Un film que j'ai longtemps hésité à aller voir, pour des raisons tout simplement cornéliennes. En effet, en lisant vos premiers commentaires ainsi que d'autres glanés sur le net ou ailleurs, j'avais saisi l'importance de voir le film en salle et en 3D. Or, j'avais récemment eu de mauvaises expériences où la séance avait été totalement pourrie par une poignée d'abrutis discutant pendant tout le film ou s'installant aux premiers rangs pour ensuite passer tout le film à pianoter sur leur smartphone, ce dernier levé bien haut à hauteur des yeux afin que ça dérange bien toutes les personnes de la salle, que la petite lumière blanche de l'écran distrait immanquablement de l'intrigue du film. Y a des trucs comme ça qui vous rendent misanthrope...
Or il n'en fut rien. La salle était bien pleine et tout le monde était à fond dans le film, au point qu'on pouvait en entendre certains retenir leur souffle ou expirer bruyamment à la fin d'une séquence intense. Au final, je n'ai rarement autant aimé les gens qu'au sortir de cette séance, parce que le travail sur le son et surtout sur le silence n'aura que rarement été aussi nécessaire que dans Gravity. Ici, pas de jumpscares, pas de suspense à deux balles mais une vraie tension, savamment mise en place au début du film et qui ne descend pas tout au long du périple de Sandra Bullock. Au contraire, on alterne entre le désespoir, la nouvelle épreuve qui semble insurmontable, le moment d'action où l'habileté et le sang-froid le disputent à la chance et l'apaisement avant une nouvelle épreuve.
De ce point de vue, l'idée du deuil du personnage de Sandra Bullock est loin de n'être juste qu'un moyen d'étoffer son personnage pour le fun puisque la lutte qu'elle aura à mener pour s'en sortir et revenir sur Terre s'assimilera à cette gestion du deuil, des premiers temps où on est au fond du trou et qu'on pense qu'on ne s'en sortira jamais jusqu'au moment où on reprend espoir et où on décide de remonter à la surface. Là, le personnage de George Clooney, calme en toute circonstance, joue clairement un rôle décisif tout d'abord en apaisant Ryan puis en lui donnant, par ses conseils et son sacrifice, l'envie de se battre et de tout faire pour s'en sortir et recommencer à vivre. Clooney, c'est un peu le subconscient de Sandra Bullock, ce qui se voit surtout dans la séquence de rêve où son personnage, qu'on croit une demi-seconde sauvé par un des twists scénaristiques les plus malvenus de l'histoire du cinéma, vient l'aider à se souvenir d'une manip' enfouie au plus profond de sa mémoire et que, dans la panique et la tentation de l'abandon qui l'habite alors, elle a complètement oublié.
Mais la grande force du film, c'est vraiment de nous placer au coeur d'une situation et d'une action qui paraissent totalement désespérées. C'est simple : ayant évité de trop en savoir sur le film avant de le voir, tout au long du film, j'étais incapable de me rassurer sur l'issue de l'aventure. Bien sûr, vu la forme que ça prenait, je me doutais bien que Cuaron n'allait pas faire crever bêtement son héroïne en cours de route mais dans le réalisateur réussit quand même ce tour de force de nous faire douter d'un happy-end, mettant Ryan dans la situation la plus désespérée qui soit, à la dérive dans l'espace où personne ne peut venir à son aide, avec ce choix d'un certain réalisme qui empêche d'emblée tout sauvetage à gros sabots à base d'astronautes chinois qui passaient dans le coin par hasard ou de mission de sauvetage mise en place en deux secondes et arrivant à son secours au tout dernier moment.
Un dernier mot sur la 3D, pour une fois véritablement immersive et servant même certaines scènes épurées du film, notamment la séquence où Bullock pleure et où une larme flotte dans la cabine et se retrouve au premier plan, la caméra se focalisant sur elle. De plus, voir les personnages de Bullock et Clooney flotter en trois dimensions ajoute à ce sentiment d'isolement et d'insécurité qui sera leur lot durant tout le film.
Je sais qu'on n'est pas tous d'accord là-dessus mais pour moi, Sandra Bullock (aka La femme de ma vie quand j'étais au lycée) a décroché avec Gravity le rôle de sa vie et elle mérité vraiment l'oscar du meilleur rôle féminin aux prochains oscars.
_________________ Lawrence Woolsey, précédemment connu sous le pseudonyme de deathtripper21...
"Godfrey Ho a beau avoir trouvé des Kickboxeurs américains, le duel entre la mariée et la robe restera LA baston du film." Plissken
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