Je suis resté perplexe devant ce film. Je ne remet pas en cause les qualités de metteur en scène de Paul Thomas Anderson, c'est bien filmé avec de beaux plans séquences, une reconstitution fidèle de toute une époque, une bande son géniale mais ça m'a surtout fait l'effet d'un réalisateur qui aimait bien se regarder filmer comme d'autres aiment bien s'entendre parler. Il y a quelque chose de prétentieux dans sa façon de faire qui m'a un peu mis de côté. J'ai même eu l'impression que son sujet ne l'intéressait pas vraiment, tout y étant survolé, sans être approfondi (et c'est plutôt gonflé de ne pas aller dans la profondeur pour du porno). On nous parle de l'arrivée de la VHS, des coulisses du X, de l'insousiance de la fin des années 70 et du début des années 80 mais ça reste assez superficiel. Il s'agit plus d'un enchainement de scènes fortes qui n'ont pas toujours de lien entre elles (en ce sens, le film copie peut être sans le vouloir l'idée qu'on se fait d'un vrai film X) que d'un tout cohérent. Disons que plus ça avance, plus ça me faisait penser à "Pulp Fiction", une sorte de film chorale plein de moments sympas mais assez décousu ou finalement, sans aller jusqu'à dire qu'il n'y avait pas d'histoire, ce serait plutot les personnages qui serait le scénario, chacun caractérisant une idée que voudrait faire passer le metteur en scène. On aurait donc le jeune premier, rien dans la tête tout dans le pantalon, que nous suivrons dans sa gloire et dans sa chute. La starlette un peu vieillissante à la vie affective désastreuse et qui se réfugie dans la drogue, le réalisateur ambitieux qui voudrait faire un vrai film dans un milieu qui ne le permet pourtant pas, l'assistant qui une fois les lumières éteintes, rentre chez lui retrouver sa vie misérable de mari cocufié, le type qui se retrouve perdu entre les différentes modes, toujours un train de retard sur un monde qui évolue vite, trop vite... . Chacun nous raconte sa petite histoire mais lorsqu'on y réfléchit, ce sont un peu celles qu'on attend. Dire que dans le porno, il y a beaucoup de paumés, que ça implique de subir des préjugés, bon, je sais pas si ça vaut de passer plus de deux heures là dessus, on pourrait se contenter d'un quart d'heure et essayer justement d'aller voir ailleurs, d'être plus ambitieux que l'enfilade de clichés. Et puis il faut dire que parmi ses différentes séquences, il y a un peu de tout. Autant le running-gag avec la femme de William H.Macy est génial, tout comme le doc sur Dirk Diggler et sa saga érotico-policière des Brock Landers, autant d'autres choses fonctionnent moins bien comme l'espèce de délire à la Scarface piloté par un Alfred Molina en roue libre, lequel est trop référencé, artificiel pour être vraiment fun.
Ceci étant dit, on peut tout de même saluer l'effort de ne pas mépriser ces personnages. Arrive un moment dans leurs destins où on voit arriver une espèce de morale puritaine, où on avance vers quelque chose qui pourrait nous dire "si tu as vécu dans la débauche, tu mérites une fin à la hauteur de tes pêchés". Et finalement, non, les héros ne sortiront pas tous indemnes de leurs aventures, certains seront un peu cabossés mais ils ont droit au Salut ou au moins à une bouée de sauvetage qui leur offrira une vie acceptable. Seuls les meurtriers et les pédophiles finiront mal, les gentils auront le droit de vivre heureux. Dire en substance qu'on a le droit à une belle vie en vivant dans la luxure, ce n'est pas nécessairement ce qu'on nous sert d'habitude à Hollywood du coup, c'est pertinent de regarder cette vision du rêve américain vicié. Il faut d'ailleurs souligner que ses tranches de vie n'auraient sans doute pas le même intérêt sans leurs interprêtes. Mark Walhberg est l'homme idéal pour jouer Dirk Diggler, on croirait une version longue de Marky Mark dans le Found Footage Festival. Burt Reynolds est énormissime, c'est la vraie star du film et en ce qui concerne Julianne Moore, je me garderais bien de reproduire les propos que Nikita a tenu sur elle concernant ce film (faites une recherche sur le forum si ça vous interesse, je ne recopierais pas ça en présence de mineur

) mais en tout cas, je les partage. Mais il y a aussi une ribambelle de seconds rôles délicieux qui surgissent parfois le temps d'une seule scène, on s'attendrait presque à voir une grosse star venir jouer les figurants tellement on est gâté niveau casting.
"Boogie Nights" est donc un film dont je me souviendrais pour certaines scènes vraiment marrantes et des acteurs excellents. Néanmoins, j'aurais beaucoup de mal à le qualifier de chef-d'oeuvre, la faute à un côté "m'as-tu-vu" dans la mise en scène qui m'a rapidement saôulé et un scénario finalement assez vide. Je ne connais pas assez le cinéma de Paul Thomas Anderson pour avoir un avis sur le monsieur, mais ce film m'a fait un peu le même effet que du David O Russell, une impression que le bonhomme va nous apprendre le cinéma. Même que si ça trouve, il est persuadé d'en être l'inventeur. Alors qu'en fouillant bien, on se rend compte surtout qu'il a tout piqué ailleurs. Mais bon, malgré tout, le film reste très joli et on ne peut pas nier que le bonhomme sait se servir d'une caméra, ce qui n'est pas le cas de tout le monde
*insérer une critique assassine sur Steven Soderbergh ici*. Donc, finalement, ça reste tout de même un bel objet cinématographique, au moins à l'oeil.