Mon Clint préféré et, je n'hésite pas à le clamer, un chef-d’œuvre.
C'est à la fois un western et un road-movie, perso j'y vois un parallèle évident avec l'Odyssée : le héros part à la guerre, pour un long voyage fait de rencontres et d'épreuves, avant de rentrer chez lui après une longue absence. Chez lui, pour Josey, c'est renouer finalement avec son passé, lorsque enfin il retrouve l'assassin de sa femme et de son fils et le tue (désolé pour le spoiler), il semble avoir du mal à y croire, comme s'il se réveillait après un long cauchemar. Il y a beaucoup de scènes touchantes : la mort du jeune Jamie, qui était le dernier ami rattachant Josey à son passé, est émouvante par sa dureté et sa froideur ("Il a grandi dans un monde de mort et de sang, mais il l'a accepté sans se plaindre."), la scène d'amour avec Sondra Locke où Josey est toujours hanté par la mort de ses proches, le pacte de paix avec le chef des Indiens...
On a un héros, devenu solitaire, qui se retrouve malgré lui à devoir fonder toute une communauté, communauté parfaitement hétéroclite. Jamais Josey ne parlera de son passé à ses nouveaux amis, comme si le héros (et le spectateur) oubliait partiellement les raisons de sa quête pour se concentrer sur ces nouvelles rencontres, jusqu'à ce qu'en plein moment de quiétude, un flashback vienne le ramener à cette blessure secrète qui ne cicatrisera jamais vraiment. J'aime beaucoup cette façon de faire de nous, les spectateurs, les seuls témoins du parcours de Josey. Paradoxalement, en bifurquant sur d'autres péripéties, le récit rend la quête de vengeance de Josey encore plus présente, en faisant ressentir l'isolement de ce personnage.
On trouve déjà dans "Josey Wales" un ton proche du futur chef-d’œuvre de Clint, "Impitoyable", dont il est un peu l'ébauche par moments. En témoigne la scène où Josey explique à ses compagnons comment tuer un assaillant : "Vous ne pouvez pas faire marche arrière. Alors, il faut être méchant. Et quand je dis méchant, je veux dire sans pitié." Le ton du film est plutôt sobre mais avec une pointe d'amertume, renforcée par la très belle partition musicale de Jerry Fielding. L'auteur du roman original était un membre du Ku Klux Klan, et donna pourtant naissance à un très beau film empreint de pacifisme et prônant l'égalité raciale. Bon, certes, il y a un léger parfum d'idéal sudiste et les "méchants" sont tous des Nordistes. Mais la scène où Clint dit "Je crois que cette guerre n'a épargné personne." offre une certaine nuance et fait volontairement écho à la guerre du Vietnam qui venait tout juste de se terminer. Au final, "Josey Wales" est un très beau film, avec un héros cynique et ambigüe qui crache sur les cadavres, loin d'être tout propre sur lui (la scène où il mate le viol de Sondra Locke en prenant bien son temps pour intervenir), une galerie de personnages attachants (Chief Dan George est génial) et complexes (John Vernon est magnifiquement ambigüe), de la violence non-édulcorée et un ton un poil nihiliste qui donne de la force à la mise en scène impeccable du grand Clint.
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