Petite tentative de chronique de ce petit bijou qu'est Equilibrium...
Equilibrium
Ce qui marque le plus dans Equilibrium, c’est le côté resucée-mais-pas-trop. Commençons par l’affiche :
Forget
The Matrix clame-t-on fièrement. En réalité, on aura bien du mal à l’oublier, tant le film surfe sans vergogne sur la vague déclanchée par ledit
Matrix. Sorti un ans après le film des frères Wachowski (ça sent le projet longuement pensé)
Equilibrium reprend joyeusement tout ce qui a fait le succès de son prédécesseur : univers post-apocalyptique, art martial du futur, société dictatoriale, fringues de curés…
Pour ce qui est du scénar, le pillage s’étend à
1984,
Fahrenheit 451,
Le meilleur des mondes, j’en passe et des meilleures…
La séquence d’intro nous explique qu’après une 3ème guerre mondiale, les survivants ont compris que « la nature volatile de l’homme ne pouvait tout simplement plus être mise en péril ». Sont alors créé les
Recteurs Grammaton (Grammaton Clerics dans la v.o.), défenseurs de l’ordre. Pour se défendre, ils possèdent le
Kata du tir (Gun Kata en v.o.), le fameux art martial du futur. Leur but est « de rechercher et d’éradiquer la vraie source de l’inhumanité de l’homme envers l’homme : ses facultés émotionnelles ».
Dit comme ça, ça pourrait presque passer pour potable (bon, faut pas faite attention au nom cyber-biblique des recteurs et fermer les yeux sur la tournure balourde des phrases, mais on a bon fond…) mais cette intro est en fait un amalgame de stock-shots d’explosions atomiques, d’images en noir et blanc de la seconde guerre mondiale (pas top le noir et blanc et les destroyers de 1940 pour le conflit du début du 21ème siècle) et en cadeaux Bonux, des images de Staline et de Sadam Hussein qui sont sûrement passé pour faire coucou aux spectateurs du film.
Donc, les fameux recteurs gardiens de l’ordre vont passer leur temps à casser du « dévient » (les gens rebelles qui ont des sentiments). La première scène, qui montre un coup de filet des recteurs, est d’ailleurs un moment fort du film. La mise en scène est particulièrement gratinée. Mention spéciale au rebelle qui ouvre la porte principale du repère pour se jeter sous le feu des policiers.
Une fois le repère rebelle pris, les œuvres d’art cachées par les déviants sont brûlées par les recteurs (ou plutôt par des gars avec des ponchos blancs armés de tuyaux).
Cette scène a au moins l’avantage de mettre en place l’esprit du film : on va se taper 1h45 de monde post-apocalyptique qui sent bon la friche industrielle, de mise en scène à la légèreté digne d’une choucroute garnie, de scénar-repompe et de jeu d’acteur de haute volée. Le film essaie de nous en mettre plein la figure avec un budget trop serré, et un exercice aussi périlleux n’étant pas à la porté de tout le monde, il n’est pas étonnant que ça se termine mal. Les accessoires crient la misère, comme la voiture du héros, complètement blanche pour ne pas provoquer d’émotion, mais qui est en fait une pauvre auto barbouillée de peinture à la va-vite (tableau de bord compris, ce qui le rend complètement invisible). Les objets d’art qui sont poursuivis pendant tout le film sentent la Foirfouille à plein nez, et, cerise sur le gâteau, les unités militaires d’élite portent les traditionnels casques de moto (dont la visière est ici en verre, sûrement pour la sécurité des yeux).
Quant au Kata du tir, l’art martial du futur, comme on a pas les effets spéciaux de
Matrix (toujours lui) on a simplement droit à des gars habillés en noir qui exécutent des chorégraphies de sous-Britney Spears.
C’est d’ailleurs un autre des grands moments du film lorsqu’il est présenté. On y apprend que la maîtrise de ce Kata permet d’éviter les balles adverses (ce qui amène un nombre considérable de mitraillettes à bout portant qui ne touchent pas) par un calcul de probabilité en « [identifiant] l’attaquant comme une arme totale » et qu’il permet d’augmenter sa puissance de tir « d’au moins 120% » (si c’est pas beau ça madame…). Reste qu’il fallait le montrer en pratique (parce que les chorégraphies d’entraînement c’est bien joli, mais ça fait pas tout). Ici (sûrement faute de moyen) le héros ne marchera pas sur les murs, ne fera pas de kung-fu, mais se contentera d’agiter frénétiquement ses bras raides et de tirer dans tous les sens, comme nous le montre la formidable scène de combat à la 50ème minute du film.
Il est à noter que les douze personnes tuées pendant cette scène le sont pour sauver la vie d’un chien que le héros a trouvé le matin même dans la rue…
On peut voir sur ces images une autre composante marquante du film : le jeu d’acteur du personnage principal (Christian Bale). Les personnages du film s’injectent un neurotrope pour ne pas avoir d’émotion, ce qui se traduit chez le héros pas un visage fermé et viril. Par contre, lorsque celui-ci commence à s’émouvoir son visage change du tout au tout : chaque fois qu’il a une émotion, il ouvre la bouche (qu’il garde ouverte jusqu’à une minute complète ; essayez, je vous garantie que vous aurez l’air stupide).
On a d’ailleurs là un panel complet des émotions rendues pendant le film.
Enfin, les dialogues non plus n’ont pas été épargnés. Au début du film, on a droit à une scène dans une église abandonné (semble-il) où un personnage lit un livre en tournant les pages dans le mauvais sens. Voyant arriver notre héros, et sachant que ce dernier va le tuer, il déclare : « Tu sais, je suis pauvre, et mes rêves sont mes seuls biens. Sous tes pas, j’ai déroulé mes rêves. Marche doucement, parce que tu marches sur mes rêves… Assume tes rêves, Preston… ».
Cette chronique est un peu longue, et cependant, il reste plein de points que je n’ai pas abordé, et que vous aurez la joie de découvrir dans cet amalgame d’idées repompées à droite et à gauche. Le film en lui-même est un peu longuet, sans grand intérêt, mais c’est avec joie que j’ai vu revenir, porté par Matrix, le film post-apocalyptique, une marque de fabrique qui a fait ses preuves et qui, je l’espère, les fera encore.
Tout ça ne vole cependant pas bien haut à mon très humble avis, si bien que 2 sera largement suffisant.
Au fait, un comble ! Il n’y a pas la traditionnelle scène de seins nus ! A-t-on oublié cette clause chère à nos cœurs sur les contrats des actrices ??