L'opinion que j'ai sur le film de Jackson va surement en faire hurler plus d'un. Il y a cependant si longtemps que j'ai sur le coeur ce que m'a inspiré la vision de ce truc que je me décide à vous la poster. A vous de voir si mes arguments tiennent la route (suivant vos critères)
Bien que faisant partie de ceux (il y en a) qui n'ont pas aimé « Le Seigneur des Anneaux » et étant agacé par le délire d'un certain magazine hurlant à la naissance d'un chef d'œuvre avant même le premier tour de manivelle, c'est sans parti pris et fermement décidé à passer un bon moment que je suis allé voir le « King Kong » de monsieur Peter Jackson. Il est vrai que le respect manifesté envers le film de Cooper et Schoedsack par le metteur en scène et tous les protagonistes de l'affaire plaidait en faveur du film.
Las, la chute n'en fut que plus rude. « King Kong » est un ratage presque intégral, Interminable, de surcroît, péché qui était déjà celui de « Lord of the Rings ».
Passons rapidement (à l'inverse de Jackson qui, lui s'y attarde et s'y complait largement) sur la première partie. Là où, dans le film original, tout était dit en quelques plans, il nous faut subir de longues et inutiles précisions sur le background de Ann Darrow, de Carl Denham ou de Jack Driscoll, tandis que Jackson se gargarise de son New York numérique, fier de se vouloir plus vrai que le vrai. Puis on abandonne les rues de synthèse pour un océan digitalisé et un rafiot où l'on nous décrit longuement les comparses, en pure perte puisque le scénario, sans la moindre explication, les sacrifiera tous par la suite. Pendant la longue, très longue traversée, Denham, se prenant pour Robert Armstrong, filme Ann sur le bastingage. Malheureusement, Jackson lui, filme sa très fade vedette comme d'autres filment Nicole Kidman dans une pub pour parfum. Et ça dure comme ça, jusqu'à l'arrivée sur Skull Island. Une arrivée particulièrement absurde, première des incohérences manifestes du script : les aventuriers du film perdu tombent sur l'île sans explication, juste après que le capitaine ait décidé de faire demi-tour. Détail rigolo : ce capitaine qui a accepté de quitter New York sans papiers officiels, avec un pot de vin qu'il sait visiblement Denham incapable de payer, a soudain peur pour son bateau et veut livrer son passager aux autorités. Comprenne qui pourra... Ajoutons que pour avoir quittée le port aussi rapidement, le Venture doit être un sacré rafiot (et les gardes côtes américains de fieffés incapables). S'ensuit une scène de tempête spectaculaire mais au cour de laquelle, suite au vide abyssale des personnages, on n'éprouve pas le moindre sentiment de peur.
L'entrée en matière des aventures insulaires de Denham, Darrow & Co, nous vaut un détour par « Cannibal Holocaust », via la sanguinaire peuplade hantant la muraille maudite, mais un « Cannibal Holocaust » expurgé de toute violence. Parce que, sacrifiant à un politiquement correct de mauvais aloi, personne ne saigne dans « King Kong ». Si l'on y broie des têtes, c'est hors champ. Autant pour la sauvagerie du modèle ! La séquence se poursuit avec un grotesque enlèvement, mené à bien par un cannibale se prenant pour Sergueï Bubka. Voire ce type passer de l'île au cargo en sautant à la perche est un spectacle de choix.
Enfin, comme il commence à se faire tard, apparaît le roi Kong. Rien à dire sur son réalisme, c'est une indéniable réussite. Trop peut être, la vision de ce gorille un peu trop vrai et juste un peu trop grand excluant définitivement toute la poésie de l'original. Le vrai problème repose dans son attitude. Loin d'être un animal sauvage, Kong se conduit envers Miss Darrow comme un gros nounours. Il faut voir la séquence où elle danse pour l'amadouer, lui s'esclaffant, dans un accès d'anthropomorphisme qui laisserait pantois jusqu'aux dessinateurs de la Walt Disney Company, et se livrant à des plaisanteries d'un goût très sur (la pousser par terre, ouarf, ouarf, ouarf...). Puis, comme il est quand même King Kong, il pique une grosse colère, casse tout autour de lui, et au final se ramasse un rocher sur la tête, comme Oliver Hardy prenait des briques. Glissons...
Pendant ce temps, les poursuivants affrontent des dangers aussi divers que réjouissants : des brontosaures, des raptors, des insectes géants, des sangsues colossales. On se croirait dans un jeu pour Playstation, si ce n'est qu'aucun concepteur de jeu n'imaginerait, pour sortir les joueurs d'un mauvais pas, des choses aussi absurdes qu'un carambolage de brontosaures, où un personnage (qui, à en croire un dialogue entendu peu avant, n'avait jamais touché une arme) dégommant les cafards géants assaillant un de ses compagnons à la mitraillette Thompson, sans jamais toucher le pauvre porteur de parasites surdimensionnés. Ajoutons qu'être dévoré par une sangsue géante ne vous fait pas perdre la moindre gouttelette de sang.
Quant à Kong, lui, il se castagne avec des tyrannosaures à bascule. Il faut voir la pauvre Ann Darrow à cheval sur la tête d'un reptile faisant de la balançoire sur des lianes pour saisir ce que le mot « ridicule » veut dire.
Après toutes ces péripéties, Driscoll récupère la blonde, grâce à des chauves souris un peu bizarres qui l'instant d'avant se balançait paisiblement et d'un seul coup agressent le singe, le temps de laisser les deux humains chercher à s'évader en jouant à Tintin dans « Le Temple du Soleil », en utilisant un des vampires comme un parachute. Kong, pas très content, les poursuit, brise une porte qui lui résistait depuis des années, et se fait cueillir comme un bleu par Denham et sa troupe. Bon je sais, c'était pareil dans le film de 1933. Les indigènes, eux, ont disparu à jamais. Le reste du casting les suivra de près.
Retour à New York (et à la palette graphique). Après avoir découvert que le grand dramaturge Driscoll écrivait en fait des pièces de boulevard, nous assistons à un petit coup de colère de Kong, qui part à la recherche de sa poupée blonde. Là, seule bonne idée du film : l'animal, récupère toutes les filles qui passent à sa portée et les rejettent dès qu'il s'aperçoit qu'il ne s'agit pas de sa préférée. Le grand écrivain, lui, essaie de l'attirer on ne sait trop où, ni pourquoi. Arrive Ann, et elle et Kong s'en vont faire du patinage à Central Park. Ça se voudrait touchant, c'est juste niais et stupide.
Enfin, l'Empire State Building. On se sent soulagé. On touche à la fin du pensum. Il faut avant ça subir de longues digressions sur l'empathie qu'éprouve, politiquement correct oblige, Ann Darrow pour le primate, à grands renforts de regards chavirés des deux côtés. Finalement, les avions font leur boulot, Kong s'écrase au pied du building et Denham peut lancer sa grande phrase sur la belle qui a tué la bête, en pure perte à nouveau, tant l'émotion est absente. Fin du supplice.
Bref, de ce film dont on espérait beaucoup, ne reste qu'une baudruche à peine digne du remake, déjà piteux, de 1976. Les dithyrambes de beaucoup n'y changeront rien. Le seul vrai roi Kong, depuis 1933, demeure et demeurera indétrôné...
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