DARNA
Titre original : Darna
Réalisateur : Joel Lamangan
Année : 1991
Nationalité : Philippines
Genre : Comics troupier (
Catégorie : Super-héros)
Durée : 1h43
Acteurs principaux : Edu Manzano, Nanette Medved, Pilar Bilapil, Nida Blanca, Tonton Gutierrez, Bing Loyzaga, Dennis Padilla

Malgré l'enthousiasme quasi-orgasmique que suscite le film dont il est question aujourd'hui, il est toujours délicat de s'attaquer à un mythe de la pop culture comme Darna, véritable icône aux Philippines au même titre qu'Astérix le Gaulois en France (en même temps, si des nanardeurs philippins veulent chroniquer
Astérix et Obélix - l'Empire du Milieu, qu'ils ne se gênent surtout pas !). Le nanarophile éprouve quelques scrupules à taper sur les adaptations ciné de cette super-héroïne ultrapopulaire, de véritables superproductions à l'échelle des Philippines, qui n'ont jamais eu le quart du dixième du budget sandwiche des blockbusters Marvel et DC Comics actuels. Et dans le fond, peu importe que le personnage soit un gros plagiat de Wonder Woman. Par sa candeur, un film comme
Darna nous inspire une tendresse qu'aucun
Wonder Woman 1984 dopé aux dollars ne nous fera jamais ressentir. Ici, la nanardise est tellement franche et sincère que la curiosité de découvrir un pan de cette industrie du divertissement philippine si foisonnante se double d'une sorte d'émerveillement enfantin face à une œuvre qui nous offre tout ce qu'on a envie de voir quand on regarde une adaptation live de comic-book en provenance de la patrie de Weng Weng.



You'll believe a woman can fly! (et en mouvement, c'est 1000 fois mieux)
A la pointe de la modernité, Darna était déjà une adepte du covoiturage en 1991. Quelle femme !Nikita ayant déjà résumé le background de notre super-héroïne dans sa chronique de
Darna Ang Pagbabalik, je vous invite à y jeter un œil si vous voulez raccrocher les wagons et bien savoir de quoi on cause. Entrons donc sans plus attendre dans le vif du sujet : notre histoire commence en 1900, quelque part en Amérique du Sud. Une espèce d'Indiana Jones appelé Dominico Lipolico découvre dans la jungle un collier avec une amulette capable de lui donner la jeunesse éternelle. En contrepartie, il devient le serviteur de Satan, missionné pour plonger le monde dans les ténèbres. 1975, dans un petit hameau philippin. Orpheline, la petite Narda est élevée par sa grand-mère avec ses petits frères Ding et Dong. Alors qu'elle joue à cache-cache dans la foret, Narda se voit offrir une pierre magique par une sorte de Marraine la Fée aux ailes disco, qui apprend à la petite fille qu'elle est l'élue, missionnée pour combattre l'injustice et les forces du mal. En avalant la pierre puis en criant
"DARNA !!!", Narda pourra se transformer en Darna, la Wonder Woman philippine. Nous la retrouvons à l'âge adulte, avec du pain sur la planche et autant de pains à distribuer que dans
Jésus II : Le Retour...



Et un grand pouvoir implique de grandes responsabilités...
Ce sbire va cesser de ricaner dans moins de cinq secondes.





Good job, Darna!Philanthrope et starlette russo-chinoise native d'Hawaï et vivant aux Philippines, Nanette Medved, la Darna du jour, est plutôt mignonne mais est loin d'avoir un physique aussi spectaculaire que sa successeuse, la très sculpturale Anjanette Abayari. Toutefois, la présente version a l'avantage de souffrir de moins de longueurs et d'être plus généreuse en péripéties et en éléments nanars sur la durée. En outre, Nanette est fort sympathique et plutôt à l'aise dans son décalque féminin de Superman/Clark Kent. En effet, Narda se trouve être la reporter binoclarde d'un grand journal de Manillopolis, secrètement amoureuse de son collègue de travail, le beau et niais George, qui quant à lui ne pense qu'à Darna. Comme dans Superman, aucune des personnes de l'entourage de Narda, famille ou amis, ne la reconnait dès lors qu'elle enfile le bikini rouge de Darna (un détail qui était déjà cocasse dans la saga Superman).
Enfin, quand je dis que Nanette Medved a un physique moins "spectaculaire" que celui d'Anjanette Abayari, ça ne veut pas dire qu'elle n'est pas mise en valeur par le réalisateur.
Enfin, "mise en valeur", ça dépend des scènes...A toute super-héroïne qui se respecte, il faut des antagonistes à la hauteur. Suivant les codes du genre, Darna tabasse dans un premier temps de ricanant et lourdingues violeurs de bas étage avant de passer à des adversaires à sa mesure. Vous aurez évidemment deviné que le grand méchant n'est autre que Dominico Lipolico, devenu un magnat playboy et philanthrope faisant la une des actualités par ses donations généreuses au peuple philippin, en réalité la première étape de sa conquête du monde comme de bien entendu. Joué par Edu Manzano (interprète de
Captain Barbell), notre super vilain a pour particularités 1) d'être totalement dépourvu de charisme, 2) d'organiser des soirées cocktail chics rassemblant le gratin et la presse des Philippines, où personne ne s'alarme de l'omniprésence de sbires torses nus armés de mitraillettes qui brutalisent et séquestrent les personnes n'ayant pas d'invitation (chez un mec qui se présente comme un parangon de vertu, ça fait pourtant mauvais genre), et 3) de changer de plan machiavélique plus souvent que de chemise. Il commence ainsi par faire accuser Darna d'être une criminelle pour la faire jeter en prison, puis cherche à en faire son alliée, puis essaye de s'emparer de la pierre magique de Darna (alors que juste avant il déclarait que la pierre n'avait aucune valeur sans Darna), avant de changer encore d'avis et de tenter de tuer Darna en disant que la pierre ne l'intéresse plus.


Le Faust de Manille.
N'inspire-t-il pas la confiance, notre Prix Nobel ?Pour le seconder dans ses méchancetés, Dominico Lipolico crée trois monstres à la ringardise des plus charmantes. Il transforme ainsi la mannequin people et créatrice de mode Valentina en gorgone avec des serpents en plastique ridicules à la place des cheveux, qu'elle dissimule sous un turban quand elle apparaît en public. Il lui donne comme bras droit/
sidekick comique une espèce de gros serpent parlant nommé Vibora, joué par une marionnette à main tout droit sortie du
Muppet Show (élément du tonnerre qui contribue à nanardiser même les scènes de dialogues les plus anodines tout en renforçant l'aspect "bizarre" du film). Valentina assure le quota "érotisme nanar" du métrage, en allant par exemple dans un bar gay remporter incognita un concours de sosies homosexuels d'elle-même (?!), afin de séduire un godelureau gay (???), émoustillé quand elle lui apprend qu'elle est une femme (???), dont elle tuera le
mannequin en mousse avec sauvagerie après lui avoir dit qu'il n'est pas
"un vrai homme" (oui, cette scène sort vraiment de nulle part). Purita, une institutrice locale/groupie de Dominico, sera quant à elle changée en une Manananggal, sorte de Harpie du folklore philippin, avec des ailes de chauve-souris assez gauchement animées, des papattes griffues et velues, des dents de vampire et des gros sourcils, dont les scènes de vol sont filmées la nuit pour cacher les câbles qui la soulèvent au dessus du sol.


Valentina, la plus célèbre adversaire de Darna.


Vibora. Le Clandestin est son plus grand fan.
Après avoir avalé la pierre magique de Narda, Vibora se transforme en Darna (gag).


Purita, terrassée par les éclairs fluos de la Foi.Les scènes les plus jubilatoires sont évidemment celles où Nanette Medved se transforme en super-justicière pour rosser les vilains. Moins distraits que devant les mouvements d'Anjanette Abayari dans l'opus suivant, on peut pleinement apprécier les chorégraphies de combat nanardes, les effets spéciaux à base de coloriage au feutre, les séquences de vol à la
Supersonic Man, les bruitages de beignes outrés et le côté girl power enthousiasmant. Le final ne déçoit pas nos attentes et réserve une véritable apothéose. Bref, les films de super-héros philippins, c'est que du bonheur.


Vous êtes faits, gredins !







DARNA RULEZZZZZ!Cependant, la nanardise de l'œuvre ne se réduit pas qu'à ses scènes d'action réjouissantes. Comme nous sommes dans un film populaire philippin, il y a aussi de l'humour... et qui dit humour dit acteurs qui en font des caisses. Les gags sont assurés par deux personnages comiques d'une lourdeur et d'une stupidité à faire de la concurrence à nos films de bidasses hexagonaux. Le premier comparse burlesque est un collègue photographe de Narda nommé Buster. Amoureux de Narda puis de Darna, le rondouillard Buster repousse très loin les limites de la crétinerie. Ainsi après avoir été poursuivi par la Manananggal et s'être réfugié dans une maison abandonnée la nuit, il ne s'étonne pas d'y rencontrer une superbe jeune femme muette, qui disparaît telle un ninja dans un film de
Godfrey Ho et réapparaît au sommet d'un escalier sombre en lui faisant signe de la suivre. En voyant ça, il ne songe qu'à aller faire un câlin à sa nouvelle amoureuse, convaincu qu'il est devenu un tombeur. Combien on parie qu'il va déchanter dans les trente secondes qui suivent ?
Dennis Padilla, arme d'exaspération massive.


Dans la famille des victimes de film d'horreur tellement stupides qu'elles méritent la mort, notre homme est bien gratiné.L'autre boute-en-train de service, c'est le sergent Barurot, chef de la police complètement largué et incompétent, jaloux de la popularité de Darna. Son interprète déforme son visage dans des grimaces paroxysmiques et des roulements d'yeux que n'aurait pas osé tenter un mauvais acteur du cinéma muet. Aussi pédant qu'idiot, ce guignol est tellement nul comme officier de police que quand un sbire du méchant déclare à ce dernier
"Chef, les otages se sont enfuis !" devant notre sergent, celui-ci ne s'en étonne même pas et persiste à croire Dominico Lipolico innocent et Darna coupable. Une absence aussi absolue d'intelligence ferait passer l'inspecteur Lawrence de
Superman le Diabolique pour le plus fin limier que la Terre ait jamais porté.
La rencontre de deux fléaux de non-humour.

Ca expliquerait pas mal de choses...







Superflic se déchaîne.Sans tout à fait atteindre les sommets de
Captain Barbell,
Darna version 1991 demeure un très bon nanar, d'une désarmante sincérité dans ses ambitions de divertissement premier degré pour petits et grands. Voici en tout cas un excellent remède contre la morosité, avec ses couleurs fluos, ses SFX en carton, ses scènes de violence un poil sadique, ses péripéties ultra-naïves, sa musique Bontempi pouêt-pouêt et sa simili-Wonder Woman survolant des
blue screens flous de Manille pour s'assurer que ses concitoyens peuvent dormir sur leurs deux oreilles, tandis que défile la très kitsch chanson du générique de fin. Darna, on t'aime ! Vive Darna !








Ca y est, il a réussi à mettre Darna très en colère. Tant pis pour lui.Note : 3,25/5
Cote de rareté : 4 / ExotiqueOn peut commander sur certains sites de vente en ligne des DVD-R américains du film, en version originale tagalog mais avec des sous-titres anglais. Certains sont zone 0 et d'autres zone 1 NTSC, alors soyez attentifs aux annonces.
Un DVD-R zone 0.
Un DVD-R zone 1.
N'empêche, ce genre de film est un petit évènement qui fait la une de la presse people philippine. Alors, respect !