
Un thriller qui m'a beaucoup plu. Je parle tout de suite des défauts, pour être débarrassé, et ensuite place à la louange. A tête reposée, on trouve des faiblesses dans le scénar, du genre motivation du personnage pour telle action vraiment pas compréhensible, ou bien présence d'un personnage dont le but ne semble être que d'expliquer au personnage principal - et donc au spectateur - pourquoi ceci et comment cela, en fait toutes ces petites choses qui ont pour défaut de n'être pas très crédible et pour qualité d'augmenter la dose émotionnelle. Pendant le visionnage, comme tout ça va assez vite, on n'a pas forcément la présence d'esprit et le recul par rapport à l'affectif permettant d'identifier ces choses comme étant des faiblesses. Il y a des excès dans ce film, mais ils sont légers.
Contrairement à Laura dans
Les yeux de Laura Mars, la vision de Julia est plus faible que la normale, et elle diminue au fil du temps, tandis qu'un inconnu l'espionne et aurait éventuellement tué, ou poussé au suicide, sa soeur jumelle, qui souffrait elle aussi de la maladie dégénérative de la vision. Un sens amoindri, et c'est l'angoisse qui augmente. Bien vu.
Le point fort du film pour moi, c'est l'harmonie des couleurs, principalement des gris colorés, du Rembrandt un peu pâlichon, glauque mais pas déprimant, inquiétant mais pas glacial. On n'est pas loin du film coréen
2 soeurs, beaucoup d'intérieurs sombres avec des bruits flippants. La mise en scène est assez sobre, elle en rajoute par rapport à la perception de la vie quotidienne, mais juste un peu, c'est plein de finesse. Pour situer un peu tout ça, on pourrait dire que c'est
le Silence des agneaux filmé par un De Palma bouddhiste.
Avant que les antagonistes ne se ferment en mode combat à mort, ils évoluent sur le terrain de l'ouverture des multiples possibles, ils se jaugent, tant que la hache de guerre n'est pas déterrée on se dit que la diplomatie, la manipulation, l'hypocrisie peuvent encore être des solutions d'échappatoire permettant de ne pas faire couler le sang, et là dans ce film cette partie est grandiose, le personnage méchant est carrément terrifiant et le personnage gentil tout à fait admirable de sang-froid, d'ingéniosité et de sensibilité.
Les acteurs qu'il faut sont là, la technique cinématographique est éblouissante sans pour autant faire du tape à l'oeil, je prie pour que Guillem Morales rencontre le grand scénariste qui lui permettra de franchir le petit intervalle le séparant du chef-d'oeuvre.