Forum Nanarland.com

Ce ne pourrait être qu'une énième histoire de flic isolé cherchant un tueur en série, mais "The Pledge" s'échine a être un peu plus que cela. Ne faisant pas du corps des victimes un alibi pour mener une enquête, l'histoire s'intéresse aux destins de ses petits disparus, à leurs vies, leurs parents, les traces qu'ils laissent derrière eux. On se moque un peu de savoir comment la vérité va éclater, des preuves, seul compte la justice et la façon dont on peut apaiser la peine des proches qui ont perdu un être aimé. C'est assez troublant de se retrouver dans un récit où les sentiments les plus nobles de l'être humain sont exposés tout en restant dans le sordide. Sans doute est-ce un défaut, de vouloir faire quelque chose de beau en ayant pour point de départ le viol d'un enfant. Je ne dis pas que tous les récits de sérial-killer doivent ressembler à du David Fincher, mais le style de Sean Penn ne semble pas tellement approprié au matériel de base. Chaque plan est un tableau, certains atteignent un niveau de pureté rarement vu à l'écran et pourtant, même si on sent le Mal rôder par instant, on ne peut pas dire qu'on ait vraiment peur de ce qui peut arriver. Peut être comme pour nous montrer que la cruauté peut frapper n'importe où, n'importe quand, même dans un endroit merveilleux où l'on se croit en sécurité. Mais finalement, la trop grande beauté de l'ensemble atténue le propos du film.

Il n'empêche que la construction de l'intrigue à quelque chose de bien vu lorsqu'elle lâche les investigations urbaines et les interrogatoires pour se tourner vers une ambiance champêtre et une façon peu commune de continuer l'enquête. Mais c'est aussi à ce moment qu'un autre gros défaut commence à apparaître. Car à force de faire dans le contemplatif, ce qui est voulu afin de montrer la façon dont l'enquête va piétiner pendant un long moment, on en oublie justement le fond du problème pour regarder Nicholson à la pêche, Nicholson à la brocante... . Comme pour lui présenter une chance de vivre enfin en paix, de profiter de la vie sans ses meurtres à résoudre mais cela nous fait aussi totalement sortir du film la faute à un rythme routinier et des paysages buccoliques pas vraiment en adéquation avec le fond du problème. Malgré tout, on retiendra que les dernières dix minutes retrouvent un peu de souffle et propose quelque chose de plutôt surprenant, gonflé et assez cruel pour dénouer l'intrigue dans le sens [spoiler]où le héros finira bien par stopper le tueur mais involontairement et sans le savoir. Si bien qu'on l'abandonne avec l'idée qu'il n'arrivera jamais à coincer le salopard qu'il s'est juré de poursuivre, au point de le faire virer barge, alors qu'en fait, il a bel et bien honoré sa promesse.[/spoiler] Reste aussi un casting de malade mental: Jack Nicholson, monstre sacré qu'on est prêt à suivre dans n'importe quelle aventure, Robin Wright méconnaissable en plouc à la gueule ravagée, mais aussi des tout petits rôles qui font mouche pour Aaron Eckhart, Mickey Rourke, Benicio Del Toro et Helen Mirren... . Si vous arrivez à foirer votre direction d'acteurs avec autant de talent c'est que vous le faites exprès. Heureusement ici ce n'est pas le cas et on assiste conquis à des belles prestations de comédiens. Et finalement, c'est peut être ce qu'on essaira de retenir de ce film dont la trop grande propreté empêche paradoxalement une certaine pureté dans l'émotion. Aborder un récit aussi lourd de cette façon fait de ce long-métrage un objet atypique mais qui ne touche pas son spectateur, pas comme il devrait tout du moins. Comme si la chaleur réconfortante de l'ensemble, et dont on se dit qu'elle n'a rien à faire là, nous ramenait surtout vers une certaine froideur.

Vu à sa sortie, je ne l'ai revu que très récemment, et entre les 2 visionnages, ce film n'a pas pris une ride, il est toujours aussi magistral.

Même avec ce cast 5*, le film aurait très bien pu se casser la gueule, mais voila, Sean Penn sait filmer et aime filmer les acteurs qu'il apprécie, et ça se voit, même si le tout petit défaut du film reste son rythme parfois trop pépère.

Pour la fin : outre le fait que Nicholson passe pour un sénile, c'est surtout cette forme d'injustice qui fait que l'on ne le remerciera pas pour son enquête et que personnes ne fera le lien entre l'accident du tueur et l'arrêt des meurtres.