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Il y a très longtemps, dans un sombre royaume, naquit "une enfant au teint blanc comme la neige, aux lèvres rouges comme le sang et aux cheveux noirs comme le bois d’ébène ! " Très belle, sa chevelure noire et la blancheur de sa peau lui valent le surnom de Blanche-Neige. Seulement, sa beauté attise la jalousie de la diabolique reine Ravenna, sa marâtre. En quête de la jeunesse éternelle, cette dernière missionne Éric, un chasseur, d'éliminer cette jeune femme qui ose lui faire de l'ombre.
Source: Première.
Surpris, en bien, par ce blockbuster qui a réussi à me satisfaire au-delà de mes espérances. Je m'attendais à un divertissement lambda et j'ai eu un film un peu plus profond que ce à quoi je m'attendais. Alors effectivement, offrir une relecture du conte de « Blanche-Neige » n’a rien de très ambitieux si on réfléchit, mais le film parvient à en tirer quelque chose de dérangeant. Je ne dirais pas que le film est violent, mais il a peut être de quoi provoquer quelques cauchemars pour les plus jeunes spectateurs, croyant découvrir une version live du classique de Disney. D'aillleurs en parlant du dessin animé je trouve que le film, à vouloir s'éloigner de l'idée qu'on se fait du conte, finit par revenir à l'histoire de base, laquelle est bien plus sombre. Du coup, finalement, ce qu'on nous vend comme une nouveauté n'est ni plus ni moins qu'un retour aux sources. Idem, à vouloir s'éloigner d'un modèle, le long-métrage s'embourbe peut être un peu dans d'autres clichés. Les codes de l'héroïc-fantasy sont ainsi référencés avec une rigueur qui peut faire peur lorsqu'en plus de la princesse et du guerrier de chasseur, on nous ajoute des nains qu'on avait vu venir mais aussi un archer sorti de nulle part, lesquels viendront mener une quête pour bouter hors du trône la reine, méchante et cruelle. En fait, ne manquait plus qu'un magicien pour aider notre héroïne mais il faut croire que Blanche-Neige a décidé de s'enfuir le jour du colloque annuel des sorciers en tout genre. De ce point de vue, le film ne fait pas dans l'original, allant même jusqu'à nous offrir des plans qu'on dirait sortie du "seigneur des anneaux" (on ne peut plus faire un film de ce genre sans voir des gens marcher dans une montagne). Pourtant, si on met de côté ces quelques fausses notes, on peut être séduit par l'imagerie globale du film. Certains la trouveront peut être outrageante, tant chaque plan, générique compris, est construit pour mettre en avant son identité visuel et son graphisme. Mais ceux qui adhérent apprécieront de traverser les différents tableaux peints par un Rupert Sanders dont j'espère que la carrière ne patira pas du mini-scandale qui entoura la sortie du film, le bonhomme ayant visiblement était choisi comme victime expiatoire dans cette affaire, histoire d'épargner Kristen "Marie couches-toi là" Stewart. D'ailleurs, si le type semble très à l'aise pour filmer des décors et des beaux costumes, il sait aussi mettre en valeur ses comédiens. Je n'aime pas trop cette expression qui vise à dire qu'un metteur en scène "fait l'amour à son actrice" à travers l'objectif mais il y a peut être un peu de cela dans la façon dont Sanders filme celle avec qui il vivait une aventure sur le tournage. Je n'ai jamais été touché par le charme de Kristen Stewart mais là, elle paraît sublimé par la caméra, tout comme Charlize Theron parait tour à tour iconisée dans une stature de grâce trop iréelle le pour être vraie, puis sale et repoussante au fur et à mesure que sa magie décline. Certes, le maquillage, les éclairages et les effets spéciaux aident beaucoup, mais il suffit de regarder d'autres films pour se rendre compte que des prothèses ne suffisent pas toujours à rendre crédible l'image que l'on voudrait donner à ses personnages.
Mais la réussite qu'est "Blanche Neige et le chasseur" ne repose pas que sur son visuel. Bien qu'étant un divertissement à gros budget, il se permet d'offrir une histoire qui reste plus maline qu'il n'y parait. Déjà dans sa façon de se jouer des codes. On retrouve tout ce qui fait le conte initial, la pomme, les nains, le baiser salvateur mais pas tout à fait mis en scène de la même façon. Du coup, on en arrive à être surpris par des choses qui sont, dans notre imaginaire, gravés dans le marbre. Il y a aussi une envie d'apporter un peu de profondeur, d'explorer des sujets adultes. Le thème de la folie est par exemple très présent, notamment par le rôle de la reine, interprêtée par une Charlize Theron qui cabotine utile, histoire de nous faire croire avec réussite qu’elle a vraiment un pète au casque. L’exemple le plus évident intervient rapidement lorsque la méchante belle-mère se place devant son miroir, oh beau miroir… . Se materialise alors devant elle une espèce d’entité, qui viendra lui expliquer que certes, elle est fort belle mais que Blanche-Neige l’est plus encore, vous connaissez la suite… . Sauf que le réalisateur a la bonne idée d'offrir un autre point de vue sur la scène via la présence du frère de la Reine, planqué derrière une colonne. Et celui-ci, lorsqu'il regarde sa soeur, ne voit pas la créature, simplement une femme parlant toute seule! L'idée en soit n'est pas très originale mais elle est l'une des choses qui permettent d'avoir une vision différente sur le personnage, loin de la sorcière mauvaise pour être mauvaise. Car si celle-ci est méchante et folle à lier, il y a une raison qui nous sera expliqué. Il est d'ailleurs intéressant de voir de l'histoire ose un parallèle entre le cheminement de la monarque maléfique et sa belle-fille, les deux finissant par agir de la même façon pour devenir reine, connaitront des épreuves qui se ressemblent, sont toutes les deux les jouets d'une malédiction... . L'un des derniers plans verra même Blanche-Neige regarder à son tour dans le miroir. Preuve qu'elle va elle aussi devenir une reine cruelle ? Une piste intéressante pour une éventuelle suite. Je n'ai pas pu m'empecher non plus de remarquer une dimension mystique dans cette oeuvre. Blanche-Neige qui prie au début, qui finit par mourir, puis resusciter, la blessure au flanc de la reine... . Les références au christianisme sont présentes et se retrouve aussi dans l'opposition entre la Reine et Blanche-Neige. Ainsi, les personnages finiront par suivre aveuglement l'une ou l'autre comme s'ils étaient touché par une conviction, une croyance qui les dépasse. Il suffit de voir certains des protagonistes réagir à la vue de Blanche-Neige et l'appeler leur sauveuse, pour se dire que le scénariste a sans doute voulu faire de son héroïne une allégorie sur la Sainte Vierge. Et de l'autre côté, il n'est à mon sens pas anodin que la Reine se retrouve par moment coiffé d'une couronne qui peut évoquer certaines représentations que l'on a de Marie. Ainsi, on croit en Blanche-Neige, on sent sa grâce et on est prêt à croire en elle sans voir et en face, on présente sa belle-mère comme une image, une incarnation mais qui ne reste que cela. Une façon d'opposer la Foi au dogme ? Il aurait sans doute fallu appuyer un peu plus pour aller jusqu'à l'affirmer mais il y au moins, à mon sens, une tentative d'aller dans cette direction.
Ainsi, certains trouveront sans doute que trop d'esthétisation tue l'esthétisation. Mais personnellement, j'ai beaucoup aimé le graphisme du film ainsi que cette façon de rompre avec l'idée un peu lisse qu'on se fait de "Blanche-Neige", sans négliger pour autant ce qui fait l'intérêt de l'oeuvre originale. Tout comme j'ai apprécié de voir un blockbuster un peu plus intelligent que la moyenne ou du moins, qui faisait au moins les efforts pour tenter de l'être. De quoi me rappeler le temps d'une héroic fantasy à l'ancienne, plus proche de "Willow" et "Ladyhawke" que certaines boucheries préférant la brutalité à la poésie.