Connaissez-vous la famille Noonan ? Moi non plus, elle règne depuis à peu près 30 ans sur la pègre de Manchester et à vrai dire n'a pas grand chose à envier à n'importe quelle "famille" italienne. Le documentaire suit donc la vie et l'oeuvre de Dominic Noonan alias Lattlay Fottfoy, parrain de la famille éponyme, père, oncle, et accessoirement redoutable personnage dont le film nous laisse entrevoir, au détour de quelques conversations, la face glaçante qui s'efface par ailleurs devant son côté résolument attachant. Le portrait qu'on nous en fait ici n'est pas uniforme, déjà peut-être parce que Noonan est -chose rare dans le milieu- un gay affiché mais aussi un père de famille aimant, un bonhomme intelligent, clair avec lui-même qui ne se cherche pas d'excuse ni assortir son côté protecteur des pauvres (classique chez les mafieux) autrement que comme la bonne gestion d'une réputation. De plus, le documentaire ne se contente pas de tourner autour de lui, mais gravite également autour de sa famille, son fils, ses neveux, son frère (un tueur à gage et un homme de main de la pire espèce) et les gamins, dealers du secteur, qu'il prottège. Ce n'est pas seulement un regard sur ce qu'est un gangster du calibre de Noonan, c'est aussi le portrait d'une certaine misère, des conséquences d'être d'une famille de voyou (par exemple le fils de Noonan aura vu son père en tout et pour tout 2 ans et 6 mois, et il en a 11) et de toute la précarité qu'implique cette condition (quand le jeune dealer parle de l'avenir sans Noonan...) Bref un portrait élargit qui peut à la fois faire froid dans le dos (quand Noonan evoque brièvement une vengeance qu'il a commis sur ceux qui l'ont violé quand il était gosse ou l'ascendant qu'il possède sur son quartier) séduire (la personnalité de Noonan, son côté "robin des bois" qui règle parfois des problème que les services sociaux ou la police ne pourrait pas régler) mais surtout faire réfléchir à travers le regard des enfants qui gravite dans ce milieu et pour qui, si la prison est toujours une option, la vie de gangster ne semble pas si séduisante que ça, tandis qu'ailleurs, les jeunes protégés du parrain affirme en ricanant : "on sait pas lire, on sait pas écrire, mais on sait compter". Le tout est filmé comme on peut l'attendre d'un doc, gros plan, caméra à l'épaule, etc, avec parfois des mouvement de caméra et des scènes -les plus intimistes- digne du cinéma classique.
A voir pour ceux qui en ont marre de voir des films à base de bang, bang et autre craquage de coude et voudraient comparer ce doc avec ce que Scorcese par exemple a fait sur les Affranchis. Le film a reçut le Grand Prix du festival de Cognac cette année, ça le vaut largement considérant ce qui sort dans le domaine en ce moment.
5/6
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