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Un thriller hitchcockien, tout du moins, qui essaie de l'être. Un type ordinaire pris dans un complot qui se referme sur lui, narration en temps réel, suspense haletant, le film de John Badham donne l'impression d'utiliser les recettes du Maître mais en plein milieu des années 90. En s'imposant une double contrainte de lieu (l'immeuble que le héros ne peut pas quitter) et de temps (il a 90 minutes pour sauver sa fille), le réalisateur peut facilement créer une tension qui ne quittera pas le spectateur mais dont on se dit qu'elle a aussi certaines limites. En effet, il arrive un stade où le scénario semble justement piégé par ses bonnes idées, le héros ne pouvant sortir plus loin qu'au bout de la rue d'en face, on se retrouve à tourner en rond dans le building. Même chose pour la contrainte de temps, l'homme doit tuer le gouverneur, il hésite, essaie de parler au type qui lui cire les chaussures pour qu'il puisse lui venir en aide et comme ça ne marche pas, se résigne, va aux toilettes puis veut prendre un verre. Sauf que lorsque cette boucle est finie, après avoir fait une première tentative pour approcher sa cible... le type recommence sans que cela ne choque personne ni éveille les soupsçons des ravisseurs qui le surveillent! C'est à mon sens, le gros problème du film, cette impression qu'arrivé à un point, le scénariste ne sait plus quoi faire pour allonger la sauce avant le dénouement. On notera aussi quelques facilités, comme des comploteurs bigrement nombreux, au point d'avoir l'impression que Jeannot Profond ne peut pas ouvrir une porte sans tomber sur un conspirateur. L'utilisation de certains personnages n'est pas non plus toujours subtile, je pense notamment à celui de Christopher Walken. Certes, il est logique qu'il soit toujours derrière le dos de son poulain pour vérifier qu'il va bien faire ce qu'il lui demande, à savoir, tuer quelqu'un. Mais à chaque fois que l'on croit le héros tranquille, ce qu'il lui offrirait une opportunité de prévenir quelqu'un des événements qui risquent d'arriver, Christopher débarque sans prévenir pour l'en empêcher. La première fois, pourquoi pas, ça marche mais au bout du cinquième "coucou, je suis là, fais pas le malin!" on se croirait dans un de ses Tex Avery où le loup tente de fuir Droopy et finit toujours par le retrouver planté derrière lui, même lorsqu'il est sensé avoir mis plusieurs kilomètres entre lui et le chien monoexpressif. Autre protagoniste à offrir des fausses notes, le cireur de chaussures dont on met pas deux minutes à nous dire qu'il est un ancien héros de guerre. Pas besoin d'avoir vu une centaine de films pour alors deviner que le gars fera preuve d'un acte héroïque à un moment ou à un autre du récit... .

Néanmoins, mis à part ces soucis flagrants, le film fonctionne super bien. On reste captivé par le destin du personnage de Depp, très bon choix pour le rôle en passant, le bonhomme n'étant pas encore le Jack Sparrow que l'on connait, donc pas un "action-hero" qui aurait pu rendre le personnage peu crédible, juste un gars qui fait "normal". Christopher Walken pour sa part est toujours à l'aise pour jouer les gros salopards du coup, le contraste entre les deux contribue à l'ambiance stressante du film. On retiendra aussi quelques scènes bien foutues, que ce soit les tentatives manquées du personnage principal de prévenir quelqu'un qu'un complot se prépare ou bien encore une discussion entre le gouveneur et son mari qui vire à l'interrogatoire déguisé. Du coup, même si on se dit "c'est dommage, il y a des trucs qui aurait pû être mieux" ça reste dans la moyenne haute des thrillers made in années 90. Un long-métrage qu'instinctivement on ne citerait pas lorsqu'il s'agit de nommer un bon film à suspense, vu qu'il est tout de même un peu méconnu par rapport à d'autres, mais qui pourtant fait bien partie de cette catégorie.

J'ai toujours du mal à avoir assez de suspension d'incrédulité avec ce genre de film où des méchants choisissent un mec lambda au hasard ou parce qu'il a un métier qui colle à leur objectif, kidnappent un membre de sa famille et lui intiment l'ordre de tuer/voler/faire évader quelqu'un sous peine de la mort de l'otage.
Non seulement je les trouve toujours très optimistes pour penser que le premier venu va réussir à faire ce qu'ils lui demandent, mais en plus ils doivent parfois déployer tellement d'énergie et de gens pour le surveiller qu'on se dit qu'ils auraient pu le faire plus facilement eux-même, ou payer un professionnel de la chose.

Par exemple, prendre en otage la planche d'un surfer pour l'obliger à transporter des cassettes pirates cachant de la drogue servant à financer un coup d'état permettant au chef des méchants de prendre le pouvoir sur une île qu'il contrôle déjà? (Oui, ce scénario existe. Les forumeurs de BDtrash confirmeront.)

Ah, Chris Melville et son statut jalousé de "sidekick de sa propre BD"...

On est d'accord, mais la contrainte de temps aide ici à faire passer la pillule. Le bonhomme n'a pas vraiment le temps de réfléchir, d'établir un plan ou je ne sais quoi d'autre du coup, il fait ce qu'on lui dit parce qu'il est pris au dépourvu, déjà, il n'a pas l'opportunité de prendre du recul pour trouver un moyen de s'en sortir. Et aussi parce que le temps défile vite, c'est pas comme d'autres histoires où on prend l'otage et qu'on laisse une semaine au bonhomme pour executer la basse besogne. Après faut aussi comprendre les commanditaires: faire le boulot soi-même c'est se salir les mains et risquer d'être pris, un assassin, ça peut aussi se faire arrêté et balancer ceux qui l'ont payé. Alors qu'un pigeon, on peut facilement le faire passer pour un déséquilibré, surtout si on a prévu de se servir de son statut de chef de la sécurité pour l'abattre une fois le contrat rempli. Alors oui, c'est du boulot, mais il y a des avantages.