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À noter que les adaptations sont signées par Kazuo Koike, le scénariste du manga d'origine.
Baby cart, Le Sabre de la vengeance, Kenji Misumi
Film fondateur qui nous montre le héros manifester ses derniers résidus d'émotions et de sentiments avant de s'embarquer définitivement sur la route de l'enfer. L'horrible complot du clan Yagyu, ses rivaux, qui le font passer pour un traître auprès du Shogun. Époque barbare où la justice n'a plus droit de cité et où le code d'honneur du samouraï est poussé jusque dans ses derniers retranchements.
Combats au sabre vifs et tranchants comme l'éclair, geysers de sang. Les plus remarquables sont peut-être celui du début dans la propriété d'Itto Ogami (Tomisaburo Wakayama), qui se finit au bord d'une cascade. Ainsi que le duel dans les champs où le sabreur profite du soleil pour aveugler et défaire son adversaire. Le film manque cependant d'un vrai climax, toute la fin dans la station thermale nous présente en effet d'un coup trop de personnages et on est un peu perdu. Néanmoins, par leur exagération certaines scènes se révèlent fascinantes. Le règlement de compte final dans le village semble vraiment marcher dans les pas du western spaghetti.
Érotisme et plans étranges, travelling sur un chemin de cailloux, surimpressions. Misumi cisèle parfaitement son découpage, avec des plans toujours très soigneusement composés.
Baby cart 2 : l'Enfant massacre, Kenji Misumi
Plus fou, plus fort, plus beau. Cette fois la voie choisie par Itto est constamment menacée, le danger peut surgir de partout. Le ronin est plus que jamais obligé de s'en tenir à une attitude inhumaine où l'on ne fait plus confiance à personne. Par là-même, il semble avoir percé à jour la nature des hommes qu'il croise. Ainsi ce patron d'auberge réticent à l'accueillir et devant lequel il va étaler l'argent. Sa mission est plus dérisoire que jamais (un homme à arrêté, dépositaire d'un secret de tenturerie). Ce n'est qu'un prétexte à vivre de nouveaux danger et pour affronter des ennemis toujours plus forts.
La relation avec le fils est particulièrement développée. Itto sera cette fois réellement mis en difficulté, perdant cette aura d'invincibilité qui en faisait un héros un peu trop détaché du réel. Blessé, il sera soigné par son fils lors d'une des scènes les plus touchantes de la série. Plus tard, Itto devra sauver son fils de la noyade, estimant à la hauteur du puit le temps dont il dispose pour se débarrasser de ses adversaires. Les trois guerriers conservent eux aussi une part d'humanité. Ils ne sont finalement pas très éloignés d'Itto puisqu'ils respectent eux aussi un certain code d'honneur, et ne se battent que pour remplir leur mission ou pour répondre à une attaque.
Les idées poétiques se multiplient (ce guerrier qui suspend sa mort en écoutant le bruit du sang qui gicle de son cou ouvert), les geysers de sang sont plus abondants que jamais.
Baby cart 3 : Dans la terre de l'ombre, Kenji Misumi
On est vraiment à fond dans le cinéma d'exploitation : sexe et violence à tous les étages. Plus que jamais, Kazuo Koike s'attache à dépeindre un Japon médiéval sans foi ni loi. Samurais mercenaires et violeurs, seigneurs comploteurs, jeunes filles prostituées. Au milieu de cette étendue désolée, Itto Ogami et son fils apparaissent comme les derniers garants d'une morale, même si celle-ci est pervertie. La Voie du Samurai semble avoir perdu son sens, et il est là pour lui en donner, quitte à se faire torturer où à utiliser son gamin comme appât. La complicité entre père et fils est toujours le coeur du film, rendue sensible sans aucune parole et à travers le visage impassible du père et le regard curieux du fils.
Les personnages sont intéressants, ça charcle. Les Yagyu sont pratiquement absents de cet épisode qui donne l'impression d'une suite de séquences presque autonomes avant de petit à petit révéler que les différentes pièces et rencontres s'inscrivent dans la même trame.
Le final où Ogami affronte seul plus d'une centaines d'assaillants, archers, cavaliers, et se bat au sabre et aux explosifs est un magnifique morceau de bravoure, mis en scène avec une maestria incroyable.
Baby cart 4 : L'Âme d'un père, le coeur d'un fils, Buichi Saito
Kenji Misumi laisse la réalisation à Buichi Saito pour un épisode de la saga du loup solitaire au caddie particulièrement beau et intense. Ogami Itto est plus impassible que jamais, mais autour de lui, les sentiments sont exacerbés, entre le personnage de la tueuse tatouée qui cherche à laver son honneur dans la vengeance sanglante, son père roi des saltimbanques prêt à sacrifier sa fille pour rester fidèle à son seigneur avant de regretter ce choix, le clan Yagyu plus acharné que jamais, le fils Daigoro qu'on suit pendant un petit moment livré à lui-même à la recherche de son père, etc. Tout en étant extrêmement simple et ressérée, la trame scénaristique parvient à créer chez le spectateur tout un panel d'émotions fortes, entre les scènes de combats (des boucheries toujours aussi stylisées), et les quelques dialogues et flash-backs qui nous en apprennent beaucoup sur les personnages.
La mise en scène est particulièrement inspirée, tentant plein d'effets de montage et de cadrages. Le film s'achève de façon particulièrement osée, abandonnant son héros sur une destinée incertaine. Un bijou.
Baby cart 5 : Le Territoire des démons, Kenji Misumi
Univers toujours aussi intriguant, histoire particulièrement tordue narrée d'une façon étonnamment libre, de très belles scènes de tendresse indicible entre Ogami et Daigoro.
Misumi compose ses cadre de façon superbe et sophistiquée. Je crois qu'à aucun moment, je n'ai été capable d'anticiper un plan. C'est comme s'il s'efforçait de proposer des points de vue complétement inédits par rapport à l'action à représenter (voir à ce titre, la bataille finale dans la demeure du clan Kuroda qui multiplie les caches, les jeux d'ombre et de lumière, etc.). Les affrontements sont pendant la majeure partie du métrage assez brefs et avares en giclées de sang, mais c'est pour mieux se lâcher dans ce climax final, tout simplement ahurissant. Superbe.
Baby cart 6 : Le Paradis blanc de l'enfer, Yoshiyuki Kuroda
L'ambiance est toujours là, constamment tendue, distillant la violence par éclairs, la mise en scène se permet quelques folies dans la composition du cadre, on y trouve des idées assez fabuleuses, mais le personnage du loup solitaire perd pas mal de charisme. Il n'est ici qu'une figure fantomatique sans quête, sans mission en cours, qui attend juste que ses ennemis lui tombent dessus. Ceux-ci ont beau être particulièrement menaçants, leurs attaques s'avèrent un peu décevantes. Contrairement aux autres épisodes, Itto Ogami n'est jamais pris par surprise, jamais blessé. L'histoire se résume très vite aux différentes tentatives du vieux Yagyu pour se débarasser de son ennemi.
Le scenar a certes perdu en complexité par rapport aux volets précédents, mais il y a une mise en parallèle assez intéressante liée à la paternité des deux rivaux du film, Itto Ogami le loup à l'enfant et le vieux Yagyu qui sacrifie ses fils et filles jusqu'à la folie pour assouvir sa vengeance, pour survivre. Yagyu ayant sacrifié tous ses enfants fera encore appel à son fils bâtard qu'il avait rejeté dans la forêt et qui reniera son père.
Et puis le cadre en cinemascope est toujours utilisé de façon magistrale, c'est plein d'idées complétement folles dans les combats. Bref, toujours aussi appréciable mais comparativement aux autres épisodes moins dense (mes préférés restent le 2 et le 4).
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