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L'échelle de Jacob - Adrian Lyne (1990)
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Auteur:  Kobal [ 06 Fév 2010 16:18 ]
Sujet du message:  L'échelle de Jacob - Adrian Lyne (1990)

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Citer:
Jacob Singer, un employé des postes new-yorkaises, est assailli par de nombreux cauchemars durant ses journées. Il voit des hommes aux visages déformés et se retrouve dans des lieux qu'il ne connaît pas.


Film vu dans le cadre d'un ciné de l'association d'internes en psychiatrie. La thématique attendue était celle du psycho-traumatisme.

Cinématographiquement parlant, le film est intéressant, bien réalisé, avec une interprétation solide (Tim Robbins en tête).

Maintenant, difficile de ne pas spoiler si on s'intéresse au(x) sujet(s) du film. Loin d'être une description clinique du syndrome psycho-traumatique, il n'en demeure pas moins que L'échelle de Jacob retranscrit de manière intéressante certains aspects de ce trouble. On peut ainsi voir comment la scène traumatique envahit de manière diffuse le quotidien de Jacob, dans une confusion permanente du sens de ce qu'il vit ; à ce titre, la séquence de la baignoire est une parfaite réussite, un évènement de son apparent présent n'étant qu'une redite, une reviviscence de son trauma. Sommeil et veille se confondent via le syndrome de répétition (qui peut provoquer cauchemars nocturnes comme hallucinations diurnes), la perte de repères temporels provoqué par le montage anarchique et déréalisant illustre la sortie du psycho-traumatisé du continuum spatio-temporel, qui ne vit plus que dans un présent-passé sans cesse renouvelé, parfois même incapable d'investir son espace ici (USA) car toujours bloqué là-bas (Vietnam). De nombreux éléments appuient l'idée de son décès antérieur (les lignes de la main), en écho au sentiment décrit par les victimes d'être mort sur place, d'être devenu une coquille vide depuis la survenue de l'élément traumatique. Ce que la fin du film appuie d'ailleurs de toutes ses forces.

Par ailleurs, Jacob devient un homme sous tension, qui sursaute au moindre bruit, et dont le système végétatif se détraque (l'hyperthermie, les douleurs dorsales), d'autres symptômes du psycho-traumatisme. Sa personnalité change, il devient méfiant et irritable, pouvant même être violent. Le film va encore plus loin en proposant une psychotisation de Jacob qui oscille entre syndrome de persécution délirant et théorie du complot avéré, sans qu'il soit permis au spectateur de trancher (on peut à ce titre regretter la carton final qui en plus d'être ridicule, enferme le film dans une compréhension unique alors que ses pistes sont beaucoup plus riches).

Il est également intéressant de soulever la relation qu'entretient le trauma de l'agression avec celui du décès de son fils. La culpabilité évidente de Jacob (c'est lui qui lui apprend le vélo et l'amène à sa mort) n'imprègne pas sans raison ses hallucinations persécutrices et renvoie à la culpabilité de la victime d'une souffrance psychique. Certes, on parle de Macaulay Culkin, mais tout de même... Une part importante du travail de Jacob sur lui-même est d'ailleurs d'accepter cette culpabilité pour s'en détacher et pouvoir faire face à la réalité de la mort (celle de son fils et la sienne) de manière apaisée.

Bon, certains spectateurs ont pu reprocher l'abondance de clichés dans l'illustration visuelle de la dichotomie Paradis/Enfer (c'est vrai qu'à la toute fin, il aurait peut-être été plus finot de moins appuyer la symbolique), mais perso, j'ai trouvé ça plutôt bien distillé (entre autres par le personnage de Jezzie qui parvient à être diaboliquement sexy sans en faire trop).
On pourrait également s'étendre sur la métaphore des soldats agressés par leur propre pays, mais on s'éloigne d'une réflexion psy.

Tout ça pour dire que c'était sympa (quelle concision !). :D

Auteur:  daphne [ 06 Fév 2010 17:09 ]
Sujet du message: 

Un des rares films qui m'aient vraiment retournée. La fin est simplement immense.

Auteur:  Raccoon [ 07 Fév 2010 8:12 ]
Sujet du message: 

On en parlait justement il y a peu avec un pote pour ses influences sur le jeu Silent Hill... Un très grand film !

Auteur:  daphne [ 07 Fév 2010 18:35 ]
Sujet du message: 

Si comme moi le texte de Kobal vous a semblé bien obscur, permettez-moi de résumer un peu le propos du film (sans spoiler, pas évident !)

Tim Robbins y joue un vétéran du Viet Nam traumatisé par ce qu'il a vécu. On oublie souvent qu'une guerre n'est pas qu'une grande entité, mais est constituée de milliers de petits événements dramatiques dont de simples gens sont les acteurs, bourreaux ou victimes. Ainsi, Tim Robbins a survécu, dans le film, à une boucherie innommable par un bel après-midi. Et il ne s'en remet pas.
"Il ne s'en remet pas" est une bien faible expression, en réalité. On assiste dans L'Échelle de Jacob à son quotidien de vétéran, blessé au corps et à l'âme, et qui en bave des ronds de chapeau, mais cherche à s'en sortir. Sauf que, je vous le dis sans détailler, il ne s'en sort pas (je ne spoile pas grand chose parce que la tournure de l'histoire est à mille lieues de ce que vous imaginez).

La narration, le jeu, et surtout (comme l'a bien décrit Kobal) l'illustration de la manifestation du traumatisme dans toutes ses formes, sont prodigieux. On a mal pour le héros. Vraiment. Et la fin est l'une des plus désespérées qui soient. A voir.

Auteur:  skunkhead [ 07 Fév 2010 19:28 ]
Sujet du message: 

Très tentant. Juste une question : à quoi fait référence le titre ? Au passage biblique ou à la chanson jacob's ladder ? Et comment ça s'articule avec le propos du film ?

Auteur:  Kobal [ 07 Fév 2010 21:32 ]
Sujet du message: 

skunkhead a écrit:
Très tentant. Juste une question : à quoi fait référence le titre ? Au passage biblique ou à la chanson jacob's ladder ? Et comment ça s'articule avec le propos du film ?

Le film est très marqué par les références bibliques. Mais il y a par ailleurs une explication plus factuelle, qui est un spoiler : l'échelle est le nom du psychotrope testé sur les soldats américains afin de les rendre plus combatifs.

Auteur:  daphne [ 08 Fév 2010 13:55 ]
Sujet du message: 

Non seulement ça, mais on peut aussi faire le parallèle avec le fils de Tim Robbins dans le film (joué par un très jeune Macaulay Culkin, mais je rassure ceux que ça effraie : on le voit peu et il ne parle presque pas).


Gros spoiler, ne surtout pas lire si vous n'avez pas vu le film et comptez le voir a écrit:
En effet, le fiston (étant décédé) peut faire référence à l'interprétation de ce passage de la Bible, où l'Echelle de Jacob permet aux anges de descendre du ciel et d'y remonter, parfois accompagnés... La fin du film en est l'illustration criante : l'enfant est l'ange qui emprunte l'Échelle pour redescendre du ciel chercher son père.

Auteur:  KaosFactor [ 08 Fév 2010 14:17 ]
Sujet du message: 

Film qui m'avait laissé un sale goût dans la tête. Les images du délire de Jacob sont vraiment hallucinées. Une ambiance lourde et sordide, une lente descente morbide qui me rappel aussi le film Angel Heart.

Je ne l'ai vu qu'une fois, il y a fort longtemps et il me marque encore. J'ai presque peur de le revoir par crainte de perdre la vision que j'en ai. La vision purement psychique de Kobal est intéressante, mais il y a vraiment plusieurs niveaux de lecture à ce film (comme le précise, d'ailleurs, Kobal).

Auteur:  skunkhead [ 09 Fév 2010 4:25 ]
Sujet du message: 

Vraiment intéressant. Merci beaucoup à tous deux. J'ai commencé à regarder plus en détails ce qui s'était dit sur le film, et ça semble une vision intéressante du Vietnam, transformé en parabole des combattants sans buts, en recherche d'un ciel, d'un aileurs (?), ou quelque chose comme ça. Très riche, en tout cas.

Auteur:  Dr. Phibes [ 09 Fév 2010 13:47 ]
Sujet du message: 

Va falloir que j'y pense car... pas encore vu.

Auteur:  Kobal [ 09 Fév 2010 14:44 ]
Sujet du message: 

On est bien d'accord que le film offre de nombreuses pistes de compréhension selon les thématiques abordées (ce qui rend d'autant plus con la présence du panneau final). Je me suis particulièrement arrêté sur la considération du psychotraumatisme et de la culpabilité (je n'ai d'ailleurs pas évoqué la culpabilité du survivant qui s'articule bien avec les reste) parce que c'était dans ce contexte que je l'ai visionné.

Auteur:  Jokari Joestar [ 13 Déc 2013 23:18 ]
Sujet du message:  Re: L'échelle de Jacob - Adrian Lyne (1990)

Depuis le temps que j'entendais parler de ce film, j'ai voulu le voir. Waoh ! :shock: Je m'attendais à un film d"horreur plus rentre dedans, mais c'est bien mieux comme ça : ces visions horrifiques distillées au long du film (sans jump scares, elles surgissent subitement), la paranoïa qui s'installe ... et une fin aussi surprenante que touchante (même si je le sentais un peu venir).

Auteur:  bandtape [ 23 Déc 2013 20:11 ]
Sujet du message:  Re: L'échelle de Jacob - Adrian Lyne (1990)

L'échelle de Jacob est la preuve incontestable qu'il est un grand metteur en scène.
Il est gorgé de scènes inoubliables... La roue folle du lit d'hôpital, la tête au mouvement frénétique...
L'assise de la raison se désagrège petit à petit grâce à la magie de la mise en scène. :worship:

Auteur:  Buck Banzai [ 22 Oct 2022 8:02 ]
Sujet du message:  Re: L'échelle de Jacob - Adrian Lyne (1990)

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Découvert tout récemment et c'est vrai que c'est sacrément accrocheur, je n'ai pas vu le temps passer. Le réalisateur a eu le bon goût de ne pas utiliser des ficelles fantastiques trop grosses et j'ai trouvé l'ambiance générale poisseuse à souhait. La narration non linéaire est maitrisée et plonge le spectateur dans la confusion mentale du protagoniste principal. C'est une approche originale et vertigineuse du drame psychologique. Sur grand écran dans une salle de cinéma, ça doit être encore plus intense.

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