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A quoi juge t'on la réussite d'un film?

Se limiter aux pures qualités cinématographiques intrisèques tel que la mise en scène, le découpage, le jeu des acteurs et le scénario est insuffisant. De bons ingrédients ne font pas toujours un bon plat. Quelquefois, un film est même supérieur à la somme de ces éléments. On sent l'oeuvre habitée et d'un niveau qu'on n'aurait pas soupçonnée au début de sa vision.

C'est le cas de ce Séraphine!

Alors évidemment, on savait déjà que Yolande Moreau pouvait être capable de grands rôles, mais franchement qui aurait misé une piécette sur l'inconnu Martin Provost et l'histoire mise en scène avec beaucoup de classicisme d'une femme de ménage devenue peintre. Le film ne révolutionne pas la cinéma et est assez classique dans sa mise en scène très fonctionnelle mais qu'est-ce qui fait qu'on sort si ému et si chamboulé de la salle de cinéma, qu'on a l'impression d'avoir vu un des plus beaux moments de cinéma de cette année et de surcroit un des plus beaux films sur la peinture qui nous ai été donné.

Je ne saurais sans doute pas vous donner la réponse. Martin Provost a l'intelligence de mettre sa mise en scène en retrait. Son style en fondus et en plans fixes, avec le moins d'effets possibles s'efface intelligemment devant son histoire. Et celle-ci est formidable. Comment un collectionneur de peinture allemand découvre du jour au lendemain que sa femme de ménage est pétrie du talent des plus grands génies et devient son mécéne. Cette femme un peu simplette qui n'a jamais pris de cours de peinture, économise jusqu'au denier pour s'acheter de la toile et peint pour être en communion avec dieu et la nature. L'histoire vraie est parfaitement retranscrite par un scénario intelligent et est surtout habitée par une Yolande Moreau dont tous les superlatifs n'arriveraient pas à retranscrire sa performance à l'écran. Tout en présence et en simplicité, elle est plus que marquante, le film lui doit beaucoup. La relation qu'elle a avec Ulrich Tukur, très bien lui aussi, est le coeur du film.

Séraphine n'est pas un film tire-larmes qui banalise et cherche constamment l'émotion. Il y arrive sans s'y forcer jusqu'à un plan final qui est assurément la plus belle image de cinéma de cette année. Certains trouverons que je m'emporte, je vous invite sans tarder à vérifier de vos yeux.

Grand film