TRANSMUTATIONTitre original : Demonwarp
Réalisateur : Emmett Alston
Année : 1988
Pays : Etats-Unis
Genre : Yéti téléphone maison (
Catégorie : Rencontres du troisième type)
Durée : 1h31
Acteurs principaux : George Kennedy, Michelle Bauer, David Michael O'Neill, Pamela Gilbert, Billy Jayne, Colleen McDermott, Hank Stratton
Ceux qui l'ont découvert dans
Luke la main froide auront toujours pour George Kennedy un immense respect mêlé d'une grande affection. A l'instar d'un Ernest Borgnine ou d'un Lionel Stander, ce géant du cinéma (au sens propre comme au figuré) fut un des seconds rôles les plus reconnaissables du Hollywood des années 60-70, de ceux dont le grand public ignore le nom mais dira
"Eh mais je le connais celui-là, dans quoi je l'ai vu jouer déjà ?" en voyant sa trogne à l'écran. Mais comme personne dans l'industrie du cinéma ne peut se vanter d'un parcours sans faute, la relative notoriété du bon George servit aussi d'attrape-couillons dans les années 80-90 pour vendre un paquet de daubes où il cachetonnait entre deux soap-opera.
Ca restait encore du cachetonnage haut de gamme quand c'était pour apparaître dans
Airport 80 : Concorde et
Delta Force, qui embringuaient une kyrielle d'autres têtes d'affiche plus ou moins dans la panade. Ça devenait beaucoup plus Nanarland-friendly quand c'était pour se battre contre un chat-peluche mutant dans
Le clandestin, jouer un savant fou dans l'infra-
Z Intensive Care, mourir de façon complètement ridicule dans
Esmeralda Bay (une production
Eurociné !), se prendre des tartes à la crème en pleine figure dans le slasher "parodique"
Wacko, faire le ménage à coups de bazooka dans le sous-Mad Max
L'aube sauvage, attendre son chèque en technocrate véreux dans le sous-Rambo
Destructor, affronter un sous-Alien ringard dans
MNI : Mutants non identifiés (une prod Roger Corman tournée dans un couloir et une carrière de sable) et payer sa facture de gaz en nazi de service dans le délirant sous-Indiana Jones
Top Line aka
Alien Terminator. Des films dont les jaquettes mettaient son nom en gros caractères et où la tête de notre ami était dessinée bien au centre de l'affiche, quand bien même il n'apparaissait que trois minutes au compteur.
Et pour tous ces grands acteurs qui s'enlisent dans le nanar sur leur fin de carrière, il existe trois façons d'appréhender leur rôle pour leur faible temps de présence sur le plateau de tournage. La première consiste à "assurer le steak" en jouant leur rôle comme s'ils étaient dans une production de prestige, au risque d'avoir l'impression d'être un membre de l'orchestre du Titanic. La deuxième consiste à ne pas du tout faire mystère de leur consternation/affliction/impatience en affichant une mine de dix pieds de long (
Christopher Lee dans
Hurlement 2,
Donald Pleasence dans
L'homme-puma et
Le chevalier du monde perdu,
David Warner dans
Dar l'invincible 3...). La troisième consiste à s'offrir un maigre plaisir en cabotinant à 10000 volts (
Vic Morrow dans
Les guerriers du Bronx,
Cameron Mitchell dans
Supersonic Man...). George, lui, optait pour la première solution, sans forcer son talent, certes, mais se montrant d'un professionnalisme à toute épreuve, quelle que soit la médiocrité ambiante (ce qui est tout à son honneur). Et en matière de médiocrité, ce film du réalisateur d'
American Ninja se révèle être un nanar de première catégorie !
Dans la tradition de
The Thing et de
Predator, le film s'ouvre sur une vue de la Terre depuis l'espace, avec un OVNI venant s'écraser sur notre pauvre planète bleue. L'OVNI se crashe en plein Far West, sous les yeux d'un pasteur solitaire à cheval qui croit assister à la descente de Dieu sur Terre. Générique. 100 ans et des poussières plus tard, George Kennedy passe le week-end avec sa fille dans une cabane au fond des bois, quand soudain ils sont attaqués par un intermittent du spectacle dans un costume de
Yéti de la Foir'Fouille, qui défonce la porte d'entrée, assomme George et se jette en grognant sur la jeune fille (le réal jette un voile pudique sur son sort).
Combien de films d'invasion extraterrestre ont-ils commencé par ce plan ?La tronche de ce pasteur est une pub vivante pour l'athéisme.Le producteur faisant à George Kennedy une proposition qu'il ne pouvait pas refuser. En vrai, notre ami n'accepta de jouer dans ce film qu'à condition que sa fille Shannon y tienne un petit rôle.
Bizarrement, la fille de son personnage est jouée par une illustre inconnue nommée Jill Marin...
... qui savoure sa minute de gloire cinématographique entre les grosses paluches du Sasquatch, vu qu'elle n'a que ce rôle à son actif...
... tandis que Shannon Kennedy Sullivan apparait bien plus tard en compagnie de Michelle Bauer, laquelle se charge de l'indispensable pause plan nichons (au moins une toutes les dix minutes, comme stipulé dans le cahier des charges), et nous offre ce dialogue : "Et figure-toi que tout à coup je vois mon petit ami mettre son doigt dans son nez. Alors, j'lui dis "Qu'est-ce qui t'arrive, Jerry, t'as ton cerveau qui te démange ?" T'aurais vu sa tête, hahaha !"...
... sous le regard concupiscent du Bigfoot.Puis, nous voilà plongés en pleine caricature de
slasher-movie avec l'arrivée de nos héros : une belle bande de teenagers crétins des 80's au volant de leur Range Rover, nous régalant de dialogues aussi stupides qu'enjoués à la perspective des vacances de folie qu'ils vont passer dans
"La foret du Diable" (
_ "Dites, j'ai entendu dire que des touristes avaient été sauvagement assassinés dans cette région. Wouh ! J'en ai la chair de poule, hahaha !" _ "Eh ! Vous entendez ? Des touristes ! Exactement comme nous ! Hahaha !"). Groupe composé des stéréotypes d'usage : le héros beau ténébreux organisateur du séjour, sa petite amie, la copine un peu chaudasse de service, le meilleur ami moyennement finaud du héros et l'indispensable comique lourdingue, qui n'arrête pas de parler et de faire des blagues potaches en enfilant un masque de monstre en latex (deux secs avant l'attaque du vrai monstre, cela va de soi). Comme vous l'avez deviné, la bande de djeuns s'installe dans la cabane et George Kennedy réapparait pour assurer la scène contractuelle du vieux fou inquiétant venu mettre en garde les jeunes citadins inconscients contre les dangers qui les guettent, avant de disparaître pour une demi-heure. Là, vous vous dites qu'on est bien partis pour un catalogue de clichés avec des attaques de yéti démembrant un à un les jeunes fêtards par ordre d'importance scénaristique, non ? Eh bien, c'est un peu ça, mais pas vraiment en fait...
"C'est la fôôôreeet du diaaaaable ! La fôôôreeet du diaaaaable ! On est dans laaa fôôôreeet duuu DIAAAAAAAAABLE ! Hahahahaha !"Le héros Jack, chéri de ces dames, même si c'est un gros nullos doublé d'un connard dans le film.Deux sidekicks pour le prix d'un.Le héros : "Ces bois sont dangereux. Vois-tu, je préfère être préparé."
Sa copine : "Mmh, et, dis-moi, est-ce que tu es... préparé pour moi, mmh ?"Le gars : "Heu, il n'y a pas d'eau chaude."
La fille, s'apprêtant à prendre une douche : "Mmh, je peux produire ma propre chaleur..."Car si, comme on s'y attend, les filles alignent les
plans nichons ultra-gratuits et le Yéti démembre bien les faire-valoir de service en premier, il s'avère que le film nous réserve un scénario aussi tortueux que fourre-tout rédigé sous le signe de la fumette et de la tequila. Premièrement, le héros apprend à ses amis qu'en fait ils ne sont pas là pour faire une méga-teuf de ouf mais pour enquêter sur la disparition de son oncle, propriétaire de la cabane, parce que le shérif et les autorités locales sont de grosses feignasses qui ont classé paresseusement l'affaire (bon, d'accord, ça c'est pas hyper-original). Au passage, super le coup de mentir à ses amis pour les embringuer à leur insu dans une aventure très dangereuse de prime abord. Deuxièmement, le héros et le yéti semblent se connaître et évitent de se faire du mal. Ensuite, si vous avez bien suivi, le yéti tueur n'est pas le seul élément fantastique. Cette histoire de Bigfoot cache en réalité une invasion extraterrestre... à moins que l'extraterrestre ne cherche en fait à retourner sur sa planète, comme E.T. mais en plus méchant, c'est pas clair du tout. Il est également question de "transmutations" velues, d'un gourou immortel (et très cabotin) qui arrache le cœur de filles à poil pour nourrir une marionnette d'alien du Muppet Show, de zombis nanars déambulant dans les bois et bricolant un vaisseau spatial dans une grotte, avec des révélations finales qui réussissent à rendre encore plus abscons tout le foutoir nawak qui a précédé.
LA blague à ne pas faire si on veut survivre dans un film d'horreur naze.
Promenons-nous dans les bois, pendant que le Migou n'y est pas...En dehors de George Kennedy, qui a droit à sa scène badass lorsqu'il défie le yéti armé d'une hache en beuglant
"Allez viens, amène-toi, fils de pute !" pour venger sa fille, l'interprétation est assez inégale. On a certes grand plaisir à retrouver cette sympathique Michelle Bauer en bimbo venue faire du bronzage seins nus à l'ombre des arbres de
"la foret du Diable", notre
scream queen s'investissant comme toujours de son mieux dans son rôle pourtant très limité de jolie victime apeurée. Mais en revanche on ne s'attache pas un instant à l'insipide David Michael O'Neill, héros inexpressif et antipathique s'il en est. Quant à l'héroïne, Pamela Gilbert, elle fait ce qu'elle peut pour donner de la consistance à son personnage, mais n'avoir à son actif qu'un porno hard, trois seconds rôles ingrats dans des séries B sans le sou et un premier rôle dans une œuvre de l'acabit de
Transmutation ne l'a pas incité à persévérer dans le septième art (elle est depuis devenue prof d'Anglais à ce qu'il paraît). Sa collègue Colleen McDermott (qui tâta également du porno soft entre deux feuilletons télé) fait elle aussi de son mieux dans un rôle féminin un peu plus actif, même s'il n'est pas très bien défini non plus. Quant au p'tit rigolo de service, le crispant Billy Jayne, c'est un ex-enfant star qui n'a rien fait de particulièrement marquant à part jouer Mickey Randall dans la série
Parker Lewis ne perd jamais et tenir le rôle principal de
Ma prof est une extraterrestre de David DeCoteau. Et pour ce qui est du
sidekick monolithique Hank Stratton, il a une filmographie encore plus dépourvue d'intérêt. Bref, en dehors de deux noms un peu connus, on n'a droit qu'à un casting de cinquièmes et sixièmes couteaux, qui font somme toute correctement leur taf, sans doute bien conscients d'ajouter une belle daube à leur CV avec ce film de science-fiction très fauché à la psychologie sommaire.
Pendant que ce gros naze de héros est assommé quelque part (il ne se rendra utile que dans les dix dernières minutes), Colleen McDermott bondit comme une tigresse sur le Yéti, seulement armée de son petit coutelas, le lardant avec sauvagerie pour essayer de sauver tout le monde à elle seule. Quelle femme ! Voilà une faire-valoir digne de Zabou Breitman dans "Gwendoline" !Bien entendu, ce qui fait le sel du métrage, outre son ambiance débilo-premier degré, c'est son mélange des genres délirant, ainsi que ses effets spéciaux indigents et ringards. On peut à la rigueur être indulgent envers le Yéti, dont le costume est certes grotesque et caoutchouteux, et dont l'interprète a une forte tendance à en faire des caisses, mais qui a au moins le mérite de remuer la bouche et les lèvres en animatronique. Les scènes de mutations demeurent les effets spéciaux les plus réussis, laissant supposer qu'avec plus de temps et d'argent, les responsables auraient pu créer quelque chose de bien. Par contre, on sera implacable envers les maquillages et les masques ridicules des morts-vivants, qui sont dignes de la pire des
séries Z. De même, la marionnette d'extraterrestre, dont on ne voit que le haut et dont on devine la main du technicien remuant le guignol en latex, n'inspire que l'hilarité. Les quelques effets gores sont un poil plus soignés, mais de ce côté-là rien de trop trash, juste un petit éventrement bien timide, un arrachage de tête par ci et un arrachage de cœur par là pour la route (ce qui n'est finalement pas plus mal dans un nanar).
De toute façon, au bout d'un moment, le public a mis son esprit critique sur OFF. Les trois scénaristes souffraient visiblement tous d'un trop plein d'idées et ont voulu toutes les condenser en une heure trente, à coups de demi-révélations inabouties et nébuleuses. Forcément, niveau cohérence, c'est un peu le bocson.
Des zombis craignos.
Des décors futuristes en carton.
Du gore et du nichon.
Une marionnette d'extraterrestre avec une pince.
Des tronches pas possibles.Quant à ce brave George Kennedy, la même année que ce sympathique nanar cheapo-discount, il était à l'affiche de
Y a-t-il un flic pour sauver la reine ? mais aussi de cinq autres
direct-to-video et d'un téléfilm, parvenant à maintenir le même rythme de tournage quasiment jusqu'à sa mort en 2016, à l'âge vénérable de 91 ans. Cette modeste chronique est dédiée à celui qui savait garder classe et dignité même en apparaissant dans des films aussi nazes que cette abracadabrante (mais généreuse) histoire de Bigfoot, d'extraterrestres et de zombis dans les bois.
Note : 3/5
Cote de rareté : 3/ RareCe bon vieux nanar des familles est sorti en double-programme avec
The Church (
Sanctuaire en VF) de Michele Soavi, dans un DVD zone 1 édité par Frolic Pictures (en édition limitée). Contenu basique, en Anglais sans le moindre sous-titre. Un DVD allemand de chez Mr Banker Films/Cargo propose le film en versions anglaise et allemande, sans bonus.
Pour voir le film en version française, il vous faudra débusquer la très rare et très vieille cassette VHS de chez "Partner et Partner".
Une jaquette volante pillant le visuel de "Transmutation" et y ajoutant à l'arrache un gros œil pour nous refourguer n'importe comment "Terreur Cannibale".Attention aussi à ne pas confondre notre film avec deux autres bis de SF des années 80,
Transmutations de George Pavlou...
... et
Hell Comes to Frogtown, également sorti sous ce titre hyper-cliché et passe-partout en France.
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