HAMBURGER HILLRéalisateur : John Irvin
Année : 1987
Pays : Etats-Unis
Genre : Guerre
Durée : 1h52
Acteurs principaux : Dylan McDermott, Courtney B. Vance, Tim Quill, Anthony Barrile, Don Cheadle...

1968-1969 : James Carabatsos sert au Vietnam comme MP dans un bled à la frontière cambodgienne. James Carabatsos déteste les hippies et croit à la noble cause américaine chez Dédé l'bridé. James Carabatsos se sent offensé par
"Apocalypse now" (qui montre les forces héliportés US massacrant depuis leurs hélicos un village de partisans nord-vietnamiens _
"Ca n'a jamais existé !" soutient James... mouais...) et trouve
"Voyage au bout de l'enfer" "ridicule" (
"Un mec des Forces Spéciales avec une barbiche ? N'importe quoi !", même si dans le film Robert De Niro est bien glabre quand il crapahute dans la jungle...). James Carabatsos veut un film qui restaurerait définitivement l'image du vétéran du Nam dans le cœur du public américain, qui rendrait hommage au courage, à l'abnégation et à l'honneur des GI's dans ce conflit. Pour cela, il compte raconter la bataille héroïque de la "colline 937", surnommée "Hamburger Hill" par les soldats américains qui réussirent à la prendre aux Nord-Vietnamiens à l'issue de dix jours d'assauts acharnés. Des tonnes de bombes, de napalm et de gaz au phosphore larguées sur les positions Nord-Vietnamiennes retranchées au sommet de la colline, le sacrifice de 62 Américains et de plus de 600 Nord-Vietnamiens seront nécessaires pour que les "Screaming Eagles" de la 101ème division aéroportée prennent la colline le 20 mai 1969. La colline fut abandonnée à peine deux semaines plus tard car l'état-major US s'est "aperçu" qu'elle n'avait aucun intérêt stratégique, un épilogue qui fit scandale à l'époque. Avec ce film, James Carabatsos veut être la voix de millions de vétérans frustrés, le genre qui portent fièrement une casquette "Vietnam Vet" et accrochent leurs décorations au mur de leur salon sous la bannière étoilée et au dessus du M16 qu'ils ont ramené en souvenir de là-bas (car pour se défendre des hordes de hippies armés de crottes de chiens qui les guettaient à l'aéroport, les vétérans pouvaient heureusement conserver leur fusil d'assaut avec chargeur et munitions légalement réapprovisionnables après leur démobilisation).

Bref, James Carabatsos, c'est l'anti-Oliver Stone. Il va mettre des années à peaufiner son scénario, à force de recherches assidues et d'interviews d'anciens d'Hamburger Hill, pour accoucher du script qui prendra vie, avec le soutien d'une co-productrice dont le fils a servi au Vietnam et le talent du réalisateur britannique John Irvin, qui fut correspondant de guerre pour la BBC au Vietnam. Le script sera directement soumis à l'approbation du Pentagone, qui exigera de nombreuses retouches pour montrer l'Armée US sous un jour encore plus favorable (moins d'allusions au tourisme sexuel des trouffions dans les bordels locaux et une fin plus optimiste avec l'ajout d'un commentaire hyper-glorificateur et nationaliste défilant pendant le générique final). En échange, l'état-major apporta un soutien matériel très important à ce film tourné aux Philippines pour un budget confortable mais pas colossal de 13 millions de dollars.

Le résultat est un des films les plus mémorables réalisés sur la guerre du Vietnam, l'un des films de guerre les plus crus et réalistes du cinéma. De toutes les œuvres guerrières que j'ai vu, c'est peut-être celle qui retranscrit le mieux la peur au ventre des soldats avant de monter à l'assaut, la violence des combats, la guerre montrée sous son jour le plus nauséeux, un gâchis de vies humaines effroyable qui ne donne franchement pas envie de s'engager. Presque tous les personnages meurent de façon atroce. Le ton est très pessimiste, la musique (superbe) de Philip Glass apporte une ambiance à la fois très sombre et épique à l'ensemble, les acteurs sont tous très bons (aucune star parmi eux mais des comédiens doués qui jouent avec leurs tripes), la réalisation est sobre, les dernières images sont crépusculaires et apocalyptiques à souhait et l'action est à couper le souffle. Coté authenticité historique, rien n'est laissé au hasard, le quotidien des GI's est bien dépeint et le style est quasi-documentaire.





Sur le fond,
"Hamburger Hill" est un film qui camoufle très habilement un discours profondément réactionnaire, militariste, anti-pacifiste et reaganien derrière des éléments très critiques envers l'intervention militaire au Vietnam : sacrifice des appelés noirs envoyés dans les coins les plus pourris du front et toujours victimes de ségrégation raciale, ordres supérieurs donnés par un état-major incompétent, soldats et officiers qui ne croient pas au bien fondé de la guerre et ont surtout envie de se tirer, hélicoptères américains mitraillant par erreur leurs propres hommes, respect pour les combattants du camp adverse, absurdité du bain de sang...

En mettant l'accent sur le réalisme et en donnant à son film très droitier de vagues airs de cinéma contestataire, le scénariste James Carabatsos peut s'autoriser quelques dialogues où il laisse pleinement échapper sa haine viscérale du mouvement hippie, des "déserteurs" qui s'exilaient au Canada pour échapper à la conscription (alors que le devoir de tout vrai Américain était de se battre contre les cocos et mourir au Nam
"avec les copains" nous dit-il) et des correspondants de guerre, ces sales traitres planqués exploiteurs de la souffrance des valeureux GI's (sympa pour John Irvin !). Si on s'arrête à la première impression que donne le film, c'est le portrait très sombre et désabusé d'une génération sacrifiée dans une guerre particulièrement brutale. Si on lit entre les lignes, c'est en fait une victimisation globale de l'ensemble des soldats américains ayant servi au Vietnam, avec un coté assez macho et revanchard quand on y réfléchit, glorifiant la fraternité d'armes de façon très sectaire et condamnant la mère patrie ingrate envers ses héroïques martyrs. Là où
"Rambo 2" et
"Portés disparus" se contentaient de reprendre la formule démagogue de Ronald Reagan selon qui cette
"juste cause" n'avait pas été perdue par les militaires mais par les politiciens qui avaient
"peur de gagner la guerre", James Carabatsos va plus loin en nous suggérant discrètement que ce sont carrément les hippies qui furent la cause de la défaite. Avec ses grandes qualités cinématographiques au service d'une idéologie assez nauséabonde sans en avoir l'air,
"Hamburger Hill" peut être considéré comme un chef-d'œuvre du cinéma de propagande, très largement plus convaincant et efficace que
"Les bérets verts" de John Wayne et que tous les films plus ouvertement patriotiques d'Hollywood.
Personnellement, j'adore ce film, c'est toujours un plaisir de le revoir. Un grand classique à (re)découvrir absolument pour tout inconditionnel du cinéma de guerre.
"Quand les clairons se taisent", un téléfilm de John Irvin se déroulant pendant la Seconde Guerre Mondiale, sorti abusivement en DVD sous le titre "Hamburger Hill 2".