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Adaptation d'une des innombrables nouvelles de K. Dick (The Adjustment Bureau, titre que le film garde en VO), L'Agence s'intéresse à Matt Damon, jeune loup de la politique promis à un bel avenir et qui rencontre par hasard la femme de sa vie. Mais une erreur d'ajustement lui fait découvrir les agissements de simili-contrôleurs de la réalité qui s'occupent de vérifier que tout ce qui survient suit bien le plan du Directeur (et corriger le tir, s'il le faut). Ces derniers annoncent à Matt qu'il doit renoncer à revoir la jeune femme qu'il a rencontrée, sous peine de foutre la merde dans le continuum de votre choix. Mais vous connaissez les effets de l'amour...

Et bien c'est pas trop mal du tout, je trouve. Malgré son sujet intello et une bondieuserie esquissée (il est clairement dit que le Dirlo est Dieu), le film parvient à ne pas trop se prendre la tête ni à vouloir péter plus haut que ses fesses. On est dans un pitch de série B très dickienne, traité avec efficacité et respect. Certes, impossible d'échapper à certaines articulations convenues, mais rien de bien lourdingue. Voire, on peut être surpris des choix de progression du scénario (les différentes ruptures entre les deux persos). Les mecs de l'Agence ont la classe avec leur style vieillot et leur gestion administrative très emmerdée par les agissements de Damon m'ont bien fait tripper (y'a un petit côté Magna Veritas), avec une scène particulièrement excellente où ils le suivent dans la rue, sans se cacher de lui, pour faire merder toutes ses tentatives de rejoindre sa douce. On pense également à Dark City (le héros qui découvre les forces cachées à l’œuvre et la perte de liberté individuelle qu'elles entrainent, thème principal du présent film d'ailleurs) et même à Monstres et Co (les courses-poursuites à travers les portes).

L'Agence n'a pas particulièrement fait causer de lui, et c'est dommage car cela vaut largement le coup d’œil.

Le problème est plus que le film est vendu comme une sorte de thriller SF/dickien alors qu'il s'agit plus d'une histoire d'amour. C'est le ressort principal de l'intrigue (pas une quelconque quête identitaire du héros). Il n'est pas mauvais en tant que tel, mais ce n'est pas forcément ce à quoi on s'attend. Pour ma part, déception...

J'ai pourtant trouvé ces 2 éléments, l'amour et le délire SF, assez bien imbriqués l'un dans l'autre, même si je suis d'accord que la thématique de la destinée amoureuse est bien présente.

J'ai aussi beaucoup aimé "L'agence". De mémoire, parce que ça fait un moment que je l'ai vu, c'était sympa de voir un film où on ne nous dévoile pas tout immédiatement. L'histoire commence dans un cadre réaliste et puis d'un coup, il y a un point de basculement, le personnage de Matt Damon se fait alpaguer par les controleurs (qui entre nous, ressemblent beaucoup aux observateurs de "Fringe", aussi bien dans leurs looks que dans leurs méthodes. Sans doute la série s'est elle inspirée du bouquin de Dick avant, mais le film a sans doute ensuite repompé des trucs) et ça vire à la SF. On n'a pas d'avance sur le personnage, on est aussi surpris que lui et on se met à se demander qui sont ces gens, est ce qu'il s'agit d'une agence gouvernementale ou d'autre chose, on est un peu dépassé par les évènements et c'est pas plus mal.

J'avais aussi apprécié la bondieuserie dont parle Kobal parce que ce n'était pas vraiment celle que l'on a l'habitude de nous décrire. Il n'y a pas d'anges sortant des nuages avec leurs ailes et tout, finalement le Ciel, c'est géré comme une administration... . Plutôt original et même si on pourra toujours dire qu'il y avait déjà un peu de ça dans "Une vie moins ordinaire" et sans doute dans d'autres oeuvres, ce n'est pas forcément le schéma que l'on attend. Idem, il y a aussi des bonnes idées de cinéma, vues ailleurs mais bien exploitées (le coup des portes déjà évoqué plus haut).

Mais à la rigueur, tout cela n'est que de l'enrobage. Parce que la vraie beauté du film vient de son contenu. Il nous parle du Destin, celui qui dicte nos vies, contre lequel on ne peut rien. Il est rassurant, mais c'est aussi une prison. Et puis il y a le hasard d'une rencontre, la chance, l'imprévu. Cette histoire est touchante car elle refuse la fatalité. Les deux personnages ne sont pas fait l'un pour l'autre si on en croit les plans prévues pour eux, mais ils vont se battre pour leur amour. Malgré les murs que l'on va mettre sur leur route, ils vont refuser leur sort, jusqu'au bout. Un thème classique diront certains, universel soutiendront d'autres mais dans une société formatée où on veut nous mettre continuellement dans des cases, forger nos caractères, mouler nos attitudes, voir un récit qui envoie tout valser, c'est super réconfortant. Et puis surtout, on croit à cette histoire d'amour, les acteurs étant bien employés (un Matt Damon ça peut tout jouer).

Après, je comprend ce que veut dire Mike Hunter. Il y a la SF et l'histoire d'amour mais alors qu'on peut s'attendre à voir un des deux genres mis en avant avec des éléments du second, c'est plus complexe que cela, il y a vraiment une imbrication comme le souligne Kobal. L'histoire d'amour ne fonctionnerait pas sans les éléments de SF et les éléments de SF n'auraient pas lieu d'exister s'il n'y avait pas l'histoire d'amour. A la limite, on pourrait décrire la chose comme une comédie romantique déguisé en film de SF ou un film de SF romantique, mais il est impossible de déboiter les deux, c'est un bloc. Du coup, si on attend une intrigue échevelée avec beaucoup d'action ou une romance classique, on peut effectivement être un peu déboussolé. Il manque peut être aussi un peu de corps à l'ensemble, étant donné que je me souvenais avoir vu le film, l'avoir bien aimé mais qu'avant de mater la bande-annonce pour me rafraichir la mémoire, j'avais pour ainsi dire oublier beaucoup de chose, il n'y a peut être pas cette ambiance ou ces quelques scènes qui vous marquent au point de les garder inscrites dans un coin de la tête. Une bonne excuse pour que je le revois, en fait. Mais honnetement, si on est receptif, ça reste un beau petit film sur le libre arbitre, l'amour et ce que l'on est prêt à faire pour les conserver.

Et bien tout d'accord avec Wolfwood.
Et comme je le disais, l'administration angélique du film m'a beaucoup fait penser au jeu de rôle français Magna Veritas dans lequel on retrouve cet aspect guindé et rigide. Je sais qu'il en a existé une version américaine, mais de là à savoir si cela a pu constituer une influence du scénariste...