Avec LE DEUXIEME SOUFFLE, Corneau revient au genre qu’il affectionne tant : le polar. Genre populaire et ultra-codifié s’il en est. Corneau le sait, bien sûr, et son but n’est pas de transcender ce à quoi il demeure si attaché.
Car s’il s’amuse avec une certaine finesse des codes du film noir (Michel Blanc qui fait de son interrogatoire un véritable monologue, tellement les témoignages qu’il s’apprête à recueillir sont prévisibles, ou encore demande à son adjoint de rester dans son bureau pendant qu’il interroge Monica Bellucci parce qu’il est « très décoratif »), LE DEUXIEME SOUFFLE est avant tout une déclaration d’amour.
Un amour pour le polar, ou plutôt pour LES polars. Il y a Melville, bien sûr, mais pas uniquement. De l’héroïne blonde et mystérieuse aux ralentis sur les balles qui transpercent la chair, Corneau passe par toutes les époques, englobe tous les styles disponibles au sein d’un même genre.
Ainsi, en très humble cinéaste et en cinéphile passionné, il cite autant les classiques que le cinéma plus moderne (il évoque lui même très volontiers les films de Johnnie To ou de Wong Kar-Waï).
Mais définitivement, c’est le cinéma de Peckinpah qui reste l’influence majeure de Corneau. Visuellement, bien sûr, mais tout aussi bien thématiquement parlant, LE DEUXIEME SOUFFLE se veut plus proche de LA HORDE SAUVAGE que du film de Melville.
Ce que LA HORDE SAUVAGE était au western, LE DEUXIEME SOUFFLE l’est au polar : le constat d’une époque qui change, une époque qui ne laisse plus leur place aux vieux de la vieille. Et l’idée de Corneau de raconter une histoire classique avec une mise en scène résolument moderne illustre de manière très pertinente ce changement. Changement des codes visuels et narratifs au sein même du genre, mais aussi changement des mentalités : les jeunes gangsters ont perdu la dignité qui caractérisait leurs prédécesseurs, car elle n’a plus sa place dans cette société de plus en plus policée (et ceci jusque dans les manières de la police elle-même, qui ne se contente plus du mutisme des bandits et n’hésite pas à employer la torture pour le faire disparaître).
Néanmoins, Corneau n’est pas aussi pessimiste que Peckinpah. La quête de ces vieux briscards (dont il fait partie au même titre que son personnage principal, Gu) n’est ici pas complètement vaine, et il leur laisse une chance, un espoir de laisser leur marque, leur empreinte, même si le monde dans lequel ils vivent n’est plus le leur.
Ainsi, la fin du DEUXIEME SOUFFLE est totalement en accord avec la démarche de Corneau et comme Gu, le cinéaste prouve de bien belle manière que si l’évolution est inévitable, les papys ont encore une pêche d’enfer et une rage solide. Pour Gu, cela consiste à conserver son intégrité et sa réputation par tous moyens, et pour Corneau, à faire des films, tout simplement. Car avant toute chose, LE DEUXIEME souffle est un très bon polar, sombre, âpre et violent, et qui fait passer un sacré bon moment. Et ça, c’est le plus important !