Je ne comprends plus l’univers dans lequel je vis. Qui sommes nous ? Où est-ce qu’on va ? Quel est le sens de tout cela ? Est-ce qu’il y a vraiment un sens à cette existence ? Est-ce qu’il y a bien eu une polémique sur un MnMs lesbienne ? Est-ce qu’une polémique sur un MnMs violet lesbienne a un quelconque sens ?… Bon, OK. Je sais ce que vous pensez. Vous pensez : « Mince, j’ai mangé des lesbiennes violettes hier? ». Attendez, quoi ??! Ah merde, pensez mieux que ça !! Vous pensez : « Mon vieux Bataille, vous avez déjà cramé la moitié de la chandelle, le demi-siècle n’est pas si loin que ça, donc ce n’est plus vraiment VOTRE monde, mais autant voire plus celui de vos cadets. Si vous ne le comprenez plus, c’est que vous n’êtes plus à la page. Alors prends ta canne et va sur le banc attendre le bus, boomer ». Et vous n’auriez peut-être pas tout à fait tort, car aujourd’hui, je vais vous traduire mon ressenti, et mon amertume, sur Deadpool 3.
Bienvenue dans le Deadpoolverse, l’univers où tout le monde semble peu à peu frappé d’un violent syndrome Gilles de la Tourette scatologique : la maladie, tel un Covid insidieux, paraît s’introduire dans chaque personnage ou antagoniste de manière plus ou moins rapide et à des niveaux de concentration plus ou moins élevés. Volonté de réalisation (la Deadpoolerie se répand dans tout Marvel?), habileté (??!) d’écriture, ou bien dialoguistes en mode balek se disant que finalement, cela vaut-il le coup de donner des registres de langage différents à chaque personnage afin de s’adapter au caractère et à l’origine de chacun, alors qu’il suffit de faire des phrases simples (simplistes?) pour tout le monde, et tirer de temps en temps du chapeau un gros mot ou une expression salace (voire parfois une grosse poignée quand on se veut subversif) pour faire rire le spectateur ? Gneeeeh, je crois que je vais choisir la troisième option, et avec une petite salade, et pas une grande frite, Mademoiselle, mais sans oignons, ça me donne des gaz.
On a là un très bel exemple de l’opus qui se prend les pieds dans le tapis en voulant rejouer à son propre jeu. Telle la tasse à café poussée peu à peu vers le bord de la table par un chat aussi curieux que désobéissant, le film, ou plutôt la franchise, finit par se casser la gueule en tentant de ressortir la même formule, en l’étirant et en l’outrant au maximum, tout en faisant des clins d’œil bien trop appuyés pour rappeler qu’on batifole maintenant sur les terres de Disney, qu’on a les bottes pleines de caca (et d’autres substances non abordables sur tous les canaux un tant soit peu distingués) et qu’on a sauté consciencieusement par-dessus le paillasson en entrant.
Chacun sait que Deadpool est une franchise dans laquelle le quatrième mur est sûrement le personnage le moins respecté. En effet, les digressions, clins d’œil au spectateur et autres meta-commentaires sont légions, et ils ont été pour partie à l’origine du succès du premier opus, comme une bonne traduction du côté siphonné du personnage à l’écran. Rappelons que dans l’univers comics, Deadpool a plusieurs personnalités qui se côtoient, se supportent ou s’engueulent, et qu’il semble parfois être au courant qu’il est un personnage fictionnel, tout en n’usant jamais de capacité spécifique à ce « pouvoir » (comme regarder la page suivante, ou tirer dans la case d’à côté, enfin j’ai pas tout lu, merci de me contredire si vous en savez plus), ce qui donne l’impression que soit Deadpool est complètement barré, soit il sait qu’il vit dans une fiction, soit les deux. La personnalité que lui donne Ryan Reynolds est plutôt bien retranscrite et adaptée au format cinématographique, tout en restant en deçà : le personnage est attachant tout en se comportant comme un connard égoïste, avec des changements de ton et d’humeur, parfois, qui laissent supposer de grosses difficultés à garder concentration et personnalité. De même, il n’abuse pas de son caractère méta et ne l’utilise pas comme un super pouvoir joker, et se permet de monologuer à destination de la salle, et à faire des retours arrière magnéto et des commentaires sur l’équipe technique ou le MCU.
Cela étant dit, l’expérience Deadpool 3 est épuisante de Metatruc. Et c’est là que le bât blesse. Car une bonne partie du début du film, et des blagues « meta », ne deviennent qu’un long Disclaimer pour dire « attention, on est chez Disney, alors on peut plus rien dire et on peut plus rien faire », et au final, on fait tout pareil, mais on rajoute un clin d’oeil ou un regard outré en commentant « oh là là, vous allez laisser passer ça chez Marvel Disney ? ». Alors si la blague fait sourire une fois ou deux (par exemple la référence à la coke qu’on aura pu voir dans la bande annonce), elle est là appuyée jusqu’à la gerbe. Deadpool se balade dans le film comme un touriste trop extatique et audio descriptif, ce qui nuit largement au visionnage. Au revoir les clins d’oeil subtils et les easter eggs en arrière plan, Deadpool se comporte comme une instagrameuse championne du selfie qui visiterait Poudlard. Rien ne vous sera épargné. Le film a beau être riche en références, on ne peut s’empêcher de penser « ta gueule et embraye » à force de le voir arrêter l’action pour y aller de son petit commentaire sur un objet, un personnage, ou une situation non Disney-compatible.
On peut par contre accorder ça au film (et pour moi c’est un bon point), il y a une bonne série de caméos plus ou moins oubliés, mais qui finalement font plaisir à voir (je ne spoile pas pour ceux qui n’ont pas encore été en salle). En effet, une bonne partie de l’action se passe dans ce qu’on pourrait appeler « la poubelle du nexus de toutes les réalités », sorte de zone fantôme à la sauce Marvel (oh tiens, un logo 20th Century Fox s’y est fracassé, oh oh oooh), ce qui permet de rapatrier beaucoup d’oubliés, cela dit sans trop se fouler, toutes les références étant passées au-dessus de la barre de l’an 2000. Donc non, toujours pas d’apparition de Japanese Spiderman aux commandes de son Leopardon (aaaaaargh, pourquoi, mais pourquoi ? C’était le moment les mecs !!). Quoiqu’en fait, en réfléchissant, le film leur donne une vraie partie de l’action, un combat entier eeeeeet plutôt bon ? Enfin bon comme tous les combats Marvel sont bons, c’est à dire boarf, un combat marvel classique cutté à balles shakycam ras du sol posture iconique et caméra qui tourne… et en ça, ok c’est plutôt cool… Sauf un personnage caméo… Qui se fait humilier sévère, et plusieurs fois… Et c’est encore du meta-subversif-blabla-clin-d’oeil-oui-j’ai-compris-et-c’est-chiant-d’écrire-en-tirets.
Cela dit, que dire sur les protagonistes ?
Le personnage de Cassandra Nova, jouée par Emma Corrin, est plutôt bien interprétée, du moins au début, car elle se fait petit à petit happer dans le Deadpoolverse, et si au départ elle cabotinait légèrement (ce qui va bien avec son rôle de grande cheffe de meute de son univers Madmaxien), elle finit par mettre les potards à fond sur l’autoroute du Ryan Reynolds décomplexé en deuxième partie de film. Elle serait pas loin de se caler la main sous l’épaule pour faire des prouts, ça ne m’aurait même pas choqué si elle franchissait la ligne. Dommage, le début était prometteur (allez lire Xmen Age of extinction, elle y est très cool).
Le personnage de Wolverine… Allez, je vais lancer un pavé dans la mare, et tuer peut être deux trois personnes avec cette assertion (z’aviez qu’à pas jouer dans ma mare), mais je l’ai préféré dans Xmen origins Wolverine. Voilà, c’est dit, ça vous choque, m’en fous, moi j’aime bien ce film, n’en déplaise aux puristocrates Marvelistes experts autoproclamés. Et toc. Alors, oui, ici, il a un vêtement iconique, il reprend peu ou prou le personnage de Old Man Logan avant qu’il soit « Old », mais alors… Vous n’aviez qu’un truc à faire… Pour contrecarrer toute cette bouffonerie Ryanreynesque, faire une scène, voire quelques plans, qui expliquent l’état mental dans lequel se trouve Wolverine, afin de provoquer l’empathie du public, mais c’est ça qu’il fallait, bordel ! De la construction de personnage, vous avez oublié ce que c’était ? Passque oui, ça, pour teaser que tout le monde va inonder son jean lorsque Wolvie va montrer ses abdos velus et luisants, et qu’au final il les montre enfin, y’avait du monde. Par contre, pour produire autre chose que « je suis alcolo passque malheureux passque perdu copains », ah tisane de tisane, et pourtant Hugh Jackman est présent, il est bon dans son rôle, il cabotine pas trop, joue en retrait par rapport à la tornade Ryan Reynolds, et se contient juste suffisamment pour ne pas lui rentrer dans le lard trop vite, pour ne pas que le public jouisse donc trop vite. On est comme devant un espèce de spectacle participatif sado-maso.
Question scénario, Marvel a encore fait du Marvel. En effet, si vous ne vous êtes pas fadé l’intégralité des films, des séries et des courts métrages, vous aurez l’impression de prendre le bus en cours de route et d’avoir loupé des éléments importants à la compréhension de l’intrigue, et qui ne vous seront jamais expliqué que par une demie phrase sybilline. En particulier, l’organisation faisant appel au mercenaire disert est le TVA, un organisme multidimensionnel qui s’occupe de la bonne existence de toutes les réalités. Problème, le TVA a été introduit dans la (mini?)-série Loki, passée sur Disney+. Donc, les blaireaux qui ne sont pas encore passé à la caisse, soit vous payez votre abonnement, soit vous restez dans l’obscurité. Idem pour l’un des antagonistes, fallait voir Loki les gars, les explications sur qui c’est, ce que c’est, et pourquoi il est la, OSEF impérial.
Et donc, malgré tout le cynisme que semble vouloir déployer le personnage de Deadpool sur son adoption par la branche Marvel de Disney, le film se vautre dans toutes les tares que l’on a pu relever dans les films de la chronologie classique Marvel. Plutôt que proposer quelque chose de différent, d’un peu plus « sérieux », ou un peu plus rugueux, voire carrément cynique, ce qui pourrait coller au personnage (dans le comics, il tue toutes ses versions alternatives, et tous les héros Marvel, et c’est pas si rigolo au final), ou de faire un vrai buddie movie « clown gai-clown triste » avec un Hugh Jackman au fond du trou, on a droit à un film très lisse, qu’on sent déjà phagocyté par de la JamesGunnerie, c’est à dire la ligne directrice de tous les films Marvel (et de beaucoup de productions de comédies d’action) post Gardiens de la Galaxie, id est explosions, ralentis, paillettes et joie de baigner dans la violence au fond des yeux, situations grand-guignolesques, moments émotion vite désamorcés par un gag pouet, passque le spectateur est pas venu pour la pleurniche. On reprend peu ou prou la sauce, et on y ajoute ce petit gôut si particulier propre à Deadpool, c’est à dire on outre au maximum les blagues caca, les blagues zizi (je crois avoir compté autant de claquage de fessier de Ryan Raynolds que d’appartion de la poitrine de Sybil Dannings dans Hurlements 2), l’humour noir et les trucs fun-gore (hommage au personnage de Nicepool, Deadpool propret mais pas imperméable à la souffrance, et sa fin pas du tout téléphonée et looooooogue).
Pour conclure, je ne vais pas cracher dans la soupe, Ryan Reynold l’a sûrement déjà fait pour faire rire du monde, mais ce Deadpool 3 part directement faire la queue-leu-leu avec les autres films Marvel depuis le premier Avengers, ce qui me permet, encore une fois, de dire « oui bon, y’a des jolies images, mais c’est pas ce qui fait un film ». Tout est efficace. Ce n’est pas un compliment. On est sur le manque d’audace propre à Disney 2010. A la limite, tout se ressemble tellement dans ces films (plans, scénarios, personnages, effets spéciaux, mouvements de caméra, ellipses, changements de ton...), je me demande s’il ne s’agirait pas d’une méthode d’apprentissage pour IA : on y enfourne 25 films Marvel, et le bouzin en ressort un vingt sixième.
_________________ Festival de la tarte à la va... Mais qu'est-ce que c'est que cette connerie? Il est où, mon "che" ?
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