Bizarrement le film ne déchaîne pas les passions sur ce forum. Du coup je recopie l'article que j'ai posté sur mon blog (lien original :
http://kevo42.free.fr/spip.php?article79)
L’histoireEn 1979, l’ambassade des Etats-Unis est envahie par les Iraniens. Tout le personnel est maintenu en otage, sauf 6 personnes qui réussissent à se cacher chez l’ambassadeur du Canada. Les jours passent et aucune solution n’est trouvée pour les sauver. Entre en scène Ben Affleck, spécialiste de l’exfiltration, pour les sortir du pétrin.
http://www.youtube.com/watch?feature=player_embedded&v=aDDu6QFyjtgLa hype ArgoBen Affleck a une maxime : « on est jamais mieux servi que par soi-même ». En 1997, il avait rédigé avec son ami Matt Damon le film qui les a révélé : Will Hunting. S’en est suivi des rôles en vedette, Jennifer Lopez, Gigli (amours troubles en français), l’un des films les plus détestés de l’histoire du cinéma, et une chanson pas forcément flatteuse dans Team America.
Revenu à zéro en terme de crédibilité, Ben Affleck s’est reconstruit derrière la caméra. Gone baby gone et surtout the town ont été de vrais succès critiques et populaires dans un genre très codifié : le polar.
Aujourd’hui avec Argo, Ben Affleck vise les oscars, avec une intrigue qui combine histoire et suspense. Elément supplémentaire : le cœur de l’intrigue est que le héros monte un faux film : « Argo » pour faire sortir les membres de l’ambassade. Un choix malin quand on sait que les membres de l’académie aiment les films qui donnent le beau rôle à l’industrie cinématographique. The Artist, vainqueur l’année dernière, peut en témoigner.
Un film solide...Ben Affleck est peut-être un acteur inexpressif, mais c’est aussi un réalisateur très solide. Il sait l’importance d’un bon scénario, qui possède à la fois une histoire intéressante, et qui la raconte bien. Argo est un film qui tourne extrêmement bien. Le film dure deux heures sans qu’on regarde sa montre. On sait constamment où on en est, quels sont les enjeux, ce qui a été accompli et les risques qui demeurent. C’est déjà une réussite incontestable.
Le film ne commet d’ailleurs aucune véritable faute de goût : les acteurs jouent très bien, la réalisation, inspirée par le cinéma américain des années 70 est sobre mais illustre très bien l’histoire. Enfin, le film n’est jamais outré : s’il y a bien quelques pointes d’humour, ni les gens de l’industrie du cinéma, ni les Iraniens ne sont montrés sous un jour trop caricatural.
Enfin, le film se garde quelques moments de tension, qui sont certes assez artificiels, mais qui illustrent parfaitement la règle de Hitchcock : le spectateur sait quels dangers attendent les héros, mais eux ne les connaissent pas. Pas d’effet bouh : juste savoir si la chance sera avec les personnages ou pas.
… mais pas un grand filmThe town était un bon film, mais il avait un gros défaut : sur le même sujet, Heat était meilleur. Plus ambitieux, plus beau, plus dense. Argo a pour lui de ne pas vraiment avoir de films du même genre. Pourtant, il partage le défaut de son prédecesseur : il ne produit pas d’images mémorables. Prenons un exemple idiot : dans Matrix Reloaded, il y a cette image très forte de la moto de Trinity qui explose la cabane de la sécurité de la centrale nucléaire, avant une bagarre à base de coup du scorpion. On aime ou on aime pas le film, mais il est rempli de scènes iconiques.
Dans un style plus proche d’Argo, Munich de Spielberg tape plus fort : non seulement il y a des scènes marquantes (la mort de Marie-Josée Croze, par exemple), mais il y a aussi un propos très fort en terme par rapport à l’histoire du conflit Israëlo – Palestinien : la vengeance continue n’amène que la mort. Et pourtant, Munich est un film qui a des défauts, ce n’est pas le meilleur Spielberg. Il est moins efficace, mais il me semble qu’il reste plus en mémoire.
Argo possède une belle mécanique, mais que nous dit-il sur l’Iran, sur la révolution culturelle, sur l’enjeu de la prise d’otage des membres de l’ambassade ? Pourquoi les Iraniens accepteraient que des canadiens tournent un film de science-fiction en Iran, alors même que le peuple semble rejeter la culture nord-américaine ?
Ce manque de profondeur se voit aussi dans les personnages des évadés de l’ambassade. On les voit très souvent, mais ils n’existent que par leur rôle dans l’intrigue : il faut qu’ils se cachent, qu’ils apprennent leur rôle, ce genre de chose. Mais on ne peut pas vraiment dire qu’ils existent. Bien qu’on ait passé presque deux heures avec eux, on ne peut pas dire qui ils sont.
Du coup, Argo est une très bonne illustration de ce que sait faire Ben Affleck : construire une histoire très solide, bien réalisée, très propre. Maintenant, on aimerait qu’il aille plus loin : proposer une histoire plus profonde, des images plus marquantes. Dur de faire cela sans sacrifier l’efficacité narrative, mais c’est le prix à payer pour vraiment être un grand réalisateur.
Pour en savoir plusPour comprendre comment Tony Mendez récupère non seulement un scénario mais aussi les story-board qui vont avec en si peu de temps, je vous invite à lire cet article extrêmement instructif publié par boing boing :
http://boingboing.net/2012/10/16/how-ro ... -of-l.html