Petite critique à froid mais je dois dire que même plusieurs mois après le visionnage, le souvenir de ce film reste un supplice, peut-être le plus mauvais film - sérieux au budget permettant d'aller au bout de son idée - que j'ai pu voir sur la Shoah (mais en même temps, je n'ai pas vu The day the clown cried de Jerry Lewis qui traîne une sale réputation chez les très très rares personnes qui ont pu le voir). Pour qu'il soit réussi, il aurait fallu que ce film, par son scénario et sa réalisation, nous fasse prendre conscience d'une souffrance, d'une cruauté et d'une injustice qui ont eu lieu dans des rues que nous arpentons tous les jours et dont nous n'avions jusque là pas conscience. La Rafle, c'est presque l'inverse : si on est parfois émus, c'est pas grâce au film mais malgré lui, c'est parce que parfois, en dépit d'un travail d'écriture et de réalisation ratés et grâce à une vraie documentation et un professionnalisme technique qui sauvent quelques scènes, parfois donc, on se souvient que tout ça, ça a vraiment existé. Mais c'est un sentiment indépendant de l'histoire du film et pour quelques moments de prises de conscience, beaucoup de maladresses qui, s'accumulant, nous amènent peu à peu à rejeter ce film après quelques minutes passées à se dire "oui, c'est un peu maladroit mais le sujet est important...". Au bout d'un moment c'est trop et on devient furieux contre un film inattaquable quant à son sujet mais indéfendable quant à son traitement. Parce que ça fait bizarre de descendre à ce point un film qui montre la mort de milliers de personnes mais un événement aussi tragique ne peut se contenter d'un film aussi médiocre, quitte à passer, en le disant, pour un individu amputé de l'empathie et donc pour un nazi potentiel selon les propres termes de la réalisatrice du film.
Alors qu’est ce qui ne fonctionne pas dans La Rafle ? Commençons par les dialogues, d’une platitude confondante quand ils ne constituent pas un catalogue de plaisanteries particulièrement éculées parce que oui bon c’est un drame mais ces petites plaisanteries permettent d’humaniser les personnages principaux, ce qui ne rendra que plus horrible le sort qui leur est réservé. Nous relèverons donc dans le genre blagues carambar :
- Hitler y croit que c’est notre peuple qui a coulé le Titanic ! « Iceberg, encore un juif ! »
- L’épicière, elle n’aime que les bon aryens (jeu de mot !)
- « Je peux pas venir avec toi, j’ai une hernie » « ben elle a qu’à venir avec nous » (était-ce bien la peine de caser cette réplique dix minutes avant que les enfants montent dans les convois de la mort ?)
Ajoutez à ça un passage où on entend un enfant dire le mot "pestacle" et on comprend que dialoguiste, c'est un vrai métier, qui n'est pas à la portée de n'importe qui.
Notons ensuite que si l’idée de raconter heure par heure le calvaire enduré par les juifs de Paris n’était en elle-même pas mauvaise et même vraiment bonne, Rose Bosch annihile elle-même toute escalade dans l’horreur en parsemant ça et là de courts passages mettant en scène Pétain, Laval et même Hitler dans la désormais fameuse scène du gâteau avec figurine de pâte d’amande en forme de lui. Encore une fois, idée pas mauvaise de confronter la réalité dure et sale des juifs opprimés à l’univers aseptisé des puissants complètement déconnectés de l’extérieur, pour qui ces hommes, femmes et enfants ne sont que des chiffres mais cette idée est complètement contre-productive face au parti-pris scénaristique principal. Principe de base d’écriture scénaristique : une idée n’est bonne que par rapport à la stucture dans laquelle elle est sensée s'insérer. Et puis, il faut que la réalisation suive et donne à ces scènes une froideur et un cynisme moins caricatural que "seulement X milliers? C'est pas assez !".
Puisqu’on parle du scénario, rappelons la façon dont il est traité : du point de vue des enfants. On comprend l’intention de la réalisatrice qui est avant tout de mettre en face de la plus grande barbarie les êtres les plus purs, les plus innocents, qui ne COMPRENNENT PAS mais dont la candeur et la naïveté les rend parfois, tel le mythe du bon sauvage, beaucoup plus adultes que les adultes eux-mêmes dans leur façon de poser les vrais questions et de dénoncer l’absurdité du monde dans lequel ils vivent. Là, vient s’ajouter aux blagues carambars évoquées plus haut une tendance à ressortir des vérités fondamentales qui non seulement sont à la limite de la brève de comptoir mais en plus sonneraient déjà faux dans une comédie familiale américaine des années 80. Ainsi, si nous est épargné le discours bien connu « Eh, eh les gars, j’ai réfléchi à un truc les mecs. Hitler, y voulait que tout l’monde y soye grand, blond aux yeux bleus, alors que... Attends attends... Alors que lui, tenez-vous bien... Lui en fait il était petit... brun... et aux yeux noir ! Ben... ben ça veut dire qu’il est con, non ? » (revoir Le dictateur pour une version plus subtile de ce discours), on a quand même droit à « Ouais mais tu vois, les chrétiens y veulent nous tuer pasqu’on est juif, mais y a un truc auquel y z’ont pas pensé, C’EST QUE JESUS, IL ETAIT JUIF ! » Truc de ouf.
Donc, les enfants sont innocents. Dans les mains de Rose Bosch, cette idée, surexploitée, devient une sorte de justification scénaristique extrêmement lourdingue, qui tient plus de la paresse scénaristique que du parti-pris narratif et on nous rappelle tellement souvent que « voyez-vous, c’est parce qu’ils ne comprennent pas » qu’on finit par les voir plus comme des gros boulets que comme de pauvres petites choses perdues dans un monde de brutes. Là on se trouve clairement dans la situation où je me sens assez mal à l’aise d’écrire quelque chose comme ça parce que par exemple la scène où une voisine tente de sauver des enfants juifs en les faisant passer pour les siens avant que ceux-ci tendent les bras vers leur vraie mère en criant « maman ! » sous les yeux des nazis, c’est vraiment arrivé mais ressassé encore et encore dans le film, c’est très très très lourd. Du coup, quand pour la 36e fois on nous fait le coup avec le gamin qui mange un bout de pain et crache un charançon devant un policier qui passait par là et lui colle une baffe parce qu’il a cru que c’était un geste de défiance, ben ça fait trop et ça détruit totalement une idée qui aurait pu être incroyablement poignante et aurait trouvé son point d’orgue avec ce petit garçon qui part en courant vers le camion qui l’emmène vers la mort parce qu’il croit qu’il va retrouver sa mère (morte hors champs au début du film).
Par exemple, dans Les Uns et Les Autres de Claude Lelouch, il y a une scène formidable où un couple juif sort de son immeuble sous escorte nazie, et leur enfant sort d’un meuble où ils l’avaient caché en demandant, comme s'il venait d'interrompre une partie de cache-cache : « Vous allez où ? ». Les parents l’étreignent dans un sourire triste et ils partent ensemble pour les camps. Tout est dit. Le scénario de La Rafle, c’est un peu la version voiture de clown de cette scène, soit trente variations autour de cette même tragique naïveté des enfants.
Venons-en maintenant au casting. Je ne sais pas si vous l’avez remarqué mais ce qui est irritant dans ce film c’est que tout le casting de têtes connus joue soit des victimes soit des gens formidables (Denis Ménochet, ça compte pas vu qu’il était moyen connu à l’époque du tournage). Passons sur Gad Elmaleh pour qui « faire son Tchao Pantin » signifie juste jouer sans intonation et sans expression faciale, mettons de côté Mélanie Laurent qui a toujours une fâcheuse tendance à confondre émotion et spasmophilie et qui, tout au long du film, se lance dans un triathlon de soutien aux déportés Je cours/Je fais du vélo/je me noie dans les bons sentiments.
A part ça, nous pouvons constater que la moitié des acteurs du cinéma français s’est donné rendez-vous ici récupérer sa carte de comédien humaniste. Ca va de Jean Reno tellement impliqué dans son rôle de médecin juif prêt à tout pour soulager les souffrances de son peuple qu’il en oublie de donner de l’intonation à sa voix quand il balance ses répliques, à Thierry Frémont en chef des pompiers qui dit, droit dans ses bottes et dans les yeux du chef des policiers « ce que vous faites est indigne ! ». Lors de l’avant-première, cette réplique a certainement provoqué une Ola spontanée du public, parce que c’est vrai que le comportement des figurants qui jouent les policiers et les miliciens aux faciès marqués par la haine était indigne, heureusement qu’il y avait des stars qui passaient par là pour leur faire remarquer. Laissez-moi vous dire que moi, à cette époque, j’aurais fait pareil ! (Tout ça pour dire que si on part du principe que le public aime à s’identifier aux stars et que celles-ci n’ont dans ce film que les bons rôles, on en viendrait presque à remettre en question la volonté des auteurs du film de chercher à relancer un débat comme « et vous à l’époque, qu’auriez-vous fait ? »)
Pour finir sur ce chapitre, rappelons que l’un des effets pervers de cette pipolisation du casting fut de transformer l’avant-première du film en événement mondain, Gad Elmaleh ayant très judicieusement choisi d’officialiser lors de cette soirée sa relation avec Marie Drucker. Le lendemain, les magazines people ne parlaient que de ça, on aurait oublié de projeter le film que ça aurait gêné personne… (oui, j'exagère un brin...)
Si la rumeur courait déjà depuis quelques mois, les clichés pris ce lundi 8 mars 2010, à l'occasion de l'avant-première du film La Rafle, semblent lever tous les doutes.
Gad Elmaleh et Marie Drucker ont en effet décidé de sauter le pas en s'affichant officiellement devant les objectifs et les caméras, multipliant les gestes tendres et complices.
Arrivés main dans la main, le Chouchou du public français et la nièce de l'animateur Michel Drucker ont accepté de poser ensemble devant les photographes, s'échangeant tour à tour de petits baisers appuyés sur la joue (photo) et dévoilant ainsi au grand jour leur belle romance.
Pourtant, le film ne démarrait pas si mal avec cette scène du soldat allemand qui filme Montmartre, tourne sa caméra vers un petit enfant avant de réaliser que celui-ci a une étoile jaune cousue sur sa veste. Mais passée cette scène, on entre direct dans le tout blanc ou tout noir avec les amis goys des juifs qui sont solidaires et ouvrent leur gueule devant les allemands quand c’est pas à l’extrême inverse l’épicière à sa fenêtre qui crie comme une folle « Ah ah, bien fait pour eux ! » quand les juifs sont déportés. Quand on assiste à ça, on a peine à croire que Rose Bosch fut la scénariste du 1492, Christophe Colomb de Ridley Scott. En effet, si c’est pas vraiment le meilleur film de Scott, il y avait quand même une intelligence d’écriture et une ampleur dans le récit qui font ici cruellement défaut tant s’accumulent les facilités voire les incohérences.
Rien que cette scène finale au cours de laquelle Mélanie Laurent retrouve coup sur coup, juste le temps de se retourner, deux de ses anciens protégés histoire de dire « elle va pouvoir trouver le repos, elle qui a tant donné pour tous ces gens », ou alors Gad Elmaleh dont le rôle se limite à jouer le gars qui n’y croit pas puis à faire le gars qui ne veut pas croire avant de faire le gars qui aurait peut-être dû y croire, pour finir avec ce gros plan sur le regard caméra d’un enfant « aux yeux qui en ont tant vu qu’ils sont devenus gris » (P. Desproges), on se dit qu’on se trouve quand même là face à un cas d’école. Rose Bosch pensait qu'il était important de faire un film sur la rafle du vél d'hiv', après avoir vu La Rafle, on continue à attendre le film en question.