cotechiño centravanti di sfondamento
1984
Varietà (TV)
1988
Festa di capodanno (TV)
1989
Mortacci
1990
Pierino torna a scuola
1992
Pierino Stecchino
1995
Club vacanze
1996
L’Antenati tua e de Pierino
2001
Se lo fai sono guai
2003
Cinecittà (TV)