Martin Blank (John Cusack) retourne dans son bled natal de Grosse Pointe (dans la banlieue de Chicago) dix ans après y avoir été vu pour la dernière fois, le jour de son bal de promo. Ce que tout le monde là-bas ignore, c'est qu'il est aujourd'hui tueur à gages et qu'il est considéré comme un des meilleurs dans cette profession.
Officiellement, il est venu pour le bal de réunion des anciens de son lycée. Officieusement, c'est l'occasion pour lui d'exécuter un contrat aux environs. Poursuivi par ses névroses, Blank retrouve ses anciennes connaissances, en particulier son ancienne petite amie Debbie (Minnie Driver), qu'il avait abandonnée sans un mot d'explication il y a dix ans et dont le souvenir l'a toujours poursuivi. Et il doit en même temps se coltiner deux agents du FBI, un tueur qui a un contrat sur lui, ainsi qu'un collègue (Dan Aykroyd) qui essaye à tout prix de lui faire rejoindre un syndicat pour faire prospérer harmonieusement la profession.
Peu connu en France, "Grosse Pointe Blank" est un petit bijou d'humour noir qui mérite largement qu'on s'y intéresse. John Cusack est dans un rôle idéal pour lui : celui d'un type en apparence banal qui s'efforce de faire correctement son boulot mais rongé par ses problèmes et par ses manies. Tueur à gages est un business comme un autre pour lui, qui lui permet de défouler ses pulsions meurtrières. Complètement amoral, il explique bien à tous ceux qui le lui demandent ce qu'il fait, tueur professionnel, mais personne ne le prend au sérieux. C'est de toute évidence un film dans lequel Cusack s'est beaucoup investi. Il est également crédité au scénario, il vient lui-même de Chicago et le thème vinyle années 80 revient dans "High Fidelity" qu'il a également co-écrit.
L'intrigue sentimental est un rien convenue (on ne doute pas une seule seconde qu'il va finir par se rabibocher avec le grand amour de sa vie) mais le contexte est intéressant, vu que Debbie est animatrice radio, qui ne programme ce week-end que des morceaux années 80, qui constituent la bande-son du film (confiée à Joe Strummer, des Clash). Et cela nous vaut une scène assez incroyable où Debbie discute en direct avec Martin, avec les coups de fil des auditeurs pour lui suggérer comment se comporter avec lui.
Mais il y a surtout toute une série de numéros de seconds rôles en roue libre, en particulier Joan Cusack (la sœur) qui joue la secrétaire fofolle de Martin et Alan Arkin (avant sa redécouverte dans "Little Miss Sunshine") en psychanalyste que Martin consulte régulièrement, au grand désespoir du psy. La performance des acteurs est d'autant plus méritoire qu'à l'exception d'une scène, leurs contacts avec Martin se font par téléphone. Et puis, il y a Dan Aykroyd, lui-même impeccable en tueur hyper-suffisant et agaçant, qui n'est jamais aussi bon que quand il joue de sa fausse nonchalance. Plus Hank Azaria en agent du FBI et Jeremy Piven en meilleur pote d'enfance, devenu agent immobilier geignard.
George Armitage à la réalisation n'a pas fait d'étincelles avant ou après ce film mais il y a ici une sorte de cocktail qui prend très bien. La musique est astucieusement utilisée, en particulier avec les deux versions de "Live And Let Die" au moment où Blank retrouve son ancienne maison. La scène de fusillade à la supérette pendant que le vendeur joue à Quake est également bien fendarde.
Le film est facile à trouver en DVD pour une bouchée de pain mais la VO ne comporte pas de sous-titres français (il faut se contenter de l'anglais). Et John Cusack vient de reconnaître que son prochain film, "War, Inc.", une satire sur le Moyen-Orient, était bien une suite déguisée à "Grosse Pointe Blank".