Ce western pro-indien fit sensation à sa sortie notamment par son ultra-violence graphique (au point d'en devenir un argument de vente comme le montre l'affiche ci-dessus). Cet aspect est en fait circonscrit aux deux scènes de massacre qui ouvrent et ferment le récit, la première étant du fait des Cheyennes, la seconde des Yankees (il s'agit de la "bataille" de Sand Creek). Nelson profite apparemment d'une certaine libéralisation des moeurs et de la censure pour trousser effectivement un spectacle plutôt jusqu'au-boutiste qui, aujourd'hui encore, n'a pas perdu grand chose de son caractère choquant. Je vais pas faire l'inventaire des horreurs filmées mais c'est assez inventif et pas avare en effets gores. Sur ce plan, on sent que le réalisateur s'inscrit dans le sillon préalablement tracé par Peckinpah, même si son montage est bien plus conventionnel.
Entre ces deux moments clairement pensés pour stupéfier le spectateur, le film dans sa majeure partie emprunte curieusement un tout autre ton, qui l'apparente pratiquement à un buddy movie. On suit en effet les pérégrinations dans le désert de Candice Bergen, jeune femme au caractère bien trempé qui a passé deux années chez les Indiens, et Peter Strauss, jeune soldat bleu qui abandonnera progressivement sa naïveté et ses idées reçues sur les Peaux-rouges. Gags, confrontations et péripéties s'enchaînent dans un environnement assez bucolique. Le duo semble assez facilement se remettre des événements atroces qui les ont réunis. Le personnage de Bergen jure et rote, et on devine que c'était une façon de titiller les limites de la censure de l'époque (ce qui me fait penser au
Carnal knowledge de Mike Nichols — où Bergen jouera l'année suivante — qui de ce point de vue-là également semblait prendre le pouls d'une permissivité nouvelle).
Le film veut réveiller les consciences et sans doute que l'intention était de préparer le contraste avec le dernier acte qui verse dans le cauchemar, mais j'ai trouvé ces scènes un peu trop artificielles dans leur écriture. C'est au final assez destabilisant, donnant presque l'impression de ne pas vouloir suffisamment assumer l'atmosphère sombre qui aurait du peser sur tout le récit. Nelson conserve également tout le long du film un point de vue du côté des blancs, et j'ai trouvé un peu dommage que sa représentation des indiens reste à ce point distante, sans chercher à rendre un peu compte d'une culture qu'il s'agissait de défendre et d'en montrer l'humanité.
La musique composée par Roy Budd est assez étonnante dans le sens où elle reste pauvrement illustrative, avec des thèmes western sans grande originalité. Très belle chanson-titre par contre sur le générique, interprétée avec émotion par Buffy Ste-Marie.