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 Sujet du message: Videodrome - David Cronenberg - 1982
MessagePublié: 09 Sep 2007 12:17 
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Nanardeur fou ?
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Citer:
Un employé à la chaîne câblée Canal 83 découvre l'existence d'une émission intitulée "Vidéodrome", sorte de "snuff movie", où sexe, mort et tortures sont vécus réellement par des acteurs mal informés. Hypnotisé par cette violence, il va se transformer en magnétoscope humain...


Un film ultra bizarre sur la perception de la réalité qui se mélange aux hallucinations. Un film qui peut paraître incohérent mais où en réalité tout a une signification, qui est bourré de bonnes idées et de surréalisme, et où ne sait jamais si ce qui se passe est la réalité ou l'hallucination.
J'adore !
:worship: :worship: :worship: :worship: :worship: :worship: :worship: :worship: :worship: :worship: :worship: :worship: :worship: :worship:
LONG LIFE THE NEW FLESH !

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Dernière édition par Mandraker le 19 Sep 2007 21:19, édité 1 fois au total.

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 Sujet du message:
MessagePublié: 09 Sep 2007 12:56 
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Bon Pote de Godfrey Ho
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un de mes films préférés de cronenberg, et un de mes films préférés tout court.

un film d'une richesse inépuisable. On peut en faire pleins d'interprétations et de lecture différentes sans qu'aucune ne soit LA seule explication valable. Bref, chaque vision peut être une redécouverte.

Citer:
et où ne sait jamais si ce qui se passe est la réalité ou l'hallucination

tout à fait d'accord, et d'ailleurs j'avais choisi ce film pour mon mémoire de master (mais j'en ai fait qu'un seul paragraphe et j'ai abandonné :-D ) qui portait sur les relations entre le film et la schizophrénie.

D'ailleurs, si ça peut vous intéresser, voilà le paragraphe que j'avais écrit (attention, ça peut être très chiant à lire :-D )

Citer:
BOULEVERSEMENT DE LA CONSCIENCE
ET
PERTE DU SENTIMENT DE REALITE



Comme le dit Serge Grünberg à propos du personnage principal des films de David Cronenberg : « Ce héros est immanquablement un créateur de réalité de substitutions » . C’est en cela que l’on peut voir le héros cronenbergien comme un personnage typiquement psychotique, car la psychose est une maladie mentale qui se caractérise par un processus progressif de « perte de la réalité » à laquelle se « substitue le fantasme », donc pour résumer, par la création d’une « réalité de substitutions ». Cette perte de la réalité chez le psychotique entraîne des troubles de la conscience de soi, ainsi que de la conscience de l’autre, ces troubles débouchant systématiquement sur une confusion ou une indistinction du « soi » et du monde externe, du « soi » et d’autrui, des événements réels de la vie externe de ceux de la vie psychique (par exemple l’imaginaire).
Ces perturbations de la conscience de soi et du rapport du malade avec le monde extérieur aboutissent aux symptômes spécifiques de la schizophrénie que sont les idées délirantes et les hallucinations (ces symptômes étaient accessoires dans le système diagnostique de Bleuler au début du vingtième siècle, mais ils tendront à prendre la première place dans les systèmes diagnostiques ultérieurs).
Les idées délirantes peuvent être définies comme la croyance absolue et inébranlable dans la réalité de contenus de pensées imaginaires. Elles prennent souvent la forme de délire de persécution, où le sujet est convaincu que des personnages, réels ou non, complotent contre lui ou sont malveillants à son égard. Les thèmes de ses délires schizophrénique sont souvent abstrait, religieux, scientifique ou mystique, et souvent ils concernent aussi le corps du patient (maladie, altération,…). Le délire schizophrénique est aussi caractérisé par ce que l’on appelle la « conviction délirante », qui est une croyance bien particulière, à savoir une conviction intime échappant à toutes contestations par les faits. De plus, le délire place le sujet au centre du monde, face à des événements qui prennent sens pour lui, le concernent et expriment nécessairement une logique cachée.
Les hallucinations psychotiques, appelées aussi « perception sans objet », prennent souvent la forme de perceptions de voix qui s’adressent au sujet, l’insultant, lui donnant des ordres ou alors commentant ses propres actes. Ces hallucinations peuvent être aussi visuelles ou olfactives, le malade se plaignant alors de transformations corporelles, de contacts ou de sensations étranges, imposés à distance par des « ondes ». Une autre forme, appelée « discours intérieurs », apparaît quand les hallucinations semblent toucher la pensée elle-même : le sujet a alors l’impression que sa pensée ne lui appartient plus, qu’elle est répétée en écho par les voix et divulguée, ou encore qu’elle lui est imposée par autrui ou par une machine (c’est ce que l’on appelle la scénopathie, ou encore « syndrome d’influence », lorsque le sujet est convaincu que quelqu’un, ou une machine invisible, contrôle sa pensée, ses intentions ou sa volonté, joue de lui comme d’une marionnette).
On comprend maintenant que les idées délirantes et les hallucinations expriment une altération de la conscience de soi en tant qu’agent de ses actes, pensées et intentions, un trouble de l’identité au sens de l’expérience subjective de ses pensée. Ainsi, la schizophrénie ne serait pas, comme on le croit souvent, un dédoublement du sujet, ou l’expérience d’une personnalité multiple (n’en déplaise à certains acteurs qui se plaisent à se qualifier « d’un peu schizophrène », alors qu’ils n’ont aucune idée de la souffrance qu’engendre cette maladie), mais plutôt une impossibilité du sujet à se constituer et à constituer l’unité de sa pensée.
Par ailleurs, nous avons vu que l’altération de la conscience de soi s’accompagnait d’une altération de la conscience d’autrui. Ici ce n’est plus la représentation des actions et des intentions propres du sujet qui sont troublées, mais c’est la représentation des actions et des intentions d’autrui qui est altérée. En effet, le malade n’arrive plus à ajuster son comportement de communication aux états mentaux, aux intentions et aux comportements de l’autre, et du coup il ne peut plus non plus se constituer subjectivement par rapport à l’autre. Ceci nous ramène donc à la perte du sens du réel, ce que Freud nommait « principe de réalité », et cet altération du contact avec la réalité ne se manifeste pas seulement par les hallucination, délires et autres troubles de la pensée, mais plus largement par un repli sur la vie intérieur, un autisme qui peut aboutir à une désocialisation complète.
Nous allons donc voir maintenant en quoi Vidéodrome et son personnage principal Max Renn exprime de façon exemplaire ces troubles de la conscience de soi et cette perte du sentiment de réalité.


- TROUBLE DE LA CONSCIENCE DE SOI :

David Cronenberg, à travers son œuvre, à beaucoup travaillé sur le problème de l’identité. Vidéodrome pourrait en être son film modèle, tant les thèmes du film se rejoignent pour créer le portrait d’une identité malade. Nous allons voir ici comment la conscience et l’identité de Max Renn sont mis en scène dans leur chaos et leur confusion par Cronenberg, et comment la personnalité de Max, morcelée, altérée et embrouillée, s’insèrent dans les symptômes schizophrénique des troubles de la conscience de soi.


- Hallucinations :

Nous avons vu que le schizophrène avait une propension à se replier dans son monde intérieur, ce qui se traduit par le fait que les données subjectives et imaginaire ont tendances à être plus fortes, plus intenses et vivantes que les données objectives et réelles. C’est ce que l’ont appelle l’autisme schizophrénique, un syndrome qui aliène le malade dans sa vie fantasmatique, et qui se traduit par des manifestations délirantes, dont une des formes les plus courantes est l’hallucination. L’hallucination peut toucher les cinq sens, mais on trouve le plus souvent des hallucination auditives, olfactives et visuelles. Il existe aussi ce que l’on appelle les hallucination cinesthésique, c’est-à-dire une sensation étrange, douloureuse parfois, souvent aussi une sensation de courant électrique, localisée principalement au niveau des organes génitaux externes, mais aussi du ventre.
Dans Vidéodrome on trouve pratiquement toutes ces formes d’hallucinations (à part l’hallucination olfactive, mais c’est peut-être lié au fait que le cinéma n’est pas encore capable, malgré quelques essais, à rendre perceptible au spectateur la sensation olfactive).
L’hallucination la plue répandue est celle qui a trait à la vision, à l’image, ce qui est normal pour un film dont le sujet est la télévision et l’image vidéo. Elle apparaît une première fois dans le film lorsque Max gifle Bridey alors qu’il croit voir Nicki. L’hallucination porte aussi sur l’action vu qu’il n’a en réalité pas giflé Bridey non plus. Ensuite on retrouve fréquemment ce genre d’hallucinations, lorsqu’il croit voir les cassettes vidéos ou les écrans de télé devenir vivants et bouger, lorsqu’il croit voir Masha ligotée et morte dans son lit, etc. D’ailleurs Cronenberg nous montre souvent des raccords-regards sur le visage de Max qui semble effrayé par ce qu’il voit.
Les hallucinations auditives apparaissent vers la fin du film, quand Max semble avoir totalement sombré dans la folie. La première hallucination auditive arrive quand Max est dans sa chambre et regarde le programme Vidéodrome. A ce moment du film il semble être troublé par ce qui lui arrive et par ce qu’il vient d’appendre sur Vidéodrome (dans la scène précédente, Masha lui a appris que Vidéodrome était dangereux, que ce qu’il voyait sur l’écran était vrai, et qu’il ne devait pas y toucher), et on entend des voix-off répéter des bouts de dialogues déjà entendu auparavant. Max semble effrayé par ces voix (les schizophrènes sont souvent effrayés la première fois qu’ils entendent des voix). Mais on ne peut pas être vraiment sûr à ce stade qu’il s’agisse bien d’hallucination. En effet, comme ces voix et les phrases qu’elle répètent ont déjà été entendu auparavant, il se peut aussi qu’il s’agisse de souvenir qui refont surface dans la tête de Max.
Par contre, vers la fin du film, d’autres voix-off se font entendre. Elles apparaissent lorsque Barry Convex programme Max en lui insérant une cassette vidéo dans le ventre et en lui ordonnant d’aller tuer ses deux associés. Il entends alors des voix lui répétant : « Nous voulons Canal 83, donnez-le nous, donnez nous Canal 80, tuez vos associés, tuez les et donnez nous Canal 83. ». C’est la voix de Barry Convex que l’on entends. La même voix réapparaîtra après que Max ai tué ses associés, cette fois ci elle lui donnera l’ordre de tuer Bianca O’Blivion : « Tuez Bianca O’Blivion, elle sait trop de choses, elle est dangereuse. Ne la laissez pas nous nuire Max, tuez là, tuez Bianca O’Blivion. ». Cette voix-off est plus clairement identifiable comme une hallucination, même si elle semble provenir da la cassette vidéo insérée dans Max et que l’on peut reconnaître la voix de Barry Convex, mais comme on ne peut pas l’assimilée à un souvenir, vu que ce qu’on entend n’a jamais été entendu avant, et que la cassette vidéo fait elle même partie d’une hallucination, il ne fait aucun doute que ce qu’entend Max est une hallucination créé par son cerveau. De plus, en tant que voix-off, donc voix dont la source n’est pas visible à l’écran, il s’agit clairement d’une perception sans objet, d’une erreur sensorielle, définition de ce qu’est l’hallucination.
Une autre sorte d’hallucination que l’on peut trouver dans Vidéodrome est l’hallucination tactile. Elle accompagne souvent les hallucinations visuelles, car Max, doutant de ce qu’il voit, essaye de toucher pur ce convaincre si ce qu’il voit est réel ou imaginaire : par exemple quand le poste de télévision se met à vivre, il s’en approche pour le caresser, le toucher, il va même jusqu’à pénétrer l’écran de télévision avec sa tête.
Il existe aussi des hallucinations non liées aux sens, mais qui touche le corps, les organes. Ce sont les hallucination cinesthésique ou encore les sensations corporelles. Ces dernières peuvent être très variées : par exemple, sensation de mouvement d’un organe ou d’un membre, ou alors sensations de sévices ou transformations subies dans les organes ou les membres. Vidéodrome nous deux exemples de transformations et de sévices organiques. La première fois c’est quand Max, alors qu’il regarde Vidéodrome sur son poste de télévision, sent son abdomen le gratter, et il se rend compte alors qu’il a une ouverture béante dans son ventre, une ouverture en forme de vagin, qui lui permet de pénétrer à l’intérieur de lui même (il y mettra d’ailleurs sa main ainsi que son pistolet). Encore une fois, Max semble effrayé par ce qu’il voit, et il paraît d’ailleurs agir à l’encontre de sa volonté, mécaniquement ou instinctivement. Quand il retire sa main, l’ouverture/vagin de son ventre à disparue. La deuxième transformation organique apparaît lors de la scène où Barry Convex programme Max et lui ordonne d’aller tuer ses deux associés. Max sort le pistolet qu’il avait incorporer dans son ventre lors d’une scène antérieur, et nous voyons alors le pistolet se fondre dans la main de Max, le pistolet et la main ne faisant plus qu’un seul et même organe. Pour finir, il existe aussi la création d’un organe nouveau. En effet, le professeur O’Blivion apprend à Max que le signal Vidéodrome créé une tumeur dans le cerveau, et cette tumeur est une nouvelle excroissance du cerveau, un nouvel organe permettant une maîtrise des hallucination pour changer la réalité. Même si il ne s’agit pas vraiment d’hallucination, vu que Cronenberg ne montre pas cette tumeur, il y a quand même cette idée de transformation organique que l’on peut affilier aux hallucinations de sensations corporelles.
Dans Videodrome, l’hallucination est au cœur du film, il n’est donc pas étonnant ici de voir presque toutes les formes d’hallucinations représentée. Pour aller plus loin, on pourrait aussi dire que tout le film est une hallucination en lui même, un fantasme projeté sur l’écran, et même les personnage et les événements pourraient ainsi être des hallucinations créés par Max. Il existe d’ailleurs une scène permettant de croire à cette hypothèse : c’est la scène dans laquelle Max se rend chez Barry Convex pour tester une machine à enregistrer les hallucinations. Pendant son hallucination il se retrouve dans la salle que l’on voit dans vidéodrome, la salle où sont torturés les participants. Dans cette salle, Max fouette un poste de télévision représentant Nicki ligotée, puis Nicki est remplacée par Masha. Dans le plan suivant on voit Max se réveiller brusquement dans son lit, comme si il venait de rêver cette scène, mais à côté de lui, dans le même lit, il découvre Masha ligotée et morte. Il appel Harlan pour venir prendre une photo de Masha morte, mais Harlan ne voit rien dans le lit. On voit donc ici qu’on ne peut pas être sûr que Max a bien vécu la scène dans la salle de vidéodrome, car aucun indice ne vient le confirmer : a-t-il rêvé ? Masha était-elle réellement dans son lit ? Nous ne le seront pas (et d’ailleurs Masha ne réapparaîtra plus du tout dans le film après ça). Bref, rien ne permet de conclure à la réalité de l’événement vécu, et on peut penser qu’il s’agit là d’une autre hallucination (Serge Grünberg va même plus loin en émettant l’hypothèse que Max n’a même pas quitter sa chambre de tous le film et que ce qu’il a vécu n’est qu’un fantasme ).


- Les idées délirantes :

Nous allons voir maintenant comment Vidéodrome met en scène un autre symptôme spécifique de la schizophrénie que sont les idées délirantes. Nous avons vu que les idées délirantes étaient définies comme la croyance absolue et inébranlable dans la réalité de contenu de pensées imaginaire, et qu’elles étaient caractérisées par la « conviction délirante », cette conviction intime échappant à toutes contestations. Dans Vidéodrome la croyance arrive progressivement. Au début il a du mal à comprendre ce qui lui arrive, il voit un poste de télévision se mettre à vivre, des cassettes vidéo bouger dans ses mains, sans pour autant y croire réellement. D’ailleurs dans le film toutes ces manifestations sont vues comme des hallucinations, donc pas réels. Mais petit à petit va se créer un récit plus ou moins logique venant crédibiliser ces manifestations et leur donnant un cachet de réalité. C’est l’explication scientifique du professeur O’Blivion qui va permettre à Max de croire dans la réalité de ce qu’il vit, des événements qui arrivent. Le délire va alors adopter une certaine logique malgré son caractère totalement délirant et incroyable. L’explication du professeur O’Blivion est que Max, en s’exposant à la vision de Vidéodrome, a développé une tumeur au cerveau, ou plus précisément un nouvelle organe , qui lui permet de transformer la réalité en maîtrisant ses hallucinations. La tumeur joue sur les perceptions et ainsi sur la représentation du monde. C’est par cette explication que le doute de Max va s’effacer, et à partir de là il va croire intimement à la vérité et la réalité des événements qui vont lui arriver. On peut voir aussi dans une scène que Max fait preuve d’une sorte de « conviction délirante » : quand il demande à Harlan de prendre une photo de Masha ligotée et morte sur son lit, et que Harlan lui dit qu’il n’y a rien sur son lit. Alors que depuis le début du film Harlan et Max semble très complice, voir même ami, dans la scène qui suit, Harlan devient l’allié du méchant Barry Convex en apprenant que Harlan s’est servi de lui. On voit donc que Max, par sa « conviction délirante », créé une autre logique afin de protéger son délire et de s’assurer de sa véracité : en l’occurrence, Harlan conteste son délire en niant ses propos, et du coup Max intègre Harlan dans son délire en en faisant un ennemi menteur, ce qui revient à redonner confiance à Max dans son délire. Max ira même jusqu’à se suicider par conviction, lorsqu’à la fin, dans le bateau délabré, une hallucination de Nicki lui demande de se supprimer pour accéder à la nouvelle chair.
Nous avons aussi vu qu’un des thèmes majeurs du délire schizophrénique était le thème du complot. Celui ci s’accompagne généralement d’idées de persécution, d’influence corporelles, de grandeur (mégalomanie souvent associée à la persécution), mais aussi délire de possession ou encore idées hypochondriaques. Il peut aussi exister un délire de transformation sexuelle. Voyons maintenant le rapport entre vidéodrome et les thèmes retrouvés dans le délire schizophrénique.
Premièrement le thème du complot. Dans Vidéodrome c’est celui le plus évident et le plus fort. Max Renn est au cœur d’un complot politique visant à prendre le contrôle sur le monde et à bouleverser la réalité et l’humanité. Ce complot est conduit par Barry convex et par son entreprise Spectacular Optical, sorte de caricature des multinationales d’aujourd’hui produisant un peu de tout (Spectacular Optical fabrique aussi bien des lunettes que des systèmes de guidage pour missiles). Les objectifs de Barry Convex et son idéologie sont présentée dans une scène par Harlan : « L’Amérique est en train de s’affaiblir, et le reste du monde se durcit. Nous devons affronter la sauvagerie d’une nouvelle époque, et nous devons devenir des hommes purs, sans faille, et fort, si nous voulons survivre. Alors que vous, avec ce tas de merde que vous appelez télévision, et vos semblables qui s’y vautre avec délice, nous pourrissez de l’intérieur ». Nous voyons ici à quel point l’idéologie de Barry Convex peut sembler primaire et caricaturale, à base d’extrémisme, de nationalisme et de racisme. Max semble créer une sorte de théorie du complot en associant plusieurs idées clichés qui n’ont aucun rapport : le capitalisme avec la multinationale, l’extrémisme et l’idée de race pure, etc.). Ici aussi l’idée délirante semble avoir une certaine logique, même si, en regardant de plus près, elle parait plutôt farfelue et relevant plus d’une sorte de mixe entre paranoïa et phobies de sociétés.
Deuxièmement, le délire de persécution, et celui associé de mégalomanie. Max est le centre du film, tout tourne autour de lui, tous les événements arrivent et prennent sens par lui et pour lui. C’est pourquoi il a le sentiment d’une persécution, que tout le monde est contre lui et que tout s’acharne contre lui. En plus il est le jouet des deux forces opposées : la multinationale Spectacular Optical de Barry Convex qui veut se servir de lui et de Canal 83 pour lancer Vidéodrome sur les ondes du monde entier, et la mission du rayon cathodique, structure créé par Brian O’Blivion et dirigée par sa fille Bianca O’Blivion, donc le but est de remettre les déshérités dans le droit chemin en les soumettant aux ondes télévisés, et qui va se servir de Max pour détruite Barry Convex et son organisation. On voit donc que Max est persécuté de toute part. Le seul choix qui s’offre à lui pour échapper à cette persécution c’est la mort. On peut trouver aussi une sorte de délire messianique qu’on peut rapprocher de la mégalomanie. C’est lui qui a été choisi, d’un côté pour répandre sur terre le signal vidéodrome, et de l’autre pour répandre la nouvelle chair et détruire Vidéodrome. Il y a d’ailleurs un passage qui s’apparente fortement au sacrifice et à la résurrection du Christ (le thème du religieux est lui aussi très présent dans les délires schizophrénique, et il existe de nombreux cas de malades se prenant pour le christ) : c’est lors de la scène où Max est parti à la Mission du Rayon Cathodique pour tuer Bianca O’Blivion. Il se retrouve devant un poste de télévision, le poste se met à vivre, et le même pistolet/poing que celui de Max sort de l’écran et tire trois balles sur Max (trois est aussi un chiffre fortement symbolique et religieux). Max s’effondre, mais c’est l’écran du post de télévision qui saigne et qui prend la forme de la poitrine de Max. Le plan d’après on voit Max se relever sans égratignures, et Bianca lui dit qu’elle l’a déprogrammé en lui retirant la cassette, et elle rajoute que dorénavant Max est devenu l’incarnation du mot vidéo, qu’il est devenu la chair du mot vidéo. Une autre scène montre Max faire preuve de mégalomanie, c’est lorsqu’il va voir Barry Convex pour tester la machine à enregistrer les hallucinations. Barry Convex lui dit alors que la plupart des cobayes soumis au signal vidéodrome sont devenus fous et ont finis à l’asile, mais que Max semble être resté normal. Là encore, on voit que Max n’est pas comme les autres, qu’il est unique.
Une autre forme d’idée délirante présente dans Vidéodrome est celle d’influence corporelle et de possession. Là aussi on en trouve de nombreux exemples dans vidéodrome, surtout en ce qui concerne l’influence corporelle, le film parlant justement de l’influence d’un signal vidéo sur la conscience du monde et du corps. En effet, c’est le signal de vidéodrome qui va produire cette tumeur dans le cerveau, et c’est aussi ce signal qui va déclencher les transformations corporelles que subit Max : notamment l’ouverture du ventre, la fusion entre sa main et son pistolet. Mais on peut trouver aussi une influence autre que celle du signal : là ce sont les autres personnages qui commandent Max et agissent sur son corps. Par exemple quand Barry Convex ou Harlan ordonnent Max de s’ouvrir pour qu’ils lui insèrent une cassette vidéo, Max ne semble pas pouvoir résister et contrôler son propre corps. On retrouve aussi le délire de possession par l’entremise de la cassette vidéo insérer dans le ventre de Max Renn : quand Max se fait programmer par Barry Convex il n’agit plus par lui-même, il est comme dépossédé de sa volonté et de ses pensée, c’est comme si l’esprit de Barry Convex prenait possession du corps de Max et en jouait comme d’une marionnette, le faisant agir à sa guise. D’ailleurs, après avoir assassiné ses deux associé, lorsqu’il s’apprête à tuer Bianca O’Blivion, Max à du mal à savoir qui il est, et quand il s’adresse à Bianca, il lui dit :
Max : « Bianca O’Blivion ? Je suis le directeur de Civic TV, j’ai participé à une émission avec votre père.
Bianca : Alors c’était vous. Vous êtes venus me tuer.
Max : Non, je suis Max Renn, le directeur de Civic TV, je…je ne tue jamais personne. »

On à l’impression ici que Max doute sur sa véritable identité, et qu’il répète qui il est pour essayer de s’assurer de qui il est vraiment. De plus il ne sait même plus qu’il vient de tuer deux personne lors de la scène précédente. Ce dialogue donne aussi l’impression que Max et Bianca ne s’étaient jamais rencontrés auparavant, ce qui n’est pas le cas.
Pour finir nous allons voir les délires d’idées hypochondriaques et de transformation sexuelle. Premièrement, on peut voir Max comme un hypochondriaque, dans le sens où il se convainc d’avoir attraper une tumeur alors que rien ne le prouve, juste parce qu’un professeur mort vu sur une cassette vidéo le lui dit. Il ressemble un peu à ses personnes qui, dès qu’ils entendent parler d’une maladie à la télévision ou n’importe où, se mettent à croire qu’ils sont eux aussi atteints de cette maladie. Deuxièmement, la transformation sexuelle est aussi présente par le biais de la fente en forme de vagin qui se créé sur le ventre de Max. Non seulement il devient comme un magnétoscope que l’on programme par des cassettes vidéo, mais en plus il devient aussi comme une sorte d’organe reproducteur féminin, un organe soumis aux viols et à la pénétrations des autres, sans qu’il puisse faire quoi que ce soit.
Nous voyons donc que le délire, comme les hallucination, est bien au centre du film, et qu’ils expriment l’altération qu’a Max à pouvoir prendre conscience de lui-même et à se représenter comme actif, comme agent des ses propres actes, pensées et intentions. Ceci révèle un trouble de l’identité chez Max, identité au sens d’expérience subjective de sa pensée, et une scission, un morcellement, une absence d’unité de sa personnalité, des symptômes typique d’un esprit schizophrène.


PERTE DU SENTIMENT DE LA REALITE :

Dans les films de David Cronenberg, tout est mental. Que ce soit les personnages, les actions, le décors,… Serge Grünberg ajoute qu’il a même réalisé une œuvre entièrement mentale, Existenz, où la réalité n’existe plus et l’action se passe dans un espace-temps inconnu. Et en effet, même si les œuvres du cinéaste font preuve d’une recherche de réalisme dans la mise en scène et la construction narrative de ses films (linéarité de l’intrigue, montage invisible, de plus il essaie toujours de justifier les effets spéciaux, les transformations, mutations et autres, par une explication scientifique afin de les rendre crédible ainsi que l’intrigue), il n’en reste pas moins que pratiquement tous les univers diégétiques créés par Cronenberg peuvent être perçus comme hallucinatoires, sortis tout droit de la tête d’un personnage pour matérialiser ses fantasmes sur l’écran.
Pour Serge Grünberg , il est possible « d’analyser presque tous les films de Cronenberg comme des récits d’hallucination », le faisant ainsi entrer « dans la catégorie des cinéastes touchés par la psychanalyse ». Mais il nuance cette position en ajoutant que Cronenberg ne tente pas de faire une analyse d’un phénomène ni d’un personnage, mais essaye de raconter une histoire « en toute objectivité, sur le mode objectif de la leçon d’anatomie, en nous laissant une part active dans son déchiffrement ».


- Le point de vue :

Ce qui trouble le plus souvent dans Vidéodrome, c’est cette impression qu’à le spectateur de ne pas savoir si ce qu’il voit est réel ou résulte d’une hallucination de Max. C’est d’ailleurs une chose que l’on retrouve dans nombre de ses films, à savoir l’impossibilité de situer le point de vue : à travers quel regard voyons nous la scène ?
Vidéodrome fait d’ailleurs office d’œuvre exemplaire dans la filmographie du cinéaste de ce processus de déstabilisation du spectateur, par la façon dont Cronenberg permute et alterne deux sortes de points de vue : un narrateur omniscient qui décrit les actions en restant extérieur aux personnages et aux événements, et un narrateur relevant de la subjectivité du héros (un narrateur personnage). Et c’est par cette alternance des points de vues, qui finissent d’ailleurs par fusionner au cours du film, que Cronenberg réussit à estomper la séparation entre les hallucinations de Max et le monde réel dans lequel il est sensé évoluer.
La première hallucination de Max apparaît lors de la scène où Bridey, sa secrétaire chez Civic TV, vient lui ramener un enregistrement du programme vidéodrome et une cassette envoyée pour lui par le professeur Brian O’Blivion. Elle se met à manipuler le magnétoscope, ce qui met soudainement Max dans une grande colère et il la gifle violement. Durant cet instant où il la gifle, Bridey est remplacée par Nicki et elle redevient Bridey juste après quand Max se rend compte de ce qu’il vient de faire. Max s’excuse, tandis que Bridey semble surprise et dément le fait que Max vient de la gifler. On peut voir dans cette scène que les différence de point de vue sont encore bien délimités puisque le montage se fait en champ/contre-champ, et on voit clairement Max de face gifler Bridey de dos, alors que dans le contre-champ c’est le visage de Nicki qui reçoit la gifle. Ici il y a une coupure créé par le montage entre le point de vue du narrateur omniscient et le point de vue de Max. L’hallucination est clairement perçue par le spectateur comme une hallucination de Max étrangère au réel. Par contre, plus le récit va aller en progressant, plus les deux différents points de vue vont avoir tendance à fusionner, laissant place à un seul et même point de vue, celui de Max, c’est-à-dire celui d’un réel contaminé par les hallucination ou d’un réel complètement intériorisé et réinterprété par Max (Cronenberg semble proche de l’idée de la psychologie expérimentale selon laquelle l’hallucination n’est que le glissement, brusque ou progressif, d’une réalité enregistrée par les sens vers une interprétation qui la transformerait).
Peu de temps après la scène de la gifle, une nouvelle hallucination, plus intense, va apparaître à Max. Max est en train de regarder une cassette dans laquelle le professeur O’Blivion s’adresse à lui pour lui expliquer que la télévision, faisant partie de la structure physique du cerveau, tout ce qui apparaît à l’écran est vécu comme une expérience primaire, et qu’ainsi la télévision est la réalité. Au moment où O’Blivion le met en garde en lui disant que sa réalité est déjà une semi-hallucination de vidéo et que si il ne fait pas attention cette hallucination deviendra totale, Nicki apparaît sur l’écran et tue le professeur O’Blivion. Elle s’adresse alors à Max et lui dit de venir à elle. C’est là qu’apparaît l’hallucination : le poste de télévision se met à bouger, à vivre, des veines apparaissent et il se met à respirer, et tandis que la bouche de Nicki remplie la totalité de l’écran, ce dernier se met à gonfler.
Nous avons vu que la première hallucination était clairement délimitée de la réalité grâce à un point de montage qui la mettait dans un autre espace-temps, comme une sorte d’image mentale qui viendrait contaminer subrepticement la continuité de la scène. Dans cette deuxième hallucination c’est complètement différent : il n’y a pas de rupture de continuité, ni spatiale ni temporelle. L’hallucination et Max sont dans le même plan, dans le même univers, un univers qui est déjà complètement mental, intérieur. Ici il n’y a donc plus alternance des deux points de vue, mais fusion. La scène est vue d’un seul et même point de vue, celui de Max. Le narrateur omniscient, extérieur aux événements, laisse place au narrateur personnage, cette instance narrative relevant de la subjectivité de Max.
A partir de là, toutes les autres hallucinations seront vécues sur le mode par le spectateur, toutes construites selon le même point de vue. On voit donc que Cronenberg, par le glissement vers une fusion des points de vue externe et interne, vient créer un doute chez le spectateur sur la réalité de ce qu’il voit, et ainsi l’entraîner dans un univers entièrement mental. Et ce doute vient créer un trouble chez le spectateur, car comment faire confiance à la caméra, elle qui ne ment jamais, aux images qu’il voit, si il ne peut plus distinguer la réalité de l’hallucination, la réalité du fantasme. Comme le dit Serge Grünberg, le spectateur « en arrive au point où toute image, tout cadrage, tout éclairage, toute information peut sembler douteuse ou mensongère » , et il ne peut plus savoir réellement si tel ou tel personnage a existé ou si Max a vraiment vécu tel ou tel événement.

- les personnages :

Nous avons vu que Serge Grünberg émettait l’hypothèse que tout le film Vidéodrome pouvait être vu comme un fantasme intérieurs, d’autres critiques y ont vu une rêverie éveillée, et selon cette approche, les événements et les actions ne sont qu’une projection inconsciente de Max (Selon Lacan, dans la schizophrénie, l’inconscient serait comme « à ciel ouvert »). Dès lors, il en ait de même aussi pour les quelques personnages rencontrés durant le film. Dans vidéodrome on peut voir ces personnages comme des métaphores, des symboles (Cronenberg dit lui-même dans un entretien que ce qui l’intéresse ce sont les métaphores), des projections (ou incarnations) des sentiments de Max (désirs, peurs, fantasmes,…). Ces personnages ont d’ailleurs plus l’impression d’exister par rapport à Max que par eux-même. Nous allons voir quels symbolique peuvent représenter les personnages qui gravitent autour de Max.

Nicki Brand

Elle est pour Max un objet de désir. Sa première rencontre avec elle, sur le Rena King Show, est d’ailleurs marquée par un désir sexuelle chez Max (il lui fait comprendre que la robe rouge de Nicki le stimule sexuellement). C’est elle qui va pousser Max vers les fantasmes du sado-masochisme, faisant ainsi ressortir et s’accomplir ses désirs refoulés mêlés de violence et de sexe. Au début du film, lors du premier rendez-vous entre Max et Nicki, celle-ci lui demande de lui entailler la peau avec un couteau, mais Max ne paraît pas intéressé et plutôt effrayé à l’idée de le faire (tout comme dans l’épisode où elle lui demande de lui brûler un sein avec une cigarette). Mais plus loin dans le film, quand Max test la machine de Barry Convex à enregistrer les hallucinations, son hallucination sera de fouetter la représentation vidéo de Nicki (on se souvient aussi que sa première hallucination est une gifle violente à l’égard de nicki). On voit donc que Nicki est le personnage qui permet aux fantasmes refoulés de Max de s’extériorisé et de prendre forme, et qu’ainsi Nicki peut être vu comme le fruit de son imagination, qu’il croit réel alors qu’elle n’est qu’un fantasme.
Mais Nicki peut aussi être vu comme le symbole de la mère. Serge Grünberg déclare, à propos de Max : « il cherchera sans cesse le réconfort fœtal de l’écran de télévision qu’est devenue Nicki » . En effet, à la fin du film, quand Max ne sait plus trop où il en est et qu’il se réfugie dans la bateau abandonné, il paraît soulager de revoir Nicki sur l’écran de télévision, comme si elle était un espoir, un réconfort. De plus, dans la même scène, Nicki invite Max à tuer l’ancienne chair pour pouvoir accéder à la nouvelle chair. En ce sens, c’est elle qui le guide à venir au monde une deuxième fois (le patronyme de Max, Renn, évoque d’ailleurs le mot renaissance), et par la façon dont l’écran explose dans une gerbe de sang et de chair quand Max se suicide une première fois, on peut dire, symboliquement, c’est comme si elle accouchait du nouveau Max.

Bianca O’Blivion

Bianca serait plutôt à l’opposé de Nicki, une sorte de religieuse à la pureté sans faille (son prénom évoque la blancheur), austère et intransigeante. Elle ne représente donc pas pour Max l’idée de désir ni de fantasme, mais plutôt l’aspect moral de sa personnalité, une sorte de surmoi qui vient le remettre dans le droit chemin. Alors que Nicki représentait plutôt la passion, l’érotisme, les pulsions refoulés, Bianca est plus du côté de la retenue, la froideur, de la raison. C’est elle qui va « déprogrammer » Max et le guider en le re-programmant à nouveau, mais cette fois ci pour détruire les projets malveillants de Barry Convex, donc dans un souci de justice et de Moralité. Bianca représenterait donc le surmoi faisant surface dans le fantasme de Max venant ainsi réintroduire les exigences, les interdits et les devoirs de la sociétés (moralité et justice, mais aussi respect (elle voue sa vie à la mémoire de son père), et solidarité (elle s’occupe des exclus de la société)), alors que Max était jusque là plutôt du côté de l’immoralité (sa fascination pour le sexe et la violence. Dans le Rena king show il est même montré comme un danger pour la société).

Barry Convex

Barry Convex est le personnage mauvais du film, un manipulateur, qui joue sur les apparences (à première vue il paraît chaleureux, charmant, sympathique, mais se révèle en définitive calculateur, démagogique et prêt à tout pour arriver à ses buts de domination). Barry Convex peut aussi être vue comme une sorte de double de Max : ils sont tous les deux entrepreneurs dans l’image (Max dans la télévision et Barry Convex dans les lunettes et l’optique), ils poursuivent le même but (diffuser Vidéodrome, même si pour Max c’est afin de satisfaire les téléspectateurs alors que pour Barry Convex c’est plus pour des raisons politique et idéologiques), et on retrouve quelques traits de ressemblance dans certaines de leurs attitudes (l’ironie, une certaine insolence, visible chez Max lors de son passage au Rena King Show). Barry Convex semble d’ailleurs connaître parfaitement Max. Barry Convex pourrait dès lors être une sorte de projection de Max lui-même, mais un Max critique envers lui même, un double accusateur qui se retournerait vers Max pour pointer du doigt ses défauts qu’il ne veut pas voir (une sorte de figure paternelle). Dans une scène on voit d’ailleurs Barry Convex demander à Max pourquoi il regarde Vidéodrome, Max se cache alors derrière une fausse raison, à savoir qu’il le fait pour son travail, mais d’un ton de dégoût et de colère, Barry Convex accuse Max de prendre du plaisir et de la jouissance à la vue de la torture et du meurtre. On a l’impression d’un père qui surprend sont enfant devant un programme immoral et l’humilie en l’accusant de perversité. On voit donc que Barry Convex est à la fois une sorte de figure paternelle, mais un père autoritaire et dur, et une sorte de double de Max conscient de ses défauts qu’il essayer de refouler.

Brian O’Blivion

Le professeur O’Bivion est lui aussi une figure paternelle, mais contrairement à Barry convex, c’est un père bienveillant. C’est lui qui va rassurer Max devant les transformation de son corps, comme un père rassure un enfant qui voit son corps changer, c’est aussi lui qui va le mettre en garde contre Vidéodrome en l’avertissant que l’hallucination créé par le signal vidéodrome pourrait devenir totale si il ne fait pas attention. Brian O’Blivion est aussi un savant, et à ce titre il représente la raison, la logique, qui permet à Max de sortir du doute et de donner forme au chaos du monde. On peut donc le considérer aussi comme un mécanisme de défense de son cerveau en proie au chaos et à la confusion qui va de ce fait créer une espèce de figure douée d’un certain caractère de crédibilité (un scientifique) lui permettant de croire à ce qu’il vie en créant une explication à l’apparence vraisemblable et logique. Donc Brian O’Blivion est à la fois une figure paternelle bienveillante et une tentative de son cerveau pour créer un mécanisme de défense contre le morcellement et le chaos de sa pensée.

Harlan

Au début du film, Harlan semble être le seul ami de Max, le seul avec qui il semble entretenir une relation fondée sur l’amitié et l’affection mutuelle. Ils partagent aussi beaucoup de points communs, ils sont célibataires, désordonnés, ont tous les deux une allure débraillée et « cool ». William Beard observe que Max perçoit Harlan comme un alter ego sur le plan spirituel et fraternel . Mais Harlan va se retourner contre lui et rejoindre Barry Convex, donc se tourner vers ses persécuteurs. On voit donc une ambivalence dans les sentiments affectifs de Max par rapport à Harlan. Harlan va alors lui aussi accuser Max de pervertir la société et de s’adonner à des penchants immorale. Harlan peut donc être vu comme Barry Convex, au sens où il pourrait être un double de Max, un double d’abord en accord avec ce que Max pense être, mais qui va devenir un double accusateur exprimant son dégoût face aux perversions de Max.

Nous voyons donc que les personnages secondaires peuvent être vus comme des créations de l’esprit de Max, des projections symbolique, exprimant des fantasme, des désirs ou des facettes de sa personnalité.


- Le décor :

Nous avons vu que l’univers dans lequel évoluait Max Renn pouvait être considéré comme un univers entièrement mental, c’est pourquoi les décors peuvent aussi être appréhendés comme des projections de sa subjectivité et un reflet de sa personnalité.
On trouve assez peu de décors dans Vidéodrome, le principal étant la chambre de Max. C’est là où se situe le plus de scène. La chambre de Max Renn reflète sa personnalité désordonnée et chaotique. On y trouve beaucoup de bric-à-brac, beaucoup de cassettes vidéos en désordre, son lit n’est jamais fait, et de plus elle est souvent peu éclairé, voir même dans le noir. Mais ce n’est pas seulement vrai que pour la chambre de Max. Beaucoup des autres endroits sont en désordre, notamment le local de Harlan dont la peinture sur les murs s’effritent et où tout un tas d’appareils électriques sont entassés. Cronenberg utilise donc les décors afin de représenter l’état mental de son personnage. C’est d’ailleurs très distinct lors de la scène où Max va se réfugier dans le vieux cargo abandonné. Il place en outre un insert montrant une pancarte où l’on peut lire « condemned vessel » (navire condamné), ce qui suggère un rapprochement avec Max et son funeste sort (il est lui aussi condamné à mourir). De plus, le vieux bateau se trouve dans un immense port, mais bizarrement c’est le seul bateau accosté, évocation là aussi de la vie de Max et de l’état de solitude dans lequel il se trouve. Mais c’est aussi l’intérieur du bateau qui est à l’image de la personnalité du héros, chaotique, triste (les couleurs sombres et sales) et dévasté. De plus, on retrouve à l’intérieur du bateau des éléments déjà présent dans plusieurs lieux du film : le lit débraillé et le poste de télévision de la chambre de Max, les paquets de cigarettes, des bouteilles vides déjà vues dans la chambre d’hôtel des représentants de « Hiroshima Vidéo », les murs marrons, ocre et rouges, ainsi que les chaînes et les crochets rencontrés sur le plateau de Vidéodrome.
Plus on avance dans le film plus certains décors vont refléter la déchéance de Max. Par exemple, vers la fin du film, lorsque Max se rend à la Mission du Rayon Cathodique, les rues sont désertes et sombres, et même l’intérieur de la mission paraît sans vie.
Un autre exemple montre que nous avons affaire à des décors mentaux sans consistance. Lors de la scène où Max tue Harlan en lui mettant une grenade dans la main, ce dernier explose, et en explosant, le mur derrière lui s’effondre. On voit alors que derrière ce mur il n’y a rien d’autre qu’un écran bleu. Dans le plan d’après, Max sort par le trou dans le mur, et se retrouve dans une rue quelconque. Cela montre donc que les décors sont comme des décors de théatres, n’existant que pour la scène en cours, mais n’ayant pas de vie propre en dehors, comme si Max créait au fur et à mesure les décors, et que ceux–ci disparaissait une fois l’action finie


lachez vos coms :oops:

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MessagePublié: 09 Sep 2007 17:17 
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Maîtres es Nanar
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Inscrit le: 30 Avr 2004 17:03
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Je n'ai jamais vu Videodrome mais ca fait longtemps que j'ai envie de le louer. Je n'ai jamais vraiment ose mais ton analyse fait pencher la balance dans le bon sens :-D Tres bonne analyse de la schizophrenie soit dit en passant. Ca me fait d'ailleurs beaucoup penser - d'une certaine facon - a "Donnie Darko" qui m'a donne l'impression (mais c'est personnel, je le souligne) d'un voyage dans l'esprit d'un schizophrene - entre autres.

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MessagePublié: 09 Sep 2007 17:42 
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Nanardeur Novice
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Inscrit le: 27 Juin 2005 9:57
Messages: 164
Localisation: RENNES.
Citer:
un de mes films préférés de cronenberg, et un de mes films préférés tout court.


Tout pareil ! :wink: J'ai également un gros faible pour "The Brood" et "Naked Lunch"... En fait, j'aime pratiquement tout de Cronenberg sauf son adaptation de "Crash !" (bof bof) et les 2 derniers en date.

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MessagePublié: 09 Sep 2007 18:39 
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Nanardeur en progrès
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Inscrit le: 21 Juin 2007 16:50
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Localisation: A la muscu,pour ressembler à un dessin de Rob Liefeld
Mon Cronenberg preferé!!! je l'ai vu à sa sortie(oui,je sais,ça remonte!) et en plus tout seul(tous mes potes s'etaient décommandés!)...après projection,j'ai ressenti un mélange de dégout et de fascination..le film imprimé dans le cerveau..j'avais vu un CHEF D OEUVRE et je sentais ses pattes insectoides s'incruster dans mes tripes....et puis il y avait Debbie"COME TO NIKKI!!!" :worship01: :worship01: :worship01: :worship01: :worship01: :worship01: :worship01:

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"-Vas-y,Mike!!!"
"-BRUNO,connard!!"
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"-Espèce de gros bouffeur de spaghettis,dont les 3 derniers films ont été de telles merdes que même les patronnages ont refusé de les programmer gratuitement..."


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MessagePublié: 13 Sep 2007 1:04 
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LE PATRON
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MessagePublié: 03 Nov 2007 21:48 
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LE PATRON
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MessagePublié: 03 Nov 2007 23:09 
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Nanar un jour, nanar toujours
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Messages: 2509
Localisation: Dans le desert en train de manger du crabe.
Chef d'oeuvre, film visionnaire , bien plus pertinent qu'ExistenZ , mon préféré de Cronenberg avec Naked Lunch et un de mes films culte ( un moment que je ne l'ai pas regardé au fait).

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"Au ciel il n'y a pas de bière, pour cela buvons sur la terre " ( devise de l'abbaye de Leffe)


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