Après Sympathy for mister vengeance, old boy, et sympathy for lady vengeance, Park Chan Wook revient avec un film qui montre qu'il peut aussi faire des films où personne ne se fait torturer. Une bonne nouvelle, donc, et un renouvellement réussi.
L'histoire en bref : jeune femme élevée par une grand-mère schizophrène se prenant pour une souris, Young-goon Cha porte un lourd secret : elle est convaincue d'être un cyborg. Après avoir tenté de se relier au réseau électrique, elle est envoyée dans un hôpital psychiatrique où elle fait la connaissance de Il-sun Park, kleptomane ayant la capacité de voler temporairement la folie des autres...
Pour faire clair : je suis un cyborg, mais c'est ok, est une comédie romantique ayant pour cadre un asile psychiatrique.
Le film de fous est un mini-genre en soi, avec des représentants aussi fiers que
Vol au dessus d'un nid de coucous,
une vie volée ou encore
le guerrier et l'impératrice (
Der Krieger und die Kaiserin, film superbe et néanmoins inédit en France de Tom Tykwer), voire
T'aime. L'asile y est souvent vu du point de vue extérieur d'un personnage sain d'esprit que les circonstances ont mené là, et peut très vite conduire à une morale de type : en réalité, c'est nous qui sommes les véritables fous !!!
Rien de cela ici : les personnages sont clairement timbrés, et le réalisateur suit leur point de vue, ce qui lui autorise toutes les inventions visuelles : chaussons permettant de voler, personnages qui rapetissent, canons sortant des doigts, etc. Comme en plus Park Chan Wook n'est pas ce qu'on appelle un réalisateur sobre, ça pète vraiment de partout : couleurs ultra travaillées, plans imposssibles sans trucages (travellings perce-mur etc.). Pour qui n'est pas réfractaire à ce style, situé quelque part entre Gondry et Fincher, c'est un régal.
Maintenant la question est : peut-on comprendre et s'intéresser à une histoire de fou racontée par des fous ? Et bien
OUI !!!
Car elle permet à Park Chan Wook d'aborder de façon radicale des thèmes que nous connaissons tous tels que l'amour, le pardon et surtout la douleur de la séparation et la relation aux parents. Entre la jeune femme traumatisée par le départ de sa grand-mère pour l'hôpital psychiatrique et le jeune homme abandonné par sa mère, les personnages ont de lourds traumas, une absence de lien social, que la communauté des fous leur permettra de reconstruire (le thème du marginal se socialisant en se rapprochant d'autres marginaux étant une thématique forte chez Park Chan Wook, visible à travers la communauté terroriste de
sympathy for mister vengeance, ou la prison pour femme de
sympathy for lady vengeance). De ce point de vue, je suis étonné d'avoir lu un peu partout que ce film était une parenthèse amusante dans la filmo du coréen, une distraction lègère et superficielle. Si le film est vraiment drôle, il n'en reste pas moins, à mon avis d'une grande profondeur thématique.
On ressort de ce film en ayant l'impression d'avoir vu un film vraiment étonnant (c'est suffisamment rare pour être souligné), émouvant, profondément humain, et qui gagnera certainement à être revu pour apprécier la richesse de son propos.
Les affiches sont tirées des sites : parissi.com et cineasie.com